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Climat scolaire : un dérèglement inévitable ?

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Dossier du mois de la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1490 du 7 juin 2024.

Dossier coordonné par Élise BOZEC-BARET, secrétaire nationale du SNALC aux conditions de travail et au climat scolaire. Avec la collaboration de Xavier THIRION et Luc PAVAN, secteur SNALC conditions de travail et climat scolaire, Arnaud FABRE, secteur SNALC lettres classiques, Céline FONROUGE, secteur SNALC enseignement professionnel, Sébastien VIEILLE, secrétaire national du SNALC à la pédagogie et Marie-Laure KHUN, SNALC de Normandie. 

Au menu dans ce dossier...

Climat scolaire : un dérèglement inévitable ?

Début mai, une concertation sur le respect de l’autorité à l’école a été lancée par notre ministre. Un mois plus tôt était présenté un plan ministériel sur la sécurité, « Déployer un bouclier autour de l’école ». Au début de l’année scolaire, c’était du harcèlement scolaire dont il était question. L’agenda ministériel semble ainsi témoigner d’une activité débordante sur les questions de la sécurisation et de la régulation du climat scolaire. Il faut reconnaître que la litanie d’actes de violence internes ou externes, de harcèlements, de menaces sur les réseaux sociaux, et de conflits de tous ordres entre les différents membres de la communauté éducative inquiète, à juste titre. 

À première vue, le SNALC pourrait donc se réjouir de la mise en avant de thématiques sur lesquelles il alerte depuis longtemps pour que soit enfin prise en compte la souffrance des personnels qui en découle. Malheureusement, cette activité (agitation ?) ministérielle risque de ne pas déboucher sur des actions efficaces à long terme, faute d’un réel investissement. En effet, alors que la densité du contenu du « bouclier autour de l’école » est inversement proportionnelle à la boursouflure de son intitulé, la concertation sur le respect de l’autorité se déroule quant à elle dans des conditions qui ne laissent pas présager grand-chose de consistant pour l’instant (voir dans ce dossier la contribution du SNALC). 

Pour le SNALC, il n’est pas question de regarder ailleurs pendant que la maison Éducation nationale brûle. Il n’est pas question d’abandonner des personnels consciencieux et dévoués, menacés dans leur intégrité, déconsidérés et épuisés, isolés comme le petit colibri de la légende. C’est avec force et conviction que le SNALC se mobilise dans les instances institutionnelles pour faire entendre vos revendications, intervient dans la défense de vos intérêts et organise des congrès pour vous informer et vous écouter. Soyez assurés que le SNALC continuera son action indispensable pour vous soutenir, si besoin vous aider à vous relever pour désormais œuvrer dans un climat apaisé. 

Concertation sur le respect de l’autorité à l’École : contribution du SNALC

Aux sources de l’autorité

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Le mot autorité a bien des sens et bien des adversaires. Étonnamment, ce mot appartient à la même famille que le mot auteur. Son origine latine a une signification précise : c’est le garant mais aussi l’instigateur, celui qui en étant à l’origine d’un savoir est capable d’en garantir la valeur, donc d’être à l’origine d’un mouvement ou d’une action intellectuels.

Mais quel rapport avec le professeur dans sa classe ? C’est justement la clef de notre métier. Le SNALC revendique le sens plein de ces racines parfois oubliées car elles éclairent d’un jour lumineux ce qui se passe dans la classe, ce qui permet à un professeur d’y passer sa journée et lui donne l’envie d’y revenir chaque jour.

Pour que les élèves nous écoutent, il faut être un expert de sa discipline. Notre quotidien, c’est de tenir ces rênes invisibles qui permettent au groupe la concentration et d’éviter à ces chevaux fougueux de se dissiper. C’est en étant un spécialiste de haut niveau des savoirs et en ayant étudié dans le détail les complexités d’un sujet qu’on trouve les ressources pour répondre aux questions improvisées, guider les apprentissages, concevoir des enseignements de qualité. Une autorité qui n’est pas fondée sur du savoir n’est qu’une revendication narcissique, et qui suscite des rébellions narcissiques.

