Résultats de l’enquête du SNALC
Afin de pouvoir mesurer les évolutions sur ce sujet, le SNALC a réalisé auprès de l’ensemble des personnels, du 10 septembre au 10 octobre 2024, une enquête similaire à celle menée il y a deux ans.
Plus de 4.000 collègues ont répondu à cette nouvelle enquête, soit un tiers de plus qu’à la précédente. Ainsi, si l’on se fonde sur les données communiquées par la DEPP dans le panorama statistique des personnels de l’Éducation nationale, nous pouvons estimer que près 12 % des agents en situation de handicap dans l’Éducation nationale ont participé à cette enquête, ce qui la rend très représentative.
Quelles évolutions sont donc à noter depuis 2022 ? Malheureusement il y en a peu, alors que la situation en aurait exigé d’importantes… De plus si les pourcentages varient peu, c’est quasiment toujours dans le sens d’une dégradation. Au final, en 2024, ce sont moins du quart des répondants qui estiment
être accompagnés efficacement par l’institution, quart qui était atteint en 2022.
Comment en serait-il autrement alors que les personnels dédiés à cet accompagnement (correspondants handicap, médecins du travail etc.) sont en diminution constante, que les crédits dédiés aux aménagements matériels de poste peinent à se débloquer, que les difficultés engendrées par des réformes inutilement complexes ainsi que la pénurie de personnels à tous les étages pèsent de plus en plus sur la mise en place d’organisations du travail humainement cohérentes ?
Le constat est donc clair face aux chiffres que vous lirez ci-dessous : l’Éducation nationale ne se donne toujours pas les moyens d’inclure ses personnels en situation de handicap. Le SNALC s’engage à tout faire pour la mettre devant ses responsabilités en l’interpellant via cette enquête, tout en continuant à défendre et accompagner au quotidien les personnels en situation de handicap qui le sollicitent.
Élise BOZEC-BARET, secrétaire nationale du SNALC chargées des conditions de travail et du climat scolaire, et Xavier THIRION, membre du pôle santé-handicap du SNALC
sante-handicap[at]snalc.fr
Sommaire
La situation des répondants
Les répondants à notre enquête exercent dans toutes les académies (administration centrale et détachés compris). Les académies les plus représentées sont celles de Lille (comme en 2022), Montpellier, Normandie, Rennes, Aix-Marseille puis Versailles (qui était la deuxième en 2022).
Tous les corps de personnels sont représentés. Les enseignants sont les plus nombreux (certifiés en premier, puis professeurs des écoles) ; notons cependant qu’ils sont sous-représentés parmi les répondants par rapport à leur poids total dans les personnels (74% contre à peine plus de 50% dans cette enquête).
Concernant les personnels non enseignants, les ADJAENES et les contractuels chargés du suivi et de l’accompagnement (AED, AESH) sont les plus nombreux parmi les répondants, ces derniers ayant augmenté de plus de 5% par rapport à 2022.
Comme en 2022, la grande majorité des répondants (71,6 %) possède une RQTH depuis plus de trois ans.
Les handicaps invisibles sont le plus largement répandus parmi les répondants (près de 90 %). En comparaison avec la population générale, notre enquête semble indiquer une surreprésentation de ce type de handicap par rapport au reste de la population (80 %, voir par exemple le site de l’APF), encore plus marquée qu’il y a deux ans.
Le suivi des répondants
Les répondants ayant rencontré le correspondant handicap (environ 20%) est stable par rapport à l’enquête précédente. Le motif le plus fréquemment évoqué pour ne pas l’avoir fait (plus de la moitié) n’a pas changé et est même en augmentation : l’académie de ces répondants n’en a pas ou ils ignorent si elle en a un.
Pour ceux qui ont rencontré le correspondant handicap, la rencontre a été utile pour un peu plus de 45% des répondants, et peu utile pour 34%. Pour 20%, elle a été inutile. À noter que la réponse « Peu utile » augmente par rapport à 2022.
Comme en 2022, la majorité des répondants (57,6%) ont rencontré le médecin de prévention (ou encore un autre personnel du service médical). La tendance n’est pas bonne puisque c’est un peu moins qu’en 2022, et que près de 5% supplémentaires des répondants déclarent ne pas en voir dans leur académie ou ignorer s’il y en a un : ce chiffre représente désormais le quart des répondants.
