Dossier du mois de la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1482 du 3 novembre 2023.
Dossier coordonné par Jean-Pierre GAVRILOVIĆ, président du SNALC Détachés-Étranger-Outre-Mer (DETOM). Avec la collaboration de Frédéric CHEULA, responsable SNALC DROM-COM ; Olivier MOSER, responsable SNALC Guyane ; Élisabeth RODRIGUEZ, représentante locale du SNALC en Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna ; Jérôme MOTET, vice-président du SNALC La Réunion-Mayotte ; Béatrice BARENNES, secteur SNALC Communication.
À l’orée de l’hiver et dans le contexte d’une actualité morose, le SNALC vous emmène faire un tour d’horizon dépaysant, qui vous ouvrira peut-être des perspectives. Derrière la carte postale, nos représentants Outre-mer vous dévoilent le dessous des cartes et toute l’équipe du SNALC se tient prête à répondre à vos questions si vous voulez aller plus loin.
Au menu dans ce dossier...
Enseigner aux Antilles : l'exotisme sans les frissons
« Songe à la douceur D’aller là-bas vivre ensemble ! », Baudelaire, Invitation au voyage.
Et si vous envisagiez d’aller vivre et enseigner en Martinique ou en Guadeloupe ?
La représentation que nous en avons est celle d’îles paradisiaques aux eaux chaudes et cristallines, aux plages de rêve peu fréquentées, au climat globalement agréable… en somme une parfaite illustration de la douceur de vivre. Et cela, sans quitter la France.
La famille retrouvera ses marques dans les établissements scolaires de la maternelle au supérieur : BTS, BUT, classes préparatoires, universités, IFSI, INSPE etc. La santé est organisée selon le même schéma qu’en métropole, les communications aériennes très fréquentes avec la métropole, l’Amérique du Nord et les Caraïbes notamment.
Les Antillais sont attirés par la « nature », très présente sur ces îles volcaniques. La plage et les randonnées accessibles à tous offrent une grande diversité d’activités de plein air. Il y a aussi un riche tissu associatif ce qui permet, comme en métropole, de s’adonner à tous types de loisirs.
Un bémol toutefois dans ce tableau idyllique : les problèmes récurrents d’approvisionnement en eau. En effet, le réseau de distribution vétuste et son manque d’entretien chronique provoquent dans certaines communes des fermetures d’établissements scolaires. Les autorités, conscientes du problème, œuvrent à l’amélioration de la situation.
Concernant les aspects pratiques, la demande de mutation s’effectue dans le cadre du mouvement général inter académique, comme pour les autres académies. Les Antilles comprennent en effet leurs académies propres, de Martinique et de Guadeloupe. Contrairement à la Martinique, la région académique de Guadeloupe est composée de plusieurs îles sur une distance de 300 km s’étendant de la partie française de Saint-Martin à Marie Galante.
Les barèmes favorisent logiquement les personnels dont les centres d’intérêts moraux et matériels sont déjà sur le territoire guadeloupéen ou martiniquais (bonification de 1000 points pour la phase inter).
Et bien entendu, comme sur tous les autres territoires, le SNALC a son équipe DETOM sur place et se fera un plaisir de vous accompagner au quotidien, mais aussi de vous retrouver lors des congrès et colloques qui y sont organisés chaque année.
Spécificités de l’enseignement en Guyane
L’enseignement en Guyane présente des caractéristiques uniques qui en font un terrain d’apprentissage complexe, mais riche en opportunités. Région française d’Outre-mer située en Amérique du Sud, la Guyane se distingue par des spécificités géographiques, culturelles et économiques qui contribuent à y créer un paysage éducatif singulier.
Géographie
La Guyane est vaste et peu peuplée, ce qui entraîne la dispersion des établissements scolaires sur un territoire difficile d’accès. Cette géographie pose des défis logistiques en matière de transport des élèves et d’accessibilité des établissements scolaires, en particulier dans les zones rurales. Il n’est pas rare, à Papaïchton, Maripasoula ou encore Grand-Santi, de voir arriver les élèves en pirogue afin de débuter leurs journées de cours. Le SNALC Guyane encourage le rectorat et ses partenaires à accueillir et loger dignement les personnels d’éducation dans les communes isolées.
Enseignement
Le port de l’uniforme est généralisé (t-shirt de couleurs et jean) en école primaire et au collège. Les cours peuvent débuter à 7h du matin. La réalité géographique, culturelle et économique de la Guyane amène les enseignants à adapter leurs cours au contexte local. Le SNALC Guyane milite pour que les nouveaux arrivants puissent bénéficier d’une formation sur ce contexte avant d’entamer leur prise de fonction.
Défis socio-économiques
La Guyane fait face à des défis socio-économiques, notamment un taux de chômage élevé et des inégalités importantes. Les enseignants jouent souvent un rôle crucial en tant que modèles et mentors pour les élèves issus de milieux socialement défavorisés. Le SNALC Guyane souhaite davantage de moyens pour améliorer notamment les conditions de travail et aider les équipes à atténuer cette fracture.
