Quand Jean-Michel Blanquer, en 2018 avait annoncé une vaste réforme de la voie professionnelle nommée TVP, certains (les médias essentiellement et tous ceux qui croyaient encore le bavardage inconséquent du ministre de l’époque) s’étaient extasiés devant ses promesses, sa volonté de « promouvoir la diversité des formes d’excellence » de faire de la voie professionnelle sa priorité.
Ensuite la dure réalité est apparue lors de la mise en application de cette réforme pour la rentrée 2019 : des programmes chamboulés aussi bien en enseignement général que professionnel, la mise en place de dispositifs « novateurs » comme la co-intervention, le chef-d’œuvre, surtout flous et chronophages, aux dépens des horaires de la plupart des enseignements généraux.
D’ailleurs en 2019 l’AFHMT (l’Association française pour l’Histoire des mondes du travail) avait estimé que « cette rénovation constitu(ait) un appauvrissement inédit des formations depuis la réforme de 1985 qui avait mis en place le baccalauréat professionnel. » et qualifiait cette réforme « d’archaïque ».
Les enseignants de lettres-histoire étaient curieux de savoir quels sujets « tomberaient » en Français dès 2021 pour les candidats individuels en CAP et en 2022 pour le Bac professionnel. Pour les deux diplômes, les auteurs utilisés et les textes proposés étaient foncièrement enrichis : Philippe Delerm, Nathalie Sarraute, Colette, Victor Hugo en CAP, Walter Scott, Stefan Zweig Jean- Jacques Rousseau en Bac professionnel.
Pour l’Histoire-Géographie-EMC, la partie géographie était incontestablement jargonnante. Quant aux parties Histoire et EMC, elles étaient certes riches (extrait des Mémoires d’espoir de Charles de Gaulle) mais incompatibles avec des horaires hebdomadaires émaciés.
Alors les professeurs de la voie professionnelle peuvent légitimement s’interroger sur cette dichotomie : une excellence souhaitable, en théorie, et la réalité d’une course pour « boucler » les programmes à temps où les sujets ne peuvent être qu’à peine effleurés.
Amateurisme ou cynisme d’un Ministère qui affiche des objectifs ambitieux parfaitement irréalisables ?
Article paru dans la revue du SNALC, la Quinzaine universitaire n°1483 du 8 décembre 2023