Les métiers de l’enseignement connaissent une crise des vocations. Plus de 3 000 postes n’ont pas été pourvus aux concours enseignants cette année. Un taux historiquement bas. Dans ce contexte inédit, Pap Ndiaye a présenté sa feuille de route pour la rentrée, lors d’une conférence de presse ce vendredi. Le ministre de l’Éducation nationale a annoncé un concours exceptionnel pour titulariser les enseignants contractuels pour faire face à cette pénurie. 3 000 d’entre eux ont ainsi été embauché pour la rentrée. On en parle avec : Véronique Fèvre, journaliste éducation à BFMTV. Olivier Toutain, président national de la Fédération des Parents d’Élèves de l’Enseignement Public. Maxime Reppert, secrétaire national aux conditions de travail pour le SNALC. Bruno Jeudy, éditorialiste politique à BFMTV. Amandine Atalaya, éditorialiste politique à BFMTV.
Maxime Reppert, secrétaire national aux conditions de travail et climat scolaire du SNALC, répond aux questions sur BFM TV le 6 septembre 2022
Journaliste
Autre point de vue. Bonsoir Maxime Reppert, merci d’être avec nous en direct également ce soir. Vous êtes secrétaire national aux conditions de travail pour le le SNALC, c’est un syndicat enseignant et vous êtes-vous même prof d’histoire Géo à Beaune, c’est en Bourgogne. Monsieur Reppert sur cette situation là, cette rentrée qui se présente, avez-vous le même point de vue, plutôt optimiste que l’on entend de la part de la PEEP.
Maxime Reppert
Je suis un petit peu pessimiste par rapport à la situation. Nous dénonçons au niveau de mon syndicat, un manque d’anticipation cruel qui fait qu’aujourd’hui, nous nous retrouvons à flux tendu. En termes du nombre d’enseignants face aux élèves, je veux bien que l’on parle volontiers, si vous voulez de de la conjoncture, mais c’est un petit peu mettre sous le tapis un problème qui à mon sens est réel et perdure depuis des décennies. C’est la question de l’attractivité du métier. Il faut savoir que dans les années 2000, pour le CAPES, vous aviez 50 000 candidats, 20 ans après, vous n’en avez plus que 20 000, c’est à dire une baisse de 60% . Alors effectivement, il y a eu des modifications au niveau du recrutement puisqu’on est passé d’un bac plus 3 à un bac plus 5. Mais c’est bien insuffisant pour expliquer cette baisse très importante et continue du nombre de candidats.
Journaliste
Mais est-ce un problème français, Monsieur Reppert ? J’ai l’impression que chez certains de nos voisins européens, il y a une crise un peu similaire, non ?
Maxime Reppert
Je ne connais pas le détail de ce qui se passe dans d’autres pays européens, ce que je peux vous dire, c’est qu’en France, c’est un problème qui devient de plus en plus important. On a vu avec la pandémie, déjà des premiers signes, justement, de ce manque de personnes et manque d’enseignants face aux élèves. Et là, pour cette rentrée ça devient une évidence, on ne peut plus le cacher, tout simplement.
[…]
Journaliste
Maxime Reppert, est-ce qu’il n’est pas trop tôt pour critiquer l’action de ce ministre ou pourquoi il l’est; pouvez-vous l’expliquer ?
Maxime Reppert
Je ne suis pas dans dans des attaques de personnes entre guillemets. Que ce soit Jean-Michel Blanquer ou Pap Ndaye, j’ai envie de vous dire, c’est pas ça que je regarde, c’est surtout la politique éducative qui est menée. Et dans cette politique éducative actuelle, même si ça ne date pas de Jean-Michel Blanquer, ça fait des décennies qu’on est dans une forme de dégradation du système scolaire. On est en train de faire perdre petit à petit le sens du mot service public pour ce qui est de l’école. Ce que l’on attend, c’est tout simplement d’être entendu ? On parle de la question du salaire, effectivement, c’est extrêmement important qu’il y ait un rattrapage salarial puisque je le rappelle actuellement un enseignant qui débute sa carrière touche 1,2 fois le SMIC. Effectivement, ce n’est pas attractif, il n’y a pas que ça. Il y a aussi l’image du métier d’enseignant qui est extrêmement négative. J’ai entendu il y a quelques minutes dire qu’il y a des professeurs qui refusaient d’aller dans les zones rurales et que du coup on a envoyé les contractuels, c’est faux puisque un enseignant titulaire ne peut pas refuser de se rendre dans une affectation qui lui est donnée.
Journaliste
Monsieur Reppert, je vous interromps un instant juste par souci de lisibilité pour notre débat puisque en plateau plusieurs personnes ont dit que ce que vous disiez. était faux.
Journaliste 2
Non, il y a des professeurs stagiaires qui vont refuser, par exemple, d’aller dans certaines zones. C’est quand même une réalité aujourd’hui.
Journaliste
Monsieur Reppert
Maxime Reppert
Techniquement parlant, ils ne peuvent pas refuser ou alors ils renoncent au bénéfice de leur concours.
Journaliste 2
Non mais ça arrive, oui.
[…]
Intervenant
Il faut éviter la mise en concurrence des établissements aussi au sein d’une d’une même ville.
Journaliste
Monsieur Reppert, qui êtes toujours avec nous, donc je rappelle, vous n’êtes pas juste syndicaliste, vous êtes enseignant, vous êtes prof d’histoire vous en Bourgogne, ça ne vous plairait pas vous demain d’avoir un coup de fil d’un chef d’établissement qui vous dit : « moi, je suis à Brest ou je suis à Paris, Monsieur Reppert, je vous trouve excellent, s’il vous plaît, venez chez moi. »
Maxime Reppert
Je pense surtout à l’intérêt des enseignants mais aussi des élèves. Et le problème avec ce type d’annonce, comme certains effets négatifs observés à travers les réformes, je pense notamment à la réforme du lycée font qu’on va briser le principe d’égalité au niveau de l’enseignement. le risque est là. Je pense que chaque enfant doit pouvoir bénéficier de la même qualité d’enseignement. Et vous voyez, on parlait tout à l’heure en introduction de job dating, je suis désolé, mais quelqu’un que l’on va recruter à Pôle emploi et que l’on va accompagner seulement quelques heures, ce n’est pas la même chose que quelqu’un que l’on va accompagner et former sur une période bien plus longue. Et donc je me dis que avec ce qui est en train de se passer, on est en train effectivement de sacrifier le service public avec un risque de nivellement par le bas qui a déjà été opéré à travers les réformes. Par rapport à cette politique éducative, on peut avoir de belles paroles, et cetera, parce que je vous rappelle quand même que pendant la pandémie, le président de la République avait quand même dit que nous étions en 2e ligne, derrière les soignants et 15 jours après, on nous invitait à cueillir des fraises gariguettes donc les paroles, c’est une chose, l’acte c’en est une autre.