Conditions de travail et rémunération
Lors de votre mutation, le déménagement est pris en charge par l’académie de départ si vous y avez accompli 4 ans de services. Une indemnité de sujétion géographique est versée aux nouveaux arrivants qui peuvent justifier de 2 ans de résidence administrative hors de Guyane. Le montant de l’impôt subit un abattement de 40 % (plafonné à 4 050 €). Les fonctionnaires d’État qui exercent en Guyane bénéficient d’une majoration de leur traitement indiciaire de 40 %. Le SNALC Guyane peut vous aider dans vos démarches de mutation et d’installation..
Polynésie française : enseigner au milieu des lagons ?
Bora Bora, Moorea, les Marquises… Autant de noms qui font rêver, comme ils ont fait rêver Brel et Gauguin.
Paradis terrestre au climat tempéré par les alizés, la Polynésie française bénéficie de températures comprises entre 20 et 28 degrés. Située dans le Pacifique Sud, elle s’étend sur des lagons aux eaux turquoise mondialement connus et appréciés.
La mise à disposition – et non l’affectation – se fait pour une période de deux ans, reconductible une seule fois. Les dossiers de demande sont étudiés par le Vice-rectorat de Polynésie française et le ministre polynésien chargé de l’Éducation.
La Polynésie française comporte de nombreuses îles, certaines très éloignées, sur une zone maritime de 5,2 millions de km². Situé à plus de 15 700 km de Paris, ce territoire est très bien desservi par les compagnies aériennes. Le voyage (21h30 de vol) suppose obligatoirement une escale depuis la métropole. Avant d’envisager une mise à disposition en Polynésie française, il convient de bien prendre en compte cet éloignement : le prix des billets d’avion ainsi que le décalage horaire (11h ou 12h) rendent difficiles les échanges avec la métropole. C’est une donnée non négligeable car le sentiment d’éloignement peut parfois être difficile à vivre, a fortiori si l’on se retrouve en établissement isolé.
La Polynésie étant située dans l’hémisphère sud, les vacances scolaires diffèrent de celles de la métropole : rentrée scolaire mi-août avec moins de semaines de vacances en été et des vacances de Noël plus longues.
Le coût de la vie y est nettement plus élevé qu’en France. Le salaire des enseignants est versé en francs pacifiques avec un coefficient de majoration. Généralement, une grande partie des frais de déménagement sont pris en charge dans le cadre de la mise à disposition, mais il faut bien se rendre compte qu’une fois sur place, voyager d’îles en îles représente un coût non négligeable.
Le taux de criminalité en Polynésie française est bas. Il y fait bon vivre et cela se ressent dans les classes avec des élèves qui sont, dans leur grande majorité, agréables et respectueux.
Bienvenue en Nouvelle-Calédonie ! Italofan* !
* Bienvenue (en kanak)
Il existe autant de diversité pédagogique en Nouvelle Calédonie que d’îles sur le territoire calédonien, de langues vernaculaires ou de sortes d’hibiscus…
À ceux qui ne connaissent pas encore ce coin du Pacifique, voici quelques observations qui pourraient vous faire envisager une prochaine demande de mise à disposition du Vice-rectorat local.
Des familles très attentives ou inexistantes
Certaines familles, qu’elles soient modestes mais ambitieuses pour leurs enfants, ou très favorisées, peuvent exercer une forme de pression sur les équipes enseignantes. Mais pour la plupart, les relations sont hélas inexistantes pour diverses raisons. L’école est souvent peu considérée tant par les individus que par les dirigeants politiques tous bords confondus : il suffit de voir combien d’établissements sont délabrés, pas ou peu entretenus depuis 40 ans.
Des journées harassantes
Depuis leur plus jeune âge, les élèves sont habitués à une école bigarrée où l’on chante, on danse, on écoute beaucoup et on dort aussi parfois en saison chaude … Ainsi, il n’est pas rare de voir des lycéens s’écrouler sur leur bureau pour une petite sieste. Les cours commencent à 7h20 le matin pour finir à 17h30 et la pause méridienne fluctue de 10h30 à 14h30 selon les emplois du temps. De gros internats en lycée accueillent les élèves à la semaine : de nombreux îliens ou élèves venant du nord de la Grande Terre ne rentrent chez eux que toutes les sept semaines selon le rythme régulier des périodes scolaires. Ces jeunes ont des « correspondants locaux » : famille ou amis pour s’occuper d’eux le week-end. À partir de la 6e, surtout si l’on habite en brousse, on prend le bus dès 5h30 du matin pour être au collège à 7h. Cela donne de longues journées éreintantes.
Internat et familles éloignées
Cet éloignement des familles empêche le contact régulier avec les équipes pédagogiques. En lycée comme en collège, de nombreuses familles ne se déplacent pas pour les réunions parents-professeurs : certaines seraient obligées de prendre l’avion pour quelques heures en soirée, ce qui est hors de question et de moyens.
