Ce mercredi 20 mars, Sibylle Le Maire, directrice exécutive de Bayard, et Jean-Remi Girard, président du Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur (SNALC) se sont penchés sur l’utilité d’introduire dans les salles de classe l’éducation financière et les questions connexes comme l’argent, les moyens de paiement, les écogestes, les distributeurs de billets et les fraudes, dans Le grand débat dans l’émission Good Morning Business présentée par Laure Closier et Christophe Jakubyszyn. Good Morning Business.
Jean-Rémi Girard, président du SNALC était en direct sur BFM BUSINESS le mercredi 20 mars 2024.
BFM BUSINESS – Christophe Jakubyszyn
Jean-Rémi Girard, président du syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur.
Bonjour.
SNALC – Jean-Rémi Girard
Bonjour.
(…)
BFM BUSINESS – Laure Closier
Quand vous voyez ce qu’il se passe dans cette école où on apprend pendant une semaine l’éducation financière avec des banquiers, Jean-Rémi Girard, vous dites : “L’école, c’est un endroit où on doit parler d’argent”, ou ça n’a rien à y faire ?
SNALC – Jean-Rémi Girard
On peut tout à fait parler d’argent à l’école. D’ailleurs, on en parle déjà, souvent plus au lycée qu’à l’école primaire et au collège. En lycée professionnel, par exemple, on a des cours d’économie-gestion, et en lycée général et technologique, dès la classe de seconde, on étudie les sciences économiques et sociales. Donc, ce n’est pas un sujet tabou.
La chose sur laquelle nous allons être très vigilants, c’est qu’il ne faut pas faire la promotion de ceci ou de cela, car l’école est également un endroit qui se doit d’être neutre.
BFM BUSINESS – Christophe Jakubyszyn
Quand je parle de faire la promotion, je fais référence à la promotion d’un système économique ou d’un système économico-politique particulier. Après tout, il est important de noter que c’est le système économique dans lequel nous vivons.
SNALC – Jean-Rémi Girard
Oui, tout à fait. Je ne dis pas qu’il ne faut pas le décrire. Il ne faut pas dire “ça c’est bien, ça c’est pas bien”, mais oui, bien sûr, on peut le décrire.
La question que l’on se pose toujours à l’Éducation nationale quand on nous dit “ah ce serait bien de faire ça”, c’est : quand est-ce qu’on le fait ? et très vite : on le fait à la place de quoi ? Parce que les semaines et les journées ne sont pas extensibles.
Et aussi, dernières questions : qui le fait ? Et avec quelle formation ? Parce que pour enseigner des questions budgétaires, des questions d’économie…
BFM BUSINESS – Christophe Jakubyszyn
Si c’est un banquier ça va ?
SNALC – Jean-Rémi Girard
Alors, un banquier n’est pas un professeur, donc à un moment donné, on parle d’enseigner.
Donc, un banquier peut être, peu importe que ce soit un banquier. Moi, j’ai enseigné la découverte professionnelle, je faisais venir des gens du milieu de l’entreprise.
BFM BUSINESS – Christophe Jakubyszyn
Bien sûr, mais il faut encadrer.
SNALC – Jean-Rémi Girard
Il faut effectivement que ce soit un enseignant, qu’il y ait un programme, et que ce soit encadré par un cadre national. C’est l’école de la République.
(…)
BFM BUSINESS – Laure Closier
Alors, que peut faire l’école au milieu de tout cela ? Jean-Rémi Girard, vous disiez, c’est toujours à la place de quelque chose qu’on apprend n’importe quoi. En même temps, ça peut être un nouveau sport. Est-ce qu’on ne peut pas trouver une petite plage horaire, quelque part, pour réussir à aborder ces questions qui vont structurer les enfants pour la suite ?
SNALC – Jean-Rémi Girard
Alors, on pourrait tout à fait intégrer dans l’une des disciplines existantes, car nous au SNALC, nous le disons très clairement : il faut arrêter de créer de nouvelles disciplines à l’école, nous en avons déjà beaucoup.
BFM BUSINESS – Laure Closier
Dans une discipline ?
SNALC – Jean-Rémi Girard
Effectivement, cela pourrait être intégré comme un chapitre ou même plusieurs dans ce qu’on appelle l’enseignement moral et civique, car cela a une dimension extrêmement civique, liée à la citoyenneté, etc.
Maintenant, les programmes d’enseignement moral et civique sont en train d’être refaits. Nous y avons déjà inclus la citoyenneté, les institutions, la lutte contre les discriminations et le harcèlement, l’éducation à la sexualité, l’éducation aux médias et à l’information… À partir de la 6e, je le rappelle, il n’y a qu’une demi-heure par semaine pour couvrir tout cela.
Donc, vous voyez, nous avons vraiment, vraiment un problème de temps à l’Éducation nationale. Et à un moment donné, on nous dit “oui, il faudrait faire du théâtre, il faudrait faire ceci, cela, etc.”
BFM BUSINESS – Christophe Jakubyszyn
Alors concrètement, pour l’éducation économique, désormais, c’est devenu obligatoire pour les élèves de 4e. Cela prend la place de quoi ? Et qui est-ce qui dispense cette formation, justement ?
