[…] France Info – Louise Pezzoli
Sur la sécurité, on va y revenir, on ne va pas en parler largement, mais Maxime Repert, puisque vous êtes vice-président du Syndicat national des lycées et collèges, est-ce que vous pouvez nous confirmer que les cours ont bien repris cet après-midi ?
SNALC – Maxime Reppert
Oui, les cours ont repris d’après les éléments qui m’ont été communiqués, même si je n’ai pas pu me rendre sur place.
France Info – Louise Pezzoli
Est-ce que vous pouvez nous dire aussi dans quel état sont les professeurs de ce collège ?
SNALC – Maxime Reppert
Je pense que les professeurs sont tout simplement dans l’inquiétude, parce que ça fait quand même plusieurs semaines que la rentrée a débuté et il y a eu cette découverte d’impact dès fin août ; les enseignants, les personnels se sentent impuissants.
Mais vous savez, au-delà des personnels, je pense également aux parents, les parents qui sont très inquiets parce qu’effectivement, on se dit qu’en déposant son enfant le matin devant l’établissement, on ne peut pas dire à 100% que son enfant est en sécurité parce que ces impacts ont eu lieu, on ne sait pas quand précisément, mais on peut très bien imaginer qu’ils auraient pu avoir eu lieu en plein jour. […]
France Info – Louise Pezzoli
Maxime Reppert, je crois que vous êtes toujours en direct avec nous, à distance.
Est-ce que ce discours, cette prise de parole du préfet des Bouches-du-Rhône, quand il dit que les présences policières sont là tout le temps, permanentes, vous a rassuré ?
SNALC – Maxime Reppert
Non. Non, parce que ce type de discours, dans d’autres cas, d’autres lieux, ce sont des choses que nous avons déjà entendues. C’est-à-dire que oui, effectivement, les forces de l’ordre seront visibles pendant quelques jours, mais nous sommes conscients que ce n’est pas possible sur le long terme, et ce n’est pas non plus possible de le faire sur l’ensemble du territoire ou du moins dans tous les établissements concernés.
J’aimerais quand même réagir par rapport à ce qui a été dit, car je trouve assez stupéfiant ce que j’ai pu entendre lors de cette conférence de presse. On a l’impression qu’il y a des problèmes et qu’immédiatement, on agit. J’aimerais rappeler que la question de la sécurité dans les établissements se pose de façon régulière depuis 2015. Il y a ensuite eu Samuel Paty, puis Dominique Bernard. On en a parlé très régulièrement. Le gros problème, c’est que même s’il y a des diagnostics de sécurité réalisés, je tiens à dénoncer la grave lenteur entre le moment où ces diagnostics sont effectués et celui où les travaux sont entrepris.
Pourquoi ? Parce que ce sont les collectivités territoriales qui sont responsables des structures, du bâti. Parfois, il faut beaucoup de temps pour que des travaux soient réalisés. Quand j’entends par exemple : « Oui, on va remplacer les vitres, ça va être fait », certes, cela sera peut-être fait dans quelques semaines ou quelques mois. Mais cette lenteur dans la gestion du bâti, et le ping-pong que nous observons parfois entre le rectorat et les collectivités, ce n’est pas normal, surtout lorsqu’il est question de sécurité. […]
France Info – Louise Pezzoli
Maxime Rappert, est-ce quelque chose que vous constatez, ces incidents, ces violences au quotidien, ou en tout cas de façon exponentielle ? Est-ce une réalité chez vous aussi ?
SNALC – Maxime Reppert
Oui, malheureusement, c’est une réalité, et on ne peut plus la cacher. Il y a une forme de banalisation de la violence en milieu scolaire qui est absolument insoutenable.
Je vais d’ailleurs vous donner un chiffre assez révélateur. En 2022-2023, en reprenant les chiffres publiés par l’Éducation nationale sur le nombre d’incidents graves déclarés — et je dis bien incidents graves déclarés, ce qui veut dire qu’il y en a potentiellement bien plus — on a recensé près de 77 500 incidents graves en collèges et lycées pour l’année scolaire 2022-2023. 77 500 environ. Je fais le calcul avec le nombre d’incidents pour 1 000 élèves rapporté au nombre de collégiens et lycéens, c’est absolument stupéfiant.
Et vous avez des catégories “extrêmement diverses”. Par exemple, la consommation ou le trafic de stupéfiants et d’alcool représente 3 % de ces incidents.
Et 80 % de ces 77 500 incidents graves déclarés ont lieu à l’intérieur de l’établissement. À l’intérieur !
France Info – Louise Pezzoli
Maxime Reppert, j’imagine que vous partagez ce qui vient d’être dit.