Pour autant, ce sont encore des élèves « à l’ancienne » que nous avons ici, tant les principes d’éducation kanaks et calédoniens sont basés sur le respect de l’adulte et l’humilité. Les élèves sont très attachants et attachés à leurs professeurs, dès lors que ces derniers leur portent de l’intérêt, qu’ils ne reçoivent pas forcément dans certaines familles.
Le poids de la religion
La religion est omniprésente et il ne sert à rien de vouloir empêcher les signes ostentatoires portés naturellement par les élèves : crucifix, ou tee-shirt à l’effigie de Bob Marley – c’est aussi une religion ici !
Si vous enseignez la littérature, il ne sera pas rare de trouver des citations bibliques dans vos copies ou des références claires à des passages de l’Ancien Testament. À vous d’expliquer que l’école doit rester laïque… A contrario, plus aucune querelle de clochers ici puisque les nombreux protestants cohabitent très bien avec les catholiques, les évangélistes et laissent de la place aux quelques minorités juives, musulmanes ou bouddhistes du territoire.
À travailler encore…
Un des revers de cette culture qui impose le respect des adultes et des anciens, c’est le manque de maturité de nos élèves, surtout manifeste à l’oral : ils cherchent leurs mots, peinent à enchaîner leurs idées, quand ils ne se retranchent pas dans des attitudes mutiques ou de timidité extrême, y compris chez les jeunes adultes de BTS, toutes spécialités confondues. Des concours d’éloquence, des exercices pour pratiquer l’oral en public, des concours de lecture à voix haute sont là pour leur permettre de combler leurs lacunes, et leurs progrès sont fulgurants même à partir de la seconde dès lors qu’ils se sentent en confiance.
Le travail personnel est pratiquement inexistant mais n’est-ce pas aussi le cas en métropole ? Ici comme là-bas, les écrans ont envahi les cerveaux ; et comme les livres commandés ne sont livrés qu’au bout de deux longs mois et coûtent le prix d’un bon repas, autant dire que faire lire les élèves relève du challenge pour les professeurs ! Tous les moyens sont bons pour remédier à ce problème : téléchargements de romans en fichiers PDF, achats de séries prêtées par le lycée, ruée vers les librairies de seconde main ou les brocantes en tous genres pour trouver le Graal dont vous aurez absolument besoin pour boucler vos lectures cursives de bac, par exemple.
Pour conclure, je n’échangerais pour rien au monde mes élèves kanaks et j’angoisse déjà à l’idée que mes années de mise à disposition sont désormais comptées et qu’il me faudra repartir un jour vers la métropole.
La Réunion : un Eldorado ?
Enseigner à La Réunion représente une gageure pour bon nombre de candidats à la mobilité. Il est en effet difficile d’entrer dans notre académie sans les points de centre d’intérêts matériels et moraux (CIMM), beaucoup de candidats étant issus du stage de titularisation à La Réunion.
L’académie présente un retard structurel important, avec des effectifs scolaires élevés (plus de 700 élèves dans bon nombre de collèges, plus de 900 dans la plupart des lycées) et une difficulté scolaire accrue, un élève sur deux se trouvant en éducation prioritaire. Hors éducation prioritaire, les effectifs de classes dépassent les 30 dans le secondaire. En découlent une gestion des risques psycho-sociaux difficile et un climat scolaire parfois explosif. Les pressions pour réduire l’importance de l’orientation en voie professionnelle aggravent la frustration que peuvent ressentir élèves et professeurs de l’académie.
Le climat est certes clément avec les alizés mais le manque de climatisation rend les conditions d’enseignement difficiles en été sur les côtes où la démographie se concentre. Le coma circulatoire routier qui en est le corollaire et la grandeur des zones administratives imposent un temps de déplacement très long.
Le taux de chômage étant très élevé et le secteur marchand peu implanté sur l’île, les perspectives pour les jeunes issus du système scolaire sont restreintes. 20% de la population en âge de travailler a un emploi dans la sphère non marchande, notamment la fonction publique.
Malgré un attachement traditionnel fort aux valeurs de respect et d’autorité, l’influence de la mondialisation et des dogmes pédagogiques imposés au forceps malgré nos caractéristiques a contribué à détériorer la relation adultes-élèves dans l’académie.
Il n’en reste pas moins que, en dehors de l’étouffement routier des bas et face à la fraîcheur des hauts, la beauté des sentiers escarpés menant à des hameaux éloignés dans une végétation spectaculaire et les origines diverses de la population rendent la vie à la Réunion unique et riche. Aider les élèves réunionnais à s’en sortir, leur inculquer les valeurs de la République dans cette conjoncture indianocéanique rendent l’exercice du métier à La Réunion très enviable à bien des égards.
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Retrouvez le SNALC DETOM dans le prochain n° de la revue Quinzaine universitaire n°1483, avec un dossier spécial « Enseigner à l’étranger »