LE PREMIER DEGRÉ 41 – décembre 2020
Jean-Michel Blanquer, après l’affaire Avenir Etudiant en 2020, a fait encore parler de lui pour de peu glorieuses raisons. L’observatoire si cher à notre ministre est à géométrie variable, ce qui désole le SNALC, adepte de la transparence.
Celui qui leva le lièvre
Le député Patrick Hetzel a eu l’idée malencontreuse d’interroger Jean-Michel Blanquer concernant la disparition de données relatives aux précédents ministres de l’Éducation nationale. Tout cela, sur le site du ministère. Donc sur la place publique. Fâcheux.
Le député rapportait avoir eu beaucoup de mal – et c’est une litote – à prendre connaissance des travaux des ministres précédents, le site du ministère étant vide, ou presque, des reliques de l’époque pré-Blanquer. Darcos, Chatel, Peillon, Hamon, Vallaud-Belkacem : leurs pierres à l’édifice avaient été escamotées, ni plus ni moins. Entre 15 et 20 ans de manuscrits passés à la pierre ponce.
Oui, mais non, il ne faut pas le prendre comme ça
La question est maintenant de tenter de comprendre les causes de cet effacement. Notre ministre était-il désireux de gommer certaines choses ? Le député fauteur de troubles affirme que « Tout ce qui est antérieur à 2017 a été effacé. » Pour étayer cela, il affiche que les données émanant de la DEPP et relatives à l’évaluation et au chiffrage des actions de l’Éducation nationale sont introuvables sur le site qui leur est normalement dédié. Il faut selon lui, pour en retrouver la trace, se rendre sur le site de l’INSEE alors que ce n’était pas le cas jusqu’alors. D’où son exaspération : « Le portail numérique du ministère est un service d’information à destination du grand public, pas l’outil de propagande de Jean-Michel Blanquer. »
En effet, seule la liste des précédents ministres de l’Education nationale est visible dans une maigre rubrique dédiée à l’historique du ministère. Et l’onglet de recherche ne permet d’accéder à aucun résultat pré-Blanquer ou du moins, n’est pas très loquace.
Réponse à tout
Du tac au tac, le ministre de l’embrouillamini (titre off mais qui lui sied à merveille) a évoqué une simple réorganisation des contenus. Pratique pour passer sous les radars.
En ordre de bataille et avec des réponses toute faites, le cabinet de Jean-Michel Blanquer se veut rassurant et n’avoue certainement pas son méfait : « contrairement à ce qui est affirmé dans la question, aucune donnée n’a été supprimée ». Supprimée, masquée, déplacée, on joue sur les mots et où est l’importance, au fond ?
Car au ministère, on a réponse à tout et sans rougir le moins du monde. Par conséquent, l’argument avancé et pour le moins capillotracté serait (ayons la décence du conditionnel) « une modernisation récente et nécessaire du site du ministère de l’Éducation nationale ». Comme on ne peut pas s’opposer au progrès, l’affaire est dans le sac. Les modifications et mises à jour d’une version vieillissante (2009), en date du mois de février 2020, expliqueraient l’archivage et le compactage de certaines données jugées obsolètes, si ce n’est plus du tout pertinentes.
Et la communication du cabinet du ministre à cet effet est d’une limpidité sans faille, doublée d’une mauvaise foi exemplaire : « Chaque refonte de site de cette ampleur est l’occasion de revoir l’organisation des contenus et de n’en reprendre qu’une partie, les autres étant archivés. Un nombre important de contenus ont ainsi été archivés en raison de leur ancienneté, du peu de requêtes associées et dans un souci d’optimisation. La plupart des contenus des 5 dernières années (rapports, notes d’information, brochures…) publiés par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), sont accessibles directement. Mais l’intégralité des contenus de la DEPP avec leur profondeur historique est disponible dans les archives sur l’espace de la DEPP. » De quoi remettre les mauvaises langues à leur place. Pour autant, on n’en pense pas moins et on ne peut que trouver l’excuse de l’archivage bien commode. Après tout, le ménage de printemps peut aussi servir à mettre au grenier les babioles jugées les plus disgracieuses par un ministre qui a un sens bien particulier de l’esthétique et du design.
Soyons beaux joueurs : si les données statistiques antérieures à 2017 ont disparu du site du ministère, elles ont néanmoins un petit coin poussiéreux dans les archives de la DEPP, loin des regards.