Depuis la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005, le nombre d’élèves en situation de handicap (ESH) en milieu scolaire a plus que triplé : 155 361 élèves à la rentrée 2006 et 513000 en 2024*.
Si l’on s’en tient au nombre d’ESH scolarisés, la réussite de l’inclusion semble indéniable. Mais qu’en est-il pour le métier d’AESH ?
Le SNALC vous présente les grandes lignes du rapport sur l’inclusion scolaire des ESH de la Cour des comptes, publié en septembre 2024.
Les rapporteurs rappellent que pour répondre aux besoins des ESH, l’institution scolaire peut recourir à l’accessibilité et à la compensation.
L’accessibilité désigne le fait de rendre possible l’accès de tous les élèves aux savoirs : accès physique aux locaux, installations, équipements sportifs, culturels, informatiques, au matériel pédagogique adapté (MPA), aux transports scolaires…
La compensation se traduit entre autres par la mise en place d’un accompagnement individualisé ou mutualisé par des AESH.
Ainsi, les recrutements d’AESH ont explosé. Le nombre d’AESH était estimé à 41432 en équivalents temps plein (ETP) en 2013, puis 86502 ETP en 2024*, soit une multiplication par 2 en 11 ans. En termes d’effectifs, les AESH sont les personnels les plus nombreux, juste derrière les enseignants !
Une formation déplorable
Le rapport relève que la puissance numérique des AESH n’est pas du tout synonyme de bien-être au travail, bien au contraire.
En effet, les AESH estiment ne pas être suffisamment outillés et préparés, que ce soit en termes de formation initiale ou continue, pour faire face à des situations qui, selon eux, dépassent parfois leurs compétences et leurs moyens d’action.
« Des points de repères manquent, par ailleurs, aux accompagnants d’élèves en situation de handicap pour clarifier leur rôle vis-à-vis des enseignants et, plus largement, pour renforcer leur reconnaissance au sein de la communauté éducative : outre d’importants problèmes de recrutement et une insatisfaction de ces agents par rapport à leurs conditions de travail, le recours à un accompagnement individualisé ou mutualisé n’est pas encadré par un référentiel qui garantirait la pertinence de l’une ou de l’autre modalité. De même, la dispersion des services des accompagnants d’élèves en situation de handicap entre plusieurs établissements montrent les limites des pôles inclusifs d’accompagnement localisés qui font l’objet de critiques récurrentes. »
La Cour des comptes recommande donc de :
- renforcer les dispositifs de formation initiale et continue en direction des AESH, y compris les modules de formations inter-métiers (notamment entre AESH et enseignants) ;
- mettre en place un cadre renforcé de gestion des ressources humaines pour ces AESH.
Si les AESH reçoivent une formation obligatoire d’adaptation à l’emploi d’une durée de 60 heures, des modules d’initiative nationale (MIN) ou encore des actions de formation continue sont également proposés dans certains plans académiques ou départementaux de formation (PAF/PDF), dont certaines avec les enseignants. Néanmoins, les retours de terrain mettent en évidence que le format de ces formations, souvent en ligne, ne permet pas une meilleure appropriation par les personnels.
Par ailleurs on constate une sous-exécution récurrente des crédits associés aux dépenses de formation des AESH : 11,3 % des crédits exécutés en 2020, contre 58 % en 2018.
Pour l’enseignement privé sous contrat, la réalisation de formation conjointe AESH – enseignants n’est pas possible. En effet, la formation des AESH relève de l’Education nationale tandis que celle des enseignants dépend de leur organisme privé de formation (Formiris).
Toutefois, la formation insuffisante ou inappropriée des AESH ne saurait constituer le seul motif du manque d’attractivité de leur métier.
Un manque d’attractivité criant
La Cour des comptes liste un certain nombre de facteurs à l’origine de cette crise d’attractivité :
- manque de reconnaissance salariale (des rémunérations indigentes et indécentes) ;
- précarité de la fonction (absence de statut de fonctionnaire).
Les académies rencontrent de sérieuses difficultés pour recruter des AESH à hauteur de leurs besoins, laissant de facto des postes non pourvus et des élèves sans accompagnement. Les difficultés se retrouvent également dans leur capacité à fidéliser les AESH, face à une situation de « turn-over » importante.