Pour ceux qui ont rencontré le médecin, le temps d’attente pour avoir un rendez-vous a été très variable : pour 31,6% des répondants, cela a pris moins d’un mois, pour 30,7%, entre un et deux mois, pour 16,5 % entre deux et trois mois, et enfin, pour près de 21,2%, plus de trois mois. Par rapport à l’enquête précédente, il n’y a pas eu d’amélioration, plutôt une légère dégradation.
L’adaptation du poste de travail des répondants
Un peu plus de la moitié des répondants (50,5%) indiquent que le médecin de prévention a rédigé des préconisations concernant l’adaptation de leur poste de travail. Fait surprenant, le nombre de ceux qui ignorent si des préconisations ont été émises n’est pas négligeable (15,6 %). Ces chiffres sont stables par rapport à 2022.
Un peu plus de la moitié des répondants (50,5%) indiquent que le médecin de prévention a rédigé des préconisations concernant l’adaptation de leur poste de travail. Fait surprenant, le nombre de ceux qui ignorent si des préconisations ont été émises n’est pas négligeable (15,6 %). Ces chiffres sont stables par rapport à 2022.
Pour ce qui concerne les préconisations faites par le médecin de prévention, elles sont jugées adaptées par plus de 75 % des répondants (plutôt oui 46,7%/ tout à fait 30,2). Croisé avec les réponses précédentes, ce chiffre est à relativiser : nombre de collègues en situation de handicap ne font pas l’objet de préconisations médicales qui leur semblent adaptées.
Si pour presque un quart des agents concernés (23,5 %) les préconisations ont été appliquées en moins d’un mois, le délai dépasse les trois mois pour plus de la moitié (52,5 %). C’est un des rares points où il semble y avoir une légère amélioration.
On constate que plus d’un quart des répondants affirment que les préconisations médicales ne sont pas du tout appliquées. Elles sont donc partiellement appliquées pour au mieux un peu plus de 70%, en baisse par rapport à 2022 où l’on s’approchait des 75%.
On constate que plus d’un quart des répondants affirment que les préconisations médicales ne sont pas du tout appliquées. Elles sont donc partiellement appliquées pour au mieux un peu plus de 70%, en baisse par rapport à 2022 où l’on s’approchait des 75%.
L'entourage professionnel des répondants
Près d’un quart des répondants (23,9%) témoignent de difficultés rencontrées auprès de leurs collègues, en lien avec leur situation (réflexions déplacées, discrimination). Ces chiffres ont globalement peu évolué depuis 2022.
Les difficultés rencontrées avec les hiérarchies sont statistiquement comparables avec celles rencontrées par les collègues. Ainsi, comme en 2022, environ un quart des répondants (24,7 %) témoignent de difficultés rencontrées auprès de leur supérieur hiérarchique, en lien avec leur situation (réflexions déplacées, discrimination).
Pour conclure
De façon globale, en tant que travailleur handicapé, le sentiment d’être accompagné efficacement par l’institution n’est ressenti que par un très petit nombre des répondants, descendant en dessous du quart de 2022 si on cumule les « Tout à fait » et « Plutôt oui ». La situation a donc tendance à se dégrader.
