Le professeur des écoles se distingue par son implication matérielle au service de sa pratique professionnelle. Malheureusement, comme le veut l’adage, « le mieux est l’ennemi du bien ». Le SNALC explique pourquoi il faut bannir cette pratique, quitte à renoncer à certains projets.
Exploration de vide-greniers à la recherche d’un jeu de société pour la classe, séance de shopping pour mener à bien un projet, aménagement d’un coin jeu pour la salle de classe avec son propre matériel… Les occasions de dépenser son temps et ses deniers personnels ne manquent pas pour les professeurs des écoles. Parfois, ils se font rembourser par la coopérative scolaire (dont le fonctionnement archaïque bien qu’indispensable mériterait d’être questionné), mais c’est loin d’être systématique. Le budget ainsi consacré à la pratique professionnelle peut vite devenir conséquent si l’on inclut les frais liés aux déplacements occasionnés.
Dans quelle autre profession, un salarié accepterait-il d’investir autant sur sa trésorerie et son temps personnel pour combler la déficience de moyens ? Imagine-t-on d’autres professionnels aller chercher du matériel sur leur temps libre en utilisant leur véhicule et leur argent ? C’est pourtant ce que font nombre de PE consciencieux et désireux de donner du sens à leur pédagogie.
Effet pervers de l’opération : masquer totalement la réalité des besoins en termes de budget de fonctionnement. Cela arrange beaucoup l’Institution et les communes, censées y pourvoir. À terme, cet état de fait finit par se retourner contre les PE car toute demande de budget pour les projets de classe risque d’être jugée illégitime ou trop onéreuse. Or, dans la fonction publique comme ailleurs, c’est évidemment à l’employeur de fournir aux agents les moyens de travailler correctement. Dans le premier degré, les communes sont chargées du bon fonctionnement des écoles en prévoyant des lignes budgétaires suffisantes pour l’équipement des classes, la réalisation de projets ambitieux et des sorties scolaires.
Cette pratique pose également des problèmes en termes de responsabilité et de conformité.
Lorsqu’un PE commande son matériel chez un fournisseur officiel, le matériel est censé avoir subi des tests garantissant sa robustesse et sa conformité aux normes. Cette traçabilité dédouane l’enseignant en cas de problème lié à l’utilisation du matériel (sous réserve d’une surveillance effective, évidemment). En revanche, lorsqu’il est acheté à l’extérieur du circuit officiel, rien ne garantit que l’objet qui sera manipulé par les élèves soit conforme aux normes. L’enseignant engage donc sa responsabilité. La société est devenue très procédurière et nos pratiques doivent tenir compte de tous les risques potentiels.
D’autre part, d’un point de vue écologique et éthique, on peut également se questionner sur l’impact que peuvent avoir les commandes en ligne sur des sites internet à prix cassés. Cet aspect n’est pas anodin.
En conclusion, pour le SNALC, il faut s’interdire de recourir à cette solution et demander les moyens de financer le matériel éducatif et les projets envisagés pour l’année scolaire. Faute de budget, les PE seront contraints d’y renoncer et les familles seront averties de la raison d’un revirement imputable non pas aux enseignants, mais bien aux communes et aux collectivités locales. En cette période où les efforts budgétaires vont peser sur nos conditions de travail, où les mesures d’austérité menacent le pouvoir d’achat, il faut cesser de se sacrifier au nom du « bien des enfants » !
Article publié dans la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1505-École du 3 octobre 2025