La transmission des connaissances se fonde sur cette étymologie. Qui n’a pas les bases, et pour parler sans détour, qui n’a pas le niveau ne peut tenir ses classes. Le SNALC dénonce les imposteurs qui veulent faire croire qu’un professeur biberonné aux sciences de l’éducation s’en sortira face à ses élèves. Si la formation des professeurs doit intégrer des gestes professionnels, elle doit surtout réaffirmer qu’un spécialiste de son domaine est le seul qui paraîtra légitime aux yeux des élèves. Les nouveaux professeurs doivent aussi en être convaincus.

Pour le SNALC, les disciplines ne sont ni une entrave ni un problème dans le système éducatif français. On n’a pas à s’excuser d’apporter du savoir à un enfant.

Nos savoirs constituent à la fois ce qui fonde notre autorité en classe, mais aussi le cœur de notre profession. Les réformes conçues sans prendre en compte cet élément fondamental sont vouées à l’échec, car elles sapent l’autorité des enseignants en niant leur expertise professionnelle.

Comme quoi, être le garant d’un savoir dérange bien plus nos dirigeants que nos élèves qui, eux, savent reconnaître les qualités d’un maître.

I.A. : vers une évaluation artificielle ?

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Le progrès technique a toujours été synonyme de questionnements et de dangers. L’avènement de l’intelligence artificielle (IA) et de ses avatars, comme Chat GPT, n’échappe pas à la règle et doit nous interroger sur l’efficacité actuelle de l’évaluation, notamment au Cned.

Les collègues du Cned se trouvent aujourd’hui face à un problème majeur. La sincérité du travail des élèves est remise en cause par l’utilisation de plus en plus récurrente de l’I.A. par les élèves pour produire leurs devoirs.

Dans l’acte d’apprentissage, c’est fâcheux. Mais lorsque l’on parle de classe à examen où une partie du diplôme se joue sur le contrôle continu, cela devient réellement problématique.

Évidemment, comme à chaque évolution technique, des outils sont inventés pour pallier les nouvelles difficultés. Des logiciels dits de proctoring, pour surveiller des examens à distance, se sont développés ; d’autres sont censés détecter les plagiats ou les recours à l’I.A.

Malheureusement, comme dans le cadre du piratage informatique ou du dopage dans le sport – ne s’agit-il pas ici d’une forme de dopage des notes ? – la lutte contre la pratique délictueuse a bien souvent un temps de retard.

Le SNALC n’a pas de solution toute faite à proposer au Cned. La vigilance, le suivi des élèves pour détecter des évolutions statistiquement très improbables sont sans doute les seules solutions actuellement.

Et cela doit interroger tous les professeurs. En effet, le Cned, même s’il s’agit d’un type d’enseignement spécifique, ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt.

De plus en plus de collègues nous font remonter des fraudes liées à l’IA, même lors de devoirs sur table, même avec une surveillance active. Il était déjà devenu impossible de donner des devoirs à la maison sans s’interroger sur la qualité réelle du travail des élèves. Si évaluer l’apprentissage et la progression en classe n’a plus la vertu de l’honnêteté, si les tensions s’exacerbent du fait d’une suspicion généralisée, c’est toute la relation pédagogique qui perd son sens.

Pour le SNALC, l’I.A., au-delà de la question technique, interroge sur le devenir même de la valeur émancipatrice du savoir à l’École et dans notre société.

Enquête SIVIS… de forme ?

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Le SNALC a lu avec un intérêt certain la note d’information de la DEPP1 concernant l’enquête SIVISde l’année scolaire 2022-2023. Il s’agit d’une étude statistique des incidents graves (violence physique ou verbale, harcèlement, consommation de produits illicites…) dans nos établissements. 

Qu’apprenons-nous dans ce document ? 

  • Dans le premier degré, sont recensés 4,6 incidents graves pour 1000 élèves en moyenne, alors même que 80% des écoles ne sont pas concernées par ces troubles.
  • Dans le second degré, la situation est plus délicate puisqu’on y déplore 13,6 incidents graves pour 1000 élèves, alors même que 33% des établissements ne seraient pas concernés par ces problèmes.
  • Dans le second degré, la plupart des incidents débouchent sur une exclusion temporaire (69 %). On peut douter de l’efficacité. Et on peut observer aussi qu’il y a relativement peu d’information de la police gendarmerie, procureur (24 % contre 53 % dans le premier degré) et peu de plaintes déposées (11 %). Bref, incidents réglés en interne avec une efficacité qui pose question.

