Reconnaissance du harcèlement au plus niveau de l’Éducation nationale ?
Jean-Rémi GIRARD, président du SNALC, réagit sur BFMTV le 17 septembre 2023
Philippe Gaudin
Invité du Live BFM Jean-Rémi Girard, bonjour, merci d’être avec nous. Vous êtes professeur de lettres modernes et président du syndicat national des lycées, des collèges et des écoles. Est-ce qu’il y a profondément un problème dans le système au sein de l’Éducation nationale sur cette question ?
Jean-Rémi Girard
Il y a un problème dans le système de manière générale aujourd’hui, au sein de l’Éducation nationale, mais la question du harcèlement, en fait, elle est très compliquée à gérer. Je voudrais d’abord, évidemment, avoir une pensée pour l’enfant qui est mort, quand même, c’est ce qui s’est passé. Si les parents avaient repéré des choses et on voit qu’il y a eu des échanges avec l’établissement, voilà, évidemment.
Philippe Gaudin
Ils avaient repéré, ils avaient alerté, ils avaient vu le proviseur. Ils avaient écrit au rectorat
Jean-Rémi Girard
Et le proviseur leur avait d’ailleurs répondu, il y a la lettre du proviseur qui est sur votre site où il liste les différentes choses qui ont été mises en place, les différents dialogues. Effectivement, il n’y a pas eu “rien de fait”
Philippe Gaudin
C’est le cran au-dessus dont on parle, le rectorat qui pose problème. Avons-nous un problème de fond, de structure ?
Jean-Rémi Girard
Alors oui, si vous me parlez du Rectorat de Versailles, oui, on a un problème de structure. Je suis professeur de l’Académie de Versailles, ça ne fonctionne pas très bien, très clairement.
Philippe Gaudin
Que ce soit Versailles ou plus largement ? Demain, ce sont tous les recteurs et rectrices que Gabriel ATTAL convoque.
Jean-Rémi Girard
C’est bien normal qu’il le fasse. Il a aussi diligenté une enquête administrative, ce qu’il faut absolument faire dans ces cas-là. Et c’est très bien que la réponse du ministre ait été rapide et également ferme. Il va falloir voir pourquoi quoi qu’il se soit passé, et il faut qu’il ait évidemment l’enquête policière pour comprendre les raisons du suicide. Mais quoi qu’il se soit passé, non, un représentant du Rectorat de Versailles n’a pas à répondre ainsi à une lettre de parents, quand bien même les parents auraient menacé de porter plainte. Nous sommes dans une situation de harcèlement, on sait quand même faire preuve d’humanité, mesurer ses propos et avoir une correspondance qui ne soit pas une sorte de déclaration de guerre.
Philippe Gaudin
Vous qui avez les mains dans le cambouis, est-ce que vous percevez ça également ? Est-ce que vous partagez cet avis sur le fait que dans les rectorats, dans l’institution, on ne prend pas suffisamment en compte ces questions de harcèlement scolaire, voire on dit aux parents, et c’est ce que nous disait Martine Brousse tout à l’heure, on nous dit de temps en temps, « arrêtez de nous ennuyer avec ça, on a autre chose à faire ».
Jean-Rémi Girard
Les rectorats sont souvent très sous-dimensionnés pour gérer tout ce qui leur remonte, c’est-à-dire qu’il y a une multiplication des demandes, une multiplication des courriers. Il y a un problème de culture et même un problème d’organisation avant d’avoir un problème de culture. C’est-à-dire qu’effectivement, on va recevoir des courriers, on va devoir traiter la chose, et puis c’est telle personne, sans forcément en parler autour d’elle, je ne suis pas sûr que ce courrier était relu par beaucoup de personnes avant d’être envoyé, qui va prendre sur lui de répondre comme ça. Il y a une vraie difficulté, qui ne se constate pas qu’au niveau des élèves et des parents, mais qui se constate aussi au niveau des personnels. On a connu le mouvement “Pas de vague”, cette difficulté de dialoguer avec l’administration et d’avoir une administration à l’écoute, on est les premiers à la connaître, nous personnels de l’Éducation nationale.
Philippe Gaudin
Je vous remercie de votre sincérité sur ce point.
[…]
Philippe Gaudin
Est-ce que vous avez le sentiment que cette affaire-là peut véritablement faire bouger l’institution, créer un électrochoc ?
Jean-Rémi Girard
C’est-à-dire, ce n’est pas la première fois, l’an dernier, nous avons eu une situation assez similaire. Le SNALC et les autres organisations représentatives avaient eu une réunion sur le sujet du harcèlement avec le précédent ministre pour essayer de faire avancer le dossier. Depuis, le ministre a changé. Du coup, nous en avons eu une autre cette semaine avec le nouveau. Nous sommes évidemment sur la question de la gestion administrative. Nous sommes aussi sur la question de la gestion du harcèlement dans les établissements et comment nous pouvons agir. Par exemple, dans le courrier du proviseur, il y a des mesures qui ressemblent beaucoup au programme PHARE, que nous sommes en train de généraliser. Nous avons demandé qu’un bilan de ce programme soit fait. Nous ne l’avons jamais fait au niveau national, nous ne savons pas si cela fonctionne ou dans quelles conditions cela fonctionne. Par exemple, la proposition que l’élève harcelé fasse une médiation avec ses harceleurs devant des adultes, c’est quelque chose qui peut probablement fonctionner dans les cas de petits harcèlements, pour des enfants ou des adolescents ne se sont pas rendu compte parfois de la portée de leurs propos ou de leur comportement. Cela peut être contre-productif dans des cas de harcèlement plus grave. C’est pourquoi nous aimerions aussi que les personnels reçoivent une formation solide sur ce sujet, car il est très compliqué de repérer du harcèlement. Nous ne voyons les élèves que quelques heures par semaine, donc il est très difficile à prouver. Je crois que la difficulté que le proviseur avait rencontrée était liée à l’idée de prouver qu’il y avait du harcèlement. Cela nécessite de démontrer une répétition, ce qui n’est pas forcément simple. Ensuite, une fois que nous avons réussi à le prouver, nous disposons de moyens pour exclure les élèves harceleurs de l’établissement, mais nous devons également travailler sur cet aspect pédagogique.
Philippe Gaudin
On voit tout le travail qu’il y a à faire, et il y aura cette réunion demain avec les recteurs et rectrices ainsi que Gabriel Attal. Merci beaucoup d’être sur le plateau de BFM TV ce matin.