SNALC – Jean-Rémi Girard
Alors ça, c’est ce qu’on appelle “les heures magiques” à l’Éducation nationale. C’est lorsque quelque chose est transversal, c’est-à-dire que cela concerne tout le monde, donc à la fin, cela devient l’affaire de personne . Nous, enseignants, avons un programme dans une discipline pour laquelle nous avons été formés. Pour ma part, je ne suis pas spécialiste en éducation économique. Quand j’ai enseigné la “découverte professionnelle”, je n’ai reçu aucune formation pour cela. Je me suis débrouillé avec les moyens du bord et avec un fichier, très clairement.
Donc, en fait, non, ce n’est pas plus enseigné que cela ne l’était auparavant. Il y a énormément de communication sur ce que nous faisons de plus à l’école, mais en réalité, nous sommes même en train de réduire les heures. Nous avons supprimé une heure d’enseignement en 6ème à la rentrée prochaine.
(…)
SNALC – Jean-Rémi Girard
Alors maintenant, il y a des SES pour tout le monde en place de seconde. Ce n’était pas le cas par le passé.
(…)
BFM BUSINESS – Laure Closier
Après, on se demande si la question de gérer un budget, ce n’est pas tout simplement des mathématiques. (…) On était au primaire. Est-ce que c’est là où il faut commencer l’éducation financière, ou bien est-ce que c’est trop tôt ?
SNALC – Jean-Rémi Girard
Alors, ce n’est pas forcément une question de précocité, car il existe toujours des méthodes pédagogiques adaptées, des manières de présenter les concepts aux élèves, quel que soit leur âge.
Le véritable problème réside dans le fait que la semaine scolaire à l’école primaire a considérablement diminué par rapport à notre époque, en termes d’heures d’enseignement, et pourtant, les enseignants sont confrontés à une charge de travail de plus en plus lourde.
Ils doivent désormais enseigner une langue vivante, comme l’anglais, par exemple. Nous sommes actuellement dans une émission dont le titre est en anglais. Si vous aviez connaissance du niveau réel de formation en anglais des enseignants du primaire, vous seriez peut-être quelque peu préoccupés.
Ainsi, la difficulté réside dans l’ajout de nouvelles tâches à des professionnels dont le métier est déjà en crise, car nous faisons face à des difficultés de recrutement, ce qui devrait susciter des inquiétudes et questionner la manière dont l’État gère les finances, l’économie et son rôle en tant qu’employeur.
BFM BUSINESS – Christophe Jakubyszyn
On pose aussi ces questions ici, ne vous inquiétez pas, nous sommes d’accord avec vous.
SNALC – Jean-Rémi Girard
Dans tous les cas, ce n’est pas que nous ne pouvons pas le faire à l’école primaire, c’est que dans les 24 heures par semaine, cela va être compliqué de l’intégrer, alors même que nous avons beaucoup de difficultés à enseigner les mathématiques à nos enfants aujourd’hui.
BFM BUSINESS – Christophe Jakubyszyn
C’est intéressant, Jean-Rémi Girard, parce que votre discours semble raisonnable, vous vous concentrez sur les moyens et la capacité des professeurs à enseigner ces nouvelles matières qui sont un peu ardues et compliquées.
En revanche, vous n’avez pas du tout d’a priori, vous ne dites pas du tout, parce que parfois on l’entend, mais ce n’est pas votre cas apparemment, ce matin, sur le fait que l’économie, l’enseignement de l’économie des entreprises, plus que l’économie politique, n’a pas sa place à l’école.
Les règles du capitalisme, comment on investit, le goût du risque, et tout ça, ça ne vous choque pas que ça fasse son entrée à l’école ?
SNALC – Jean-Rémi Girard
Alors, le fait de comprendre le fonctionnement du capitalisme n’est absolument pas choquant, étant donné que nous vivons dans une société capitaliste. C’est quelque chose qui est abordé au lycée. On peut discuter de la qualité de cet enseignement, mais je pense que dans l’ensemble, c’est plutôt bien fait. Les enseignants sont généralement bien formés et compétents à cet égard.
En revanche, enseigner le goût du risque dès le CE1 ne semble pas être le bon moment ni le bon endroit pour le faire. Cependant, aborder des questions budgétaires à un niveau adapté est tout à fait envisageable.
Mais je tiens à souligner à nouveau que le niveau en mathématiques en France est actuellement très préoccupant, ce qui reflète la crise profonde que nous traversons.
BFM BUSINESS – Laure Closier
Le recrutement des profs de maths, déjà…
SNALC – Jean-Rémi Girard
Le recrutement des professeurs de mathématiques, ainsi que des professeurs des écoles, nécessite une formation adéquate. En effet, un professeur des écoles n’arrive pas nécessairement avec un niveau de mathématiques déjà parfait, donc une formation de qualité est indispensable pour enseigner cette matière. En troisième, j’ai pu constater que lorsque je demandais à mes élèves de calculer un pourcentage, 28 calculatrices sortaient, mais j’obtenais 27 résultats incorrects.