Si l’on rentre à présent dans les détails, nous nous apercevons tout de même que, pour le premier degré, les incidents sont en augmentation de 50 % par rapport à l’année précédente. Notons également que les chiffres sont inquiétants concernant les lycées professionnels (20,2 incidents graves pour 1000 élèves). 

Lorsque le SNALC interroge les personnels de l’Éducation nationale, le sentiment d’insécurité est effectivement croissant. Le SNALC regrette donc que les personnels ne puissent pas faire remonter auprès de la DEPP les incidents graves dans leurs établissements respectifs. Ce sont actuellement les seuls IEN et chefs d’établissement qui participent à cette enquête de la DEPP depuis 2007. Or, les personnels n’étant pas ou peu informés de l’importance de ces remontées, une sous-évaluation n’est pas à exclure.

Le SNALC demande donc à l’administration de revoir le dispositif de déclaration des incidents graves afin qu’aucune violence ne passe sous les radars.


(1) Direction de l’Évaluation de la Prospective et de la Performance (https://www.education.gouv.fr/media/160611/download)
(2) Système d’Information et de VIgilance sur la Sécurité scolaire (https://www.education.gouv.fr/les-signalements-d-incidents-graves-dans-les-ecoles-publiques-et-les-colleges-et-lycees-publics-et-380730

L’inclusion en SEGPA : oui, mais pas à tout prix !

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Depuis plusieurs années, les enseignants de SEGPA (Section d’Enseignement Professionnel Adapté) sont confrontés à de nouvelles problématiques de gestion de classe rendant difficile l’exercice de leurs missions.

Rappelons que l’accès aux classes de SEGPA dans les collèges se fait selon trois principaux critères :

  • persistance de graves difficultés dans les apprentissages au fil des années ;
  • insuffisance du travail personnel fourni par l’élève ;
  • capacité, néanmoins, à participer et à s’intégrer à la vie du collège en autonomie.

Ces classes, au nombre restreint d’élèves (16 recommandés), ont pour objectif de préparer les élèves à une formation post 3e adaptée (CAP en apprentissage ou en Lycée professionnel), en individualisant les enseignements.

Or, de plus en plus d’élèves présentant des handicaps, souvent très différents, mais dont beaucoup relèveraient d’ITEP (Instituts Thérapeutiques Éducatifs et Pédagogiques) sont inclus à 100% en SEGPA. Le profil de ces élèves (qui devraient être en ITEP mais ne le sont pas faute de dépistage, de places et de moyens) diffère fortement de celui des élèves de SEGPA : en effet, leurs difficultés, d’ordre psychologique, entraînent notamment d’intenses troubles du comportement, qui perturbent gravement leur socialisation et leur accès aux apprentissages. Cela n’est pas conforme à la Circulaire n° 2015-176, qui indique : « La SEGPA n’a pas vocation à accueillir des élèves au seul titre de troubles du comportement ».

Ainsi, l’absence de prise en charge, de soins et/ou de rééducation pour ces élèves ne permet plus à nos collègues de SEGPA de faire face aux besoins spécifiques de leurs élèves. Ces classes perdent ainsi peu à peu leur rôle premier d’aide aux élèves en grande difficulté scolaire au profit de l’accueil d’élèves aux handicaps complexes à gérer en groupe classe.

Le SNALC revendique pour chaque élève le droit à l’éducation en fonction de ses besoins, dans des structures réellement adaptées lorsque c’est nécessaire. Il s’emploie à défendre les enseignants spécialisés de SEGPA dont les conditions de travail se sont grandement dégradées ces dernières années.

Professeur : le métier dont j’ai toujours rêvé ?

