Deuxième partie
2S2C : la somme de toutes les craintes
Véronique Mouhot,
Commission nationale SNALC Premier degré,
premierdegre@snalc.fr
Le 13 juin 2020
Le dispositif 2S2C est, dans sa vocation première, une compensation imposée par des effectifs bas liés aux impératifs dictés par le protocole sanitaire. Ceci afin d’accueillir tous les élèves, mais avec des effectifs réduits. Ce qui nous surprend – et nous choque – c’est la place centrale que Jean-Michel Blanquer semble accorder aux 2S2C. Un dispositif palliatif présenté comme une évolution de l’Ecole, c’est avant tout le signe d’une intention de pérennité. Le retour en arrière n’est dès lors pas assuré, même une fois la crise sanitaire derrière nous.
Ces 2S2C seraient-ils un prétexte de plus pour nous faire travailler différemment, repenser et redéfinir le métier de professeur du 21ème siècle ? Un dispositif voué à durer dans le temps mais présenté comme innovant ?
Le SNALC craint que ces 2S2C ne provoquent des effets secondaires irrémédiables sur la qualité de notre école républicaine.
Dérives éducatives sous couvert de bonnes intentions
Les professeurs des écoles ne sont pas dupes. Ils ne peuvent se résoudre à voir leur école se transformer en garderie péri-éducative par la mise en place des 2S2C : le temps de l’élève risque d’être dilué entre la classe et ce procédé expérimental et hasardeux. Notre Ministre a beau louer le dispositif, celui-ci ne comblera pas les « manques » pointés du doigts. Manques qui ne relèvent pas du bricolage ludique, mais d’un retour concret aux enseignements de classe ainsi qu’à la priorité aux fondamentaux et en aucun cas à la « culture sportive ».
Qui plus est, les professeurs des écoles ne souhaitent pas se voir confisquer les domaines d’enseignement qui seront abordés au sein des 2S2C. Si nous tenons plus que jamais à ce que l’instruction reste aux mains de l’Education nationale, il est à noter que la gestion des 2S2C lui échappe totalement à l’heure actuelle. Des municipalités, dont les ambitions ne sont pas celles des professionnels de l’éducation, se sont déjà positionnées pour proposer des activités.
Encore une fois, comme pour les NAP ou les TAP des écoles fonctionnant encore sur 4 jours et demi, la municipalisation des dispositifs, prétendument à portées éducatives, créera des disparités et de l’iniquité entre les élèves, selon les communes.
À ceci s’ajoute la qualité et la visée du message délivré. Si les pratiques sportives ont une faible marge de dérive, confier l’éducation au civisme et à la citoyenneté à des acteurs extérieurs à l’Ecole à la partialité supposée nous inquiète profondément. Le SNALC est plus que jamais attaché à ce que cet enseignement reste aux mains des professeurs des écoles dont l’exemplaire déontologie n’est plus à démontrer.
L’école et les élèves risquent donc d’être les victimes premières de ce dispositif. Ils ne seront pas les seuls.
Les professeurs des écoles, victimes collatérales
Une fois n’est pas coutume, la concertation souhaitable n’a pas eu lieu : les 2S2C ont été présentés par communiqué de presse et la profession a été informée et jamais consultée. Un passage en force supplémentaire d’un Ministre qui se prive une fois de plus de l’avis des experts de l’éducation que sont les professeurs des écoles.
Ainsi, si les acteurs de la DSDEN seront mobilisés, ils ne seront pas les seuls. La Direction Régionale des Affaires Culturelles, par exemple, aura son mot à dire. Et le SNALC redoute que les enseignants ne se retrouvent à subir des pressions supplémentaires entre les directives de la DSDEN et les conditions de la DRAC, alors que leurs missions fondamentales et prioritaires sont et seront, à la rentrée 2020, les apprentissages et la réussite de tous les élèves.
Les heures supplémentaires de concertation pour élaborer des projets en partenariat, non rémunérées, sont à craindre. Car dans le domaine de la culture notamment, il est écrit que tout se fera en lien avec des enseignants qui auront à interagir avec les animateurs 2S2C.
De même, il sera difficile de faire de l’école un ensemble cohérent, comme à la naissance des TAP et des NAP où l’élève était désorienté entre le scolaire et le ludique. Il reviendra ensuite à l’enseignant de ramer contre vents et marées pour rendre la pratique des fondamentaux attractive quand l’élève aura accès, avec un autre adulte, à des pratiques autrement plus ludiques ou exotiques.
Surtout que l’enseignant – s’il n’est pas épargné par les concertations à venir faisant le lien entre l’Ecole et les 2S2C – sera simplement satellite au sein d’un système de coéducation où il n’occupera pas la place centrale, loin s’en faut. La pratique artistique et culturelle est envisagée « dans et hors l’école ». Chaque mot a son importance. Et chaque acteur, sa place. Même si elle n’est plus que très relative. Mais en revanche, en cas de dérive des intervenants, ce seront les directeurs et les équipes qui seront pris entre le marteau et l’enclume quand les parents demanderont des comptes. Même s’ils ne seront en rien fautifs.
Le SNALC ne voit dans ces 2S2C qu’un flot de dérives possibles et d’effets secondaires à même de s’installer durablement : détérioration des conditions de travail, redéfinition inquiétante du métier de professeur des écoles, territorialisation galopante des écoles engendrant des iniquités et résurgence des nouvelles activités péri-éducatives, là où elles avaient été enterrées.