M. Reverchon-Billot, directeur général du CNED, auditionné par la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale le 23 septembre 2020, a présenté son analyse de cet épisode.
Il a proposé « plusieurs pistes pour avancer » vers un enseignement en distanciel tourné vers « l’acquisition de nouvelles connaissances et compétences » et ne se contentant pas d’un objectif de « consolidation des acquis » comme fut, selon lui, la continuité pédagogique lors du confinement.
Initiateur « d’établissement augmenté » pour améliorer « l’équité territoriale », de « plateforme de remplacement d’enseignants », de « plateforme dormante activable à la demande » laissant « quatre semaines aux acteurs locaux pour s’organiser » en cas de confinement, il semble détenir les clefs d’un enseignement numérique à distance performant.
La table ronde de cette même commission le 30 septembre 2020 est venue enfoncer le clou. La priorité à une Education nationale 2.0 est affirmée. Pour le gouvernement, comme pour ses acteurs, le confinement a permis une expérimentation et une accélération dites bénéfiques au processus indispensable de transformation de l’institution. Tous les intervenants étaient d’accord sur ce principe « indiscutable » : l’enseignement doit être numérique !
Ainsi nous avons appris que CANOPE par la voix de sa directrice Générale devient désormais opérateur de formations numériques.
Les savoirs et savoir-faire informatiques seront, dans un proche avenir, évalués lors du CRPE, comme le souhaite M. Frugière, Président du réseau des INSPE.
Même si M. Geffray, Directeur Général de l’Enseignement Scolaire, a affirmé qu’il n’y a pas de « numérique magique », même si Mme Vincent de l’Université d’Aix Marseille considère que le numérique n’est qu’un outil, elle fait le rapprochement avec la citation de Philippe Meirieu « Avec un marteau, on peut construire une étagère, ou tuer son voisin. ». Nous comprenons vite que ces hauts responsables ne sont pas loin d’avoir découvert le Saint Graal : « le numérique permet la différenciation et la personnalisation », « il permet l’inclusion », « la classe virtuelle permet aux timides de mieux participer »…
Les professeurs impies, réticents, pour ne pas dire réfractaires, ne sont pas oubliés. Des stages de formation leur seront proposés, voire imposés.
Certaines interrogations élémentaires ont été repoussées à plus tard, comme celle de la dotation informatique dans les écoles, ou celle du fonctionnement de CANOPE en pleine restructuration.
Par contre, certaines petites phrases ont été placées, dévoilant des intentions, comme : “le numérique permettra une meilleure diffusion de la classe inversée, un apprentissage en dehors des horaires classiques, de remettre l’élève au cœur du métier “…
Il va sans dire que dans un monde numérique, l’Ecole se doit d’être présente et de préparer ses jeunes à cet avenir. Mais une fois de plus, il ne faut pas confondre innovation et progrès.
Le progrès n’est véritable que s’il profite à tous. Et comme l’a souligné une seule députée lors de cette table ronde, le numérique, pour l’instant, ne fait qu’accentuer les inégalités sociales, géographiques et autres, ce qu’a démontré l’épisode confinement.
L’aspect humain n’a que très peu été abordé. Pourtant, une classe virtuelle n’est pas une vraie classe. Où sont tous les aspects de la communication non verbale ? Où sont tous ces échanges implicites pour lesquels le distanciel n’égalera jamais le présentiel ?
Le numérique aura permis de maintenir une distanciation sociale nécessaire ces derniers mois, mais une utilisation à outrance du numérique dans l’école de demain créera une autre distanciation… Sans rapports humains, l’École ne sera plus l’École…