En tout cas, sur le constat que l’école n’est plus un sanctuaire, quel est votre sentiment d’ailleurs quand vous allez enseigner le matin ?
Certains des enseignants de ce collège-là disent qu’ils vont enseigner avec la boule au ventre.
C’est un sentiment général ça ?
SNALC – Maxime Reppert
Le métier de professeur est devenu un métier à risque, tout simplement. On a vu qu’enseigner peut tuer. On a vu qu’au-delà des deux décès de Samuel Paty et Dominique Bernard, il y a aussi tous ceux qui ont été blessés, victimes de violences physiques, violences psychologiques, harcèlement, lynchage sur les réseaux sociaux.
Donc effectivement, cette violence, c’est un phénomène sociétal. Mais il faut donner suffisamment d’outils à l’école pour y faire face. Il faut effectivement plus de personnels au niveau de la vie scolaire, plus de personnels d’accueil, il faut également des systèmes d’alarme qui puissent être déclenchés très rapidement en cas d’intrusion, et il faut travailler sur le climat scolaire parce que l’école c’est un lieu de vie.
On a un manque cruel de personnels. Plus vous avez des effectifs chargés par classe, plus ça met à mal le climat scolaire. Donc il y a tout un ensemble de mesures à prendre, sans que les établissements deviennent des bunkers, mais ces mesures, elles nécessitent de l’audace, elles nécessitent du courage, et elles nécessitent surtout des moyens. Le problème, c’est qu’on va avoir à chaque fois ce type de discours “il faut faire ceci, il faut faire cela”, et puis on va se rendre compte que dans un an, dans deux ans, quand il y aura une nouvelle catastrophe, eh bien voilà, on va remettre le même disque avec la même musique, et ainsi de suite.
En attendant, il y a des élèves qui sont en souffrance, des parents qui sont inquiets, et des personnels qui peuvent être des victimes du jour au lendemain.
France Info – Louise Pezzoli
Alors Maxime Reppert, cette question d’un auditeur qui vous demande : “Apparemment, un manque de personnels d’encadrement est pointé. Comment le gouvernement peut-il faire s’il doit faire des économies sur les services publics ?”
SNALC – Maxime Reppert
Ça, je n’ai pas la réponse. On ne peut pas dire : « on va redresser l’école, permettre aux élèves de réussir, offrir aux personnels des conditions de travail qui leur permettent de bien faire leur métier », et en même temps dire qu’il faut faire des économies.
Il faut savoir où mettre l’argent, où investir. Je pense que l’école, comme cela a été dit, c’est l’avenir. Je pense que nos élèves, nos enfants, méritent vraiment qu’on s’investisse, plutôt que de chercher à faire des économies.
France Info – Louise Pezzoli
Maxime Reppert, je vous vois hocher la tête, vous êtes complètement d’accord avec ce que vous entendez. Je vais vous laisser réagir, mais nous avons ce téléspectateur qui décrit une jeunesse de plus en plus violente, c’est ce qu’il dit, et de moins en moins écoutée. Partagez-vous ce diagnostic ?
SNALC – Maxime Reppert
De plus en plus violente et peut-être de plus en plus livrée à elle-même. Vous savez, je dis souvent que la première cellule d’apprentissage d’un enfant, c’est la famille, ce n’est pas l’école, c’est un fait.
Mais au-delà de ça, tout ne se fait pas dans la famille. Il y a des familles où les parents sont dépassés, des parents démissionnaires — ça peut arriver —, des familles en difficulté. Et puis il y a tout ce qui se passe en dehors, que ce soit en dehors des familles ou de l’école, des choses que l’on ne peut pas maîtriser.
Par exemple, la question des réseaux sociaux est clairement un des signes très évocateurs de ce sentiment de dépassement qui frappe parfois les parents.
France Info – Louise Pezzoli
Maxime Rappert, je vous vois rire, sourire.
SNALC – Maxime Reppert
Je me dis que l’habit ne fait pas le moine et que rétablir l’uniforme, ce n’est pas ce qui va permettre de lutter, je pense, efficacement contre cette banalisation de la violence. Je pense que c’est beaucoup plus profond que ça. Ce n’est pas en mettant un uniforme qu’un élève va devenir tout de suite calme et assidu.
Il y a plusieurs leviers à actionner. Concernant l’uniforme, je ne suis ni pour ni contre. Simplement, je soulève un point : l’argent que l’on va investir là-dedans, c’est de l’argent que l’on ne mettra pas ailleurs.
Il faut peut-être prioriser les dépenses. Sur les contrôles de drogue, de cigarettes, de smartphones, je rappelle quand même une chose qui pose un problème au sein des établissements scolaires : un enseignant n’a pas le droit de fouiller le sac d’un élève.