Voici, pour terminer, quelques citations extraites des réponses à la question ouverte, représentatives des difficultés signalées par les répondants :
« Mon malaise ressenti en tant que personne RQTH n’est pas dû à cause de réflexions déplacées ou de discriminations mais à des choses bien plus ténues et donc non “vérifiables”. Mon handicap est dû à une maladie chronique qui évolue par à-coups et donc je peux être mise en arrêt pour plusieurs semaines quasiment du jour au lendemain. Je suis tout à fait consciente que cela n’est pas facile à gérer pour l’équipe dans laquelle je travaille mais je me sens suffisamment coupable de les laisser en plan sans avoir besoin de faire face à leur attitude hostile ou à leurs “enfin de retour” quand je peux à nouveau reprendre le travail. »
« Aucune considération de mes difficultés pour obtenir un poste plus proche de chez moi qui m’éviterait d’accumuler des douleurs. »
« J’ai demandé depuis ma prise de poste le 1er septembre 2023 à voir la médecine du travail. Un an plus tard, je n’ai toujours pas obtenu de rdv avec la médecine du travail malgré mon statut RQTH dont j’ai fait part dès ma prise de poste. »
« Je ne sais pas si, comme dans le privé, les préconisations du médecin du travail doivent être respectées à la lettre quand on est RQTH. L’EN semble moins protectrice que le privé… »
« En attente d’un rdv avec la médecine de prévention. Ont répondu qu’un médecin vient d’arriver et traite les dossiers. J’ai beaucoup de soucis depuis la rentrée et avant et pour la 1ère fois, j’ai besoin de voir le médecin de prévention. Je suis en attente qu’on me rappelle pour un rdv (depuis 2 semaines et +). »
« Lorsque le handicap n’impose pas l’utilisation d’un fauteuil roulant, celui-ci n’est pas pris”au sérieux” ou tout au moins, en considération. Il faut se battre pour tout et menacer de saisir les instances pour faire bouger les choses…c’est épuisant. Merci de vous préoccuper de notre situation »
« Étant nommée au Cned, il reste pour moi le problème majeur de la charge de travail : les estimations réalisées en amont ne correspondent pas du tout à la réalité des enseignants. Outre le fait qu’elles sont sous-estimées, elles ne tiennent pas compte de la fatigabilité et du fait que 35 heures de corrections (ou 17h30 dans le cadre d’un mi-temps) sont difficilement gérables avec certains handicaps. La pression mise sur les délais ajoute du stress, incompatible avec certaines pathologies. »
« J’ai l’impression que ça n’a servi strictement à rien que je fasse cette demande de RQTH. Je n’ai aucune préconisation, heureusement que ma cheffe d’établissement est géniale et m’autorise mes absences pour soins. »
« Pas de place de parking pour les personnes en situation de handicap devant mon collège d’affectation. »
« Cela fait plus d’un an que j’ai contacté à plusieurs reprises (par mail) le correspondant handicap pour l’obtention d’un tabouret ergonomique prescrit par le médecin de prévention et je suis toujours sans réponse… »
« Le problème ne vient pas forcément de l’éducation nationale. En tant qu’enseignant nous travaillons dans les locaux dépendants de la commune et donc du bon vouloir de la mairie qui ne veut rien adapter car nous ne sommes pas leur employé. Finalement, la mairie renvoie la balle à l’Éducation nationale en tant qu’employeur et l’EN renvoie à la mairie car ce sont leurs locaux ; la situation n’avance donc pas. »
« Je prends un traitement qui occasionne une certaine fatigabilité et plus la journée avance plus cette fatigue génère de l’épuisement et des difficultés de concentration. Je demande systématiquement des EDT avec un maximum de cours le matin et j’ai fait le choix du temps partiel pour pouvoir tenir. Mais tout dépend du bon vouloir des chefs d’établissement, certain(e)s font preuve de bienveillance et font au mieux pour adapter l’EDT, d’autres s’en fichent complètement et laissent faire le logiciel. »
« Toujours très compliqué de faire prendre en compte mon handicap et les difficultés auxquelles je suis confrontée. »
« Parfois, j’ai l’impression qu’on oublie trop facilement ma fatigabilité, par contre mon potentiel n’est pas vraiment récompensé à sa juste valeur. »
« Si je n’avais pas rencontré le défenseur des droits rien n’aurait été pris en compte »
« Je suis obligée de travailler à mi-temps jusqu’à la fin de ma carrière. Ça a un coût important mais c’est la seule façon de durer. »
« Depuis deux ans, la situation se détériore. La durée d’attente de rendez-vous est de plus en plus longue. J’attends depuis plus d’un an une livraison de matériel alors qu’il fallait moins de 6 mois auparavant. J’ai conscience que les demandes sont de plus en plus nombreuses mais cette très longue attente détériore nos conditions de travail. »
« J’ai fourni ma rqth, je pensais que quelqu’un me contacterait ou que l’on me donnerait un nom pour prendre des renseignements mais rien n’a suivi. »
« Incompréhension des familles lorsqu’on est absent à cause de nos pathologies. Manque de remplacement considérable. »
« En réalité, il faut que je me “batte” au quotidien pour que mon handicap invisible soit reconnu. Du coup, au final, j’ai “gain de cause” mais pas parce que ma RQTH est respectée d’office mais parce que je suis obligée de “râler”… et ça ajoute du stress et des douleurs ! »
« L’académie de Rouen ayant fusionné avec celle de Caen, la correspondante handicap se trouve à Caen et la médecine de prévention à Rouen. »
Cette enquête du SNALC a été adressée à tous les personnels de l’Education nationale le 10 septembre 2024.