Cachez ces chiffres que je ne saurais voir
La raison en est simple : si un suicide ne peut pas être rattaché à une souffrance purement professionnelle, l’administration ne fait pas remonter les données. Et de fait, les statistiques s’en portent bien pour l’administration. Du moins, en apparence. Les derniers chiffres dont on dispose datent de 2002. Le taux de suicide des enseignants est élevé selon les données INSERM de l’époque : il y aurait 334 suicides de professeurs en moyenne par an pour 857.000 professeurs, soit un taux annuel de 39 pour 100 000. Depuis la rentrée 2019, on dénombre il y a eu 11 suicides et 10 tentatives. Or, seulement 0.5% de ces 334 suicides sont médiatisés chaque année. C’est dire le déni et le pas de vague mis en place depuis, proportionnels à l’ampleur du mal qui ronge la profession.
Tout n’est pas harcèlement
Trop souvent, les enseignants ont du mal à définir ce qui caractérise le harcèlement moral. Il se définit par diverses actions qui relèvent d’un comportement abusif et déplacé sous la forme de propos, d’agissements récurrents, d’écrits hostiles et répétés. Les notions de durée et de répétition sont importantes pour caractériser les cas de harcèlement. La remise en cause des agissements, du mode de fonctionnement de la victime dans ses activités professionnelles, est le marqueur commun de toutes les situations. Le jugement de valeur de l’agent attaqué se perçoit, directement ou en filigrane. Les pressions professionnelles deviennent quotidiennes et l’autoritarisme de l’IEN n’est jamais bien loin. Pire, l’infantilisation constante des professeurs des écoles et leur humiliation s’ensuivent, pour pointer du doigt des dysfonctionnements dus à une surcharge de travail, induite par la circonscription dans la majeure partie des cas. Ces situations sont décrites par la hiérarchie directe comme un manque de sérieux et une méconnaissance du métier. Le résultat ne se fait pas attendre : ces techniques de management d’entreprise érodent immanquablement la santé mentale de l’agent qui développe des troubles qui le conduiront dans le meilleur des cas au burn-out ou à la dépression et dans le pire des cas, à l’irréversible.
Ne pas s’isoler et contrattaquer
Cette sensation d’impasse vécue par les personnels de l’Education nationale prend donc trop souvent racine dans le terreau fertile du manque de soutien, ou pire, l’aggravation de la situation suscitée par le supérieur hiérarchique direct qu’est l’IEN. Dans le BO n° 10 du 8 mars 2007 est parue la CIRCULAIRE n°2007-047 DU 27-2-2007 qui permet d’assurer la défense des professeurs des écoles. Et c’est plus qu’utile au vu des dérives qui conduisent l’Education nationale en tête des professions où le poids du supérieur se fait sentir de façon aussi oppressante qu’infantilisante. Car si l’opinion publique pensait que le harcèlement moral était cantonné au secteur privé, cela n’est depuis bien longtemps plus le cas. Pour autant, le déni est toujours d’actualité : notre institution nie les faits et l’omerta règne.
Premièrement, avant que les choses ne s’aggravent, contacter votre délégué SNALC, qui a en sa possession tous les outils pour vous éviter de voir la situation se détériorer davantage, est l’option à privilégier. Il saura vous accompagner et vous aidera à utiliser les outils fournis notamment par le CHSCT. Ainsi, le professeur des écoles doit, avec notre aide et notre assistance, informer la hiérarchie à un niveau supérieur des agissements dont il est victime. Pour parer à toute éventualité, le professeur des écoles victime de harcèlement moral doit consigner par écrit les faits constitutifs dès qu’il commence à ressentir une hostilité, même légère, de la part de son supérieur hiérarchique. La difficulté est de rester dans le registre du factuel pour éviter les possibles parades du maillon hiérarchique incriminé. Le SNALC est là pour vous y aider.
Des recours pour la victime, des sanctions pour le coupable
Si le dossier est suffisamment fourni et en bénéficiant du regard attentif et expert du SNALC, le professeur des écoles peut saisir le tribunal administratif ou le juge pénal (officier de police judicaire ou procureur de la République). Le coupable de harcèlement, si les faits sont avérés, peut écoper de sanctions disciplinaires prévues par la loi du 13 juillet 1983. Il est aussi passible, rappelons-le, de sanctions pénales prévues par l’article 222-33-2 du code pénal, inséré par l’article 170 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002. Pour donner des chiffres, il faut savoir que les textes prévoient que “le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende”. Peu de professeurs des écoles sont de fait informés que tout est légalement prévu pour lutter contre le harcèlement moral et pour sanctionner leurs auteurs.
Des paroles aux actes
Depuis la mise en place de la GRH de proximité (Gestion des Ressources Humaines de proximité) au sein de chaque DSDEN, GRH qui, sur le papier, a pour rôle d’écouter, de guider et de prendre en charge les personnels dans le cadre de la prévention des risques psychosociaux et de la souffrance au travail, des outils – ou pour le moment une personne ressource – sont à disposition. En théorie du moins. Car, s’il peut sembler évident que le Ministère souhaite une véritable sensibilisation à ce mal pernicieux et aux solutions à apporter, le SNALC est néanmoins surpris de constater à quel point les collègues ne sont pas au courant de la simple existence de cette GRH de proximité et encore moins des moyens de la saisir (ou simplement de prendre contact avec elle). Un vrai jeu de piste ! Pour préserver une qualité de vie au travail qui soit simplement de l’ordre du décent, notre hiérarchie ne pourrait pas plus mal s’y prendre. Ce qui devrait faire l’objet d’une campagne de sensibilisation et d’information est au contraire réservé aux initiés ayant effectué des recherches sur le sujet. C’est intolérable et surtout intellectuellement malhonnête. Une mesure en demi-teinte qui n’a selon nous que pour objet de cocher la case de « la hiérarchie a bien mis cet outil à votre disposition » avec l’étiquette « mais si vous pouviez passer votre chemin, ce serait encore mieux ». Le pas de vague à pas feutrés, l’air de rien, sur des airs de « Pas vu ? Pas pris ! ». De là à penser que cette GRH de proximité n’est qu’un placebo pour laisser croire à l’opinion publique que si la profession va mal, elle est néanmoins prise en charge « médicalement », il n’y a qu’un pas. De même, on peut légitimement s’interroger sur l’impartialité d’un dispositif dont les acteurs siègent dans les mêmes bureaux que certains IEN responsables d’excès de zèle. Le SNALC redoute la perméabilité des informations données dans le cadre de l’appel à l’aide de l’enseignant harcelé et ne peut que conseiller aux enseignants concernés d’opter pour un organisme indépendant de l’Education nationale : SNALC-Ecoute, Mobi-Snalc et les conseils avisés de votre délégué SNALC qui saura vous défendre. Sans oublier la protection juridique GMF que le SNALC offre à ses adhérents pour éviter toute dérive juridique les concernant.
Il ne reste plus au SNALC qu’à continuer à assister les Professeurs des Ecoles dans les épreuves qu’ils traversent, passées sous silence par la hiérarchie. Cette dernière pendant ce temps se ménage des jours paisibles au détriment d’une base qui souffre et qu’on fait parfois souffrir trop intentionnellement pour que ce soit tolérable. Le SNALC est de plus en plus souvent saisi par des Professeurs des Ecoles victimes d’autoritarisme abusif de la part de leur IEN. Ne restez pas isolé.