Dix jours après l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine, les questions sont nombreuses au sein de la communauté éducative. Le ministre de l’Éducation a reçu les syndicats d’enseignants jeudi dernier afin de discuter d’un scénario « en trois temps » pour la rentrée du 2 novembre. Il a promis « un cadrage national strict, puissant et fort » pour répondre aux défis de cette rentrée. Les syndicats réclamant de pouvoir y revenir durant toute la semaine de la rentrée, voire lors des suivantes. Les explications de Jean-Rémi Girard, président du Syndicat national des lycées et collèges.
À retrouver sur le site de RFI. Par Mikaël Ponge dans Invité France le 26 novembre 2020
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RFI : Les enseignants ont encore une semaine pour se préparer à cette rentrée des classes du 2 novembre. Leur ministre Jean-Michel Blanquer leur promet un cadrage clair pour répondre à leurs inquiétudes. Comment revient-on après le drame de Conflans ? Avec quel discours ? On en parle avec vous Jean-Rémi Girard, président du SNALC. C’est une rentrée en trois temps que promet votre ministre : les professeurs d’abord, ensuite les élèves, puis tout le monde réuni pour une minute de silence et la lecture de la lettre aux instituteurs de Jean-Jaurès. Est-ce la bonne façon de faire ?
Le SNALC et les autres organisations représentatives ont encore une réunion demain matin pour la question du cadrage de cette journée du 2 novembre et de la suite. Il n’y a pas de souci ni pour avoir un temps entre adultes, ni pour faire un hommage à notre collègue. En revanche, nous demandons que tout le temps pédagogique puisse être travaillé sur du long terme, au moins étalé sur la semaine. Il ne nous semble pas pertinent de le faire dès le lundi matin, alors que les collègues n’ont pas eu le temps d’en parler, n’ont pas eu le temps de s’organiser. De plus un certain nombre d’entre eux ne sont pas forcément en capacité de mener ce temps pédagogique. Certains sont spécialistes, ceux qui enseignent l’éducation morale et civique, d’autres ne sont pas du tout spécialistes : il faut retravailler ce point là. RFI : Cela veut-il dire que ce n’est pas suffisant ou que ce n’est pas la bonne méthode ? Non, ce n’est probablement pas la bonne méthode sur ce point pédagogique. Tout le monde est d’accord dans les organisations syndicales. Nous avons besoin d’être assurés de ce que nous allons enseigner à nos élèves. Et pour ce faire, nous avons besoin de le préparer au niveau de chaque école primaire, collège et lycée avec des spécificités dans le premier degré car nous n’allons pas faire la même chose en ce2 qu’en terminale. Il faut nous laisser plus de temps et ne pas nous imposer de le faire le lundi matin en rentrant lors d’un temps pédagogique pendant une heure d’enseignement sur le sujet. Nous pensons qu’il serait plus pertinent de le faire sur toute la semaine. Les enseignants volontaires les plus amènes d’enseigner ces choses là car ils en ont les capacités, les compétences doivent pouvoir le faire pour leurs classes et d’autres plutôt que le professeur principal de chaque classe car certains d’entre eux risquent d’être mis en difficulté. RFI : C’est ce que vous comptez demander lors de cette nouvelle réunion car Jean-Michel Blanquer a bien dit que tout cela se faisait dans la concertation. Tout à fait, c’est ce que l’on va redemander. Nous l’avions déjà demandé une première fois ; demain matin, il a y a des choses à plus long terme qui sont discutées. Le SNALC a été reçu par le conseil des sages de la laïcité puis par la présidente du conseil supérieur des programmes. Il va y avoir une réflexion au-delà de la seule journée du 2 novembre sur ce que l’on fait éventuellement en matière de laïcité, de signalement lors de problèmes et de réponses à apporter dans nos écoles et nos établissements. RFI : Pour fixer un cadre n’est-ce pas à chaque professeur de s’adapter à la classe ou aux élèves qu’il a face à lui ? Bien sûr, c’est ce à quoi nous appelons au SNALC. La liberté pédagogique, c’est très important, c’est la loi. Notre collègue Samuel Paty exerçait ce droit. Suite à cet assassinat absolument barbare lié au fait que notre collègue exerçait sa liberté pédagogique, il nous semble essentiel que la liberté pédagogique des enseignants soit respectée dans le fonctionnement. Qu’il y ait du collectif, c’est normal lors d’un hommage avec la minute de silence ou la lecture d’un même texte partout. Pour ce qui est de l’enseignement, il faut faire confiance aux enseignants pour l’aborder quand ils le jugeront le plus pertinent. On peut leur proposer un certain nombre de documents dont la caricature de Charlie Hebdo, parmi d’autres, mais c’est à eux de choisir, sélectionner et de construire leur cours in fine. RFI : Après le drame aussi, au delà de cet aspect pédagogique, se pose la question de la sécurisation des écoles et de leurs abords car c’est proche de l’établissement qu’a été décapité Samuel Paty. Que faut-il faire ? Avez-vous des demandes à ce sujet ? Oui, nous avons des demandes, un certain nombre depuis longtemps. La demande principale n’est pas dans une réponse policière globale comme mettre un policier derrière chaque enseignant, chose impossible vu le nombre d’enseignants. Nous demandons avant tout d’avoir un soutien hiérarchique inconditionnel. Nous connaissons le mouvement « pas de vagues » depuis deux ans dans l’Éducation nationale. RFI : De la part des chefs d’établissement ou au niveau des rectorats ? Les chefs d’établissement obéissent aux ordres du niveau supérieur, c’est très clair ! De ce point de vue là, on a besoin d’un soutien très clair. J’ai entendu la ministre de la fonction publique le signaler ce matin, notamment sur le fait que l’institution porte plainte avec les enseignants, qu’elle accorde la protection fonctionnelle. Cela doit devenir automatique et être proposé systématiquement aux collègues en difficultés. RFI : Dernier sujet pour terminer concernant la covid, qu’en est-il dans les établissements, êtes-vous prêts à un nouveau confinement ? Est-on prêt à un nouveau confinement ? Nous nous adapterons si besoin mais ce sera dégrader encore les conditions d’enseignement. Le SNALC demande depuis plus d’un mois de mettre en place ce que le ministère a écrit noir sur blanc dans ses documents : n’accueillir que des demi-classes afin de limiter le brassage pour maintenir la distance physique dans nos établissements. Cela fait un mois qu’on le dit, cela fait un mois qu’il ne se passe strictement rien. On part du principe que l’école est un lieu où la covid ne rentrerait pas. Je n’en sais rien mais beaucoup de collègues ne comprennent plus ce qu’il se passe à l’Éducation nationale sur la gestion de la crise sanitaire. RFI : Faudra-t-il un meilleur suivi, si jamais l’enseignement devait se refaire en ligne, pour ne pas perdre les élèves déjà perdus en route ? Je ne suis pas certain qu’on ait fait quoi que ce soit pour permettre cela. Il y a un certain nombre de collectivités locales qui ont fourni des ordinateurs comme en Ile de France mais seulement pour le niveau seconde. Je ne suis pas certain qu’on ait mis en place quoi que ce soit, qu’on soit bien d’accord. À part les heures récupérées pour faire du soutien à la rentrée, on n’a pas dépensé un centime pour la situation sanitaire. Je ne crois pas que nous serons tellement mieux préparés si nous devions en arriver à un reconfinement. Nous étions favorables à des mesures intermédiaires mais prises nettement plus tôt que ce que nous sommes en train de faire. |