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Après avoir été reçue à l’agrégation d’espagnol en 2011, j’ai été nommée stagiaire dans un Lycée de l’académie de Nantes. C’était l’année où l’on avait un service complet, en plus de la formation à l’IUFM. Malgré cela, le métier ressemblait beaucoup à celui que je m’étais imaginé : intense, intéressant, exigeant, des élèves parfois difficiles mais exactement comme peuvent l’être des adolescents.

Ensuite, il y a eu la grande roulette des mutations et la titularisation dans l’académie de Créteil. Comme des centaines de collègues, j’ai découvert que le cadre de vie était essentiel, tant pour la santé mentale des professeurs que pour le climat de travail et la réussite des élèves. J’ai alors réalisé que je n’étais absolument pas préparée à la tâche qui m’incombait. On n’attendait pas de moi des compétences dans ma discipline, encore moins un bagage universitaire, mais bien de tenir virilement une classe et d’encaisser le rapport de force permanent. Petit à petit, ce métier tant rêvé est devenu un cauchemar. La boule au ventre le matin, les 2 à 3 heures quotidiennes de transport, les incivilités, la fatigue ont eu raison de ma vocation.

C’est alors que grâce au SNALC, j’ai demandé un poste adapté. Dans un premier temps, il y a eu la reconstruction grâce à une nomination comme enseignant correcteur au Cned. Le temps de se reposer et retrouver confiance en moi. Puis, dans un second temps, il y a eu le courage de franchir le pas de la reconversion, de renoncer à terme à ce concours pour lequel j’avais fait tant d’efforts et aussi, sans doute, dans lequel j’avais mis trop d’espoir. Le service RH de proximité de mon académie m’a permis de me poser les bonnes questions, notamment grâce à une formation de type bilan de compétences. J’ai eu l’envie et la force de reprendre des études en économie gestion, de recommencer un cursus en première année de licence. Le poste adapté n’est pas forcément une voie de garage, il peut permettre une reconversion dans de très bonnes conditions. La mobilité peut certes être un parcours du combattant mais elle est un droit et vous ne devez pas y renoncer. Un professeur malheureux n’est pas un bon professeur.

Communiquer, un geste professionnel essentiel

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Si l’on en croit l’Institut de formation des cadres de l’Éducation nationale (IH2EF), : « Bien maîtrisée dans le style, la temporalité et le contenu, la communication contribue à asseoir l’autorité et la crédibilité ainsi qu’à conduire le changement dans un climat serein et de confiance. » Cependant, tous les personnels de l’Éducation nationale, qui représentent l’institution auprès des élèves, des parents et des autres membres de la société doivent eux aussi « asseoir [leur] autorité […] dans un climat serein et de confiance » !

Le SNALC ne peut donc que déplorer l’absence de formation à la communication pour des personnels qui passent la majeure partie de leur temps à communiquer. Cela a trop souvent pour conséquence de livrer des collègues démunis en pâture à des personnes parfois malveillantes.

Rappelons que les travaux sur la communication de l’école de Palo Alto remontent aux années 1950 : il y a donc plus de 70 ans de recherche universitaire sur ce sujet. Malgré cela, des personnels comme les enseignants qui passent l’intégralité de leur journée à communiquer ne sont toujours pas formés alors même qu’un guichetier ou un vendeur le sont.

Si l’on recherche le mot communication dans le référentiel des compétences des enseignants, il n’apparaît même qu’une fois, dans la phrase : « Maîtriser la langue française à des fins de communication ». C’est dire toute l’importance accordée à cette compétence essentielle…

Pour le SNALC le constat est donc sans appel, la communication doit devenir un geste professionnel et la maîtrise de ses rouages une compétence de tous les personnels afin de les protéger contre toutes les interactions négatives.

Dans le cadre de l’accompagnement de ses adhérents, le SNALC se tient à votre disposition pour vous aider à préparer vos entretiens, et organise régulièrement des ateliers sur la communication lors de congrès académiques.

N’oubliez jamais que celui qui mène la discussion, c’est celui qui pose les questions. N’avez-vous jamais été soumis au fameux « Qu’avez-vous à dire ? » souvent utilisé par les cadres de l’éducation nationale lors d’entretiens ou même sa version adoucie, le fameux « Je vous écoute » ?

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