Si le rapport de la Cour des comptes met en avant les mesures mises en place par le ministère (nouvelle grille indiciaire, création de l’indemnité de fonctions et majoration de l’indemnité versée aux AESH référents en septembre 2023), il recense également les mesures générales destinées aux agents de la fonction publique (hausse du point d’indice de 3,5 % en 2022 et de 1,5 % le 1er juillet 2023, prime exceptionnelle de pouvoir d’achat versée en fin d’année 2023 et relèvement des indices majorés de cinq points depuis le 1er janvier 2024). Si le ministère affiche une hausse de la rémunération des AESH de 28 % entre 2020 et janvier 2024, pour le SNALC, la réalité est tout autre et les AESH restent des travailleurs pauvres.
La Cour des comptes reconnaît d’ailleurs que ces mesures de « revalorisation » n’ont pas été suffisantes, notamment en raison des temps incomplets.
« En effet, les AESH sont très majoritairement en temps incomplet. Selon le ministère, 86 % des AESH avaient une quotité de travail inférieure ou égale à 70 % à la rentrée 2022 et seulement 2% bénéficiaient d’un temps plein, avec une moyenne de 62 % de quotité de travail qui représente désormais un enjeu important. Les entretiens menés ont montré que cette question du temps de travail est ressentie de manière variable selon la situation personnelle des agents. Ainsi, certains AESH disent souhaiter un temps de travail complet, quand d’autres déclarent préférer exercer leur mission à temps incomplet pour des raisons d’organisation personnelle et familiale principalement. »
Les AESH restent des travailleurs précaires, sous contrat, même si depuis septembre 2023, le CDI est accessible après « seulement » 3 ans de CDD (loi 2022-1574 du 16 décembre 2022). Ainsi, en octobre 2024, 63%* des AESH avaient signé un CDI.
Le SNALC revendique toujours un statut de fonctionnaire, de catégorie B, pour les AESH. C’est la seule solution pour une sortie de la précarité !
Des missions très diverses
Si les missions des AESH sont définies par la circulaire 2017-084 du 3 mai 2017, le rapport de la Cour des comptes alerte sur une réalité du métier très diverse et largement dépendante du contexte d’exercice de la fonction.
« Ainsi, les tâches d’un AESH exerçant en maternelle ne sont pas les mêmes que celles d’un AESH en poste en lycée. Le niveau de compétence de la personne et la qualité de la collaboration avec les enseignants apparaissent également comme des facteurs déterminants du cadre d’exercice. Lors des visites de terrain, il a ainsi été noté des pratiques très différentes selon les établissements, certains AESH accompagnent uniquement l’élève dans ses gestes physiques quand d’autres jouent un rôle pédagogique, allant jusqu’à retravailler les supports de cours pour les rendre accessibles. »
Leur intégration au sein de la communauté éducative paraît également variable et globalement insuffisante. Les AESH avouent même ressentir parfois un sentiment de « mise à l’écart ». Certains AESH vont jusqu’à évoquer une forme de ségrégation des espaces et un accès à « la salle des professeurs » lors des temps de pause qui n’est pas toujours acquis.
Enfin, beaucoup d’AESH avouent une grande difficulté à s’orienter au sein de ce système qui ne leur offre pas de référent administratif clair et un manque de lisibilité sur les responsabilités hiérarchiques et fonctionnelles de leurs supérieurs.
« Ce flou est illustré par le fait que nombreux sont les AESH rencontrés qui ont déclaré n’avoir jamais été évalués et ignorer la personne en charge ainsi que ne pas savoir à qui envoyer leurs documents administratifs (arrêt de travail par exemple). »
L’avis du SNALC
Indéniablement, les quelques mesures mise en œuvre en faveur de l’attractivité et de la sécurisation du métier d’AESH doivent être poursuivies et intensifiées. La Cour des comptes préconise de mettre en place un véritable cadre de gestion permettant un accompagnement renforcé des AESH, ainsi qu’une meilleure gestion administrative de leurs conditions d’exercice et de leur carrière; d’autant plus que l’intégration budgétaire des AESH au sein des dépenses de personnels de l’Etat renforce ces recommandations.
Le SNALC ne peut que partager les conclusions de la Cour des comptes. Toutefois, dans un contexte politique instable et une période budgétaire contrainte, le SNALC craint que les moyens et outils nécessaires pour atteindre ces objectifs mettent du temps à voir le jour…
Soyez assurés que le SNALC défendra coûte que coûte l’urgence à agir en faveur d’une professionnalisation et d’une véritable reconnaissance du métier d’AESH !
* Dossier de presse – Ministère Education nationale – Projet loi de finances 2025