On aimerait pouvoir se croire à l’abri, mais ça n’arrive pas qu’aux autres. Un jour ou l’autre, à moins de renoncer à l’indemnisation de ses frais de déplacement, tout agent de l’Éducation nationale se trouve confronté à Chorus-DT.
Certes, les contractuels, les TZR et les personnels qui effectuent un complément de service sont les plus touchés. Mais les titulaires en poste avec une confortable ancienneté auraient tort de dire « fontaine… ». Quel agent de l’Éducation nationale peut espérer échapper totalement aux convocations diverses qui planent sur lui comme autant d’épées de Damoclès ? Qui peut écarter définitivement la perspective de flasher sur une formation du PAF ou de s’investir syndicalement ? Or, qui dit remboursement des frais de déplacement dit recours à Chorus-DT (ou à ses avatars Gaia et Imag’in). Remplaçant depuis 2015 l’application Ulysse-DT dont le nom affichait clairement la couleur, Chorus-DT peut s’avérer semé d’autant d’embûches qu’un périple en Méditerranée. Même si d’après l’administration, il a « fait peau neuve » et est désormais disponible sur smartphone, plonger dans cet univers baroque sans préparation ne serait pas raisonnable. « Le SNALC aux mille ruses » vous donne quelques astuces pour atteindre vos objectifs sans y laisser trop de plumes.
- Choisir le bon moment pour se connecter à Chorus-DT
La tentation serait grande de procrastiner. Sans y céder, ne vous lancez pas tête baissée. Entamer une procédure de demande de remboursement sur Chorus-DT requiert en effet une grande énergie et une détermination sans faille. Si vous êtes trop fatigué, préoccupé ou velléitaire pour mener à bien la démarche, attendez un moment plus propice. Si en revanche, vous sentez une volonté indéfectible et disposez d’au moins 2 heures, c’est le moment. Votre mindset de winner saura venir à bout de tous les obstacles !
- Lire la documentation académique sur le remboursement des frais de déplacement sur Chorus-DT
Même si la lecture n’en est pas forcément fluide, tournez-vous vers les circulaires ou bulletins académiques. Ce n’est pas si terrible. Les documents qui affichent couramment plus d’une cinquantaine de pages en pdf comprennent la moitié d’annexes. Un petit effort et vous serez très vite familiers des notions de « résidence administrative », « résidence familiale », « communes limitrophes », « AUPV » (autorisation d’utiliser le véhicule personnel), « ordre de régularisation classique »… Un univers s’ouvre à vous. Le jeu n’en vaut-il pas la chandelle ? Certaines académies mettent aussi à disposition des tutoriels accessibles. À défaut d’en saisir toutes les subtilités, vous serez au moins à même d’entamer la conversation avec votre gestionnaire et de témoigner ainsi de votre bonne volonté (voir point 5).
- Ne rien jeter
Vous ne souffrez pas du syndrome de Diogène ? Tant pis, il va falloir vous résoudre momentanément à ne jeter aucun papier. Convocation, liste d’émargement, tickets de péage, rien ne doit disparaître. Dans l’idéal, créez d’emblée un petit dossier pour rassembler toutes vos pièces. C’est contraignant, mais imaginez votre satisfaction quand vous pourrez répondre positivement à la demande : « rattacher les justificatifs dans “l’onglet général” à l’aide du bouton RATTACHER » !
- Ne jamais se décourager
Autant le dire d’emblée : pour obtenir votre dû, il vous faudra avant tout compter sur vous-même. En amont de la connexion, l’information que vous avez droit à un remboursement ne viendra sans doute pas toute seule… Pas plus que les documents justificatifs. Vous devrez donc les réclamer le cas échéant, au risque de paraître insistant. Une fois connecté à l’interface, il faudra se montrer ouvert et patient. Rien ne doit être exclu, ni l’échec à toutes les étapes, ni éventuellement-mais c’est plus rare-une insolente réussite. Problèmes techniques, maintenance du site, difficulté à joindre les justificatifs, attente de validation de votre ordre de mission par votre supérieur hiérarchique (VH1), voyez tous les obstacles comme des défis à relever. Cette application semble conçue pour qu’un maximum d’utilisateurs jettent l’éponge ? Ne tombez pas dans le panneau et ne lâchez rien ! Même si vous voyez s’afficher –ultime coup de grâce après des heures de saisie-« attention plus de 80 % du disponible de l’enveloppe de moyen (sic) a été consommé », gardez espoir. Vous vivez dans un État de droit et avez les textes pour vous. Une application toute intimidante qu’elle soit, ne saurait entraver l’exécution d’un décret en l’occurrence le décret 2006-781 du 5 juillet 2006 sur les conditions et modalités de remboursement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l’État. Fort de cette conviction, faites de l’administration votre alliée pour faire respecter la loi.
- Miser sur l’humain
En effet, contrairement aux apparences, vous n’êtes pas seul dans votre démarche. En tant qu’adhérent du SNALC, syndicat humaniste s’il en est, n’oubliez jamais de miser sur l’humain. Au moment du plus grand désespoir, vous pouvez en effet solliciter une intervention auprès d’un gestionnaire peut-être aussi désemparé que vous. Exposez-lui posément votre problème par courriel ou par téléphone. Si vous avez trouvé le bon interlocuteur, vous êtes sauvé. À condition bien sûr de montrer de la bonne volonté et de savoir retenir votre éventuelle mauvaise humeur. Toute formule assassine serait contre -productive et ne ferait que compromettre le succès de votre démarche. Pour garder votre sang-froid, souvenez-vous que l’agent administratif que vous sollicitez est la première victime des subtilités byzantines de l’application. Cependant, amabilité ne signifie pas mollesse ! Sachez relancer après un « je n’ai pas la main », « c’est impossible », « c’est en attente ». Bref, « un gant de fer dans une main de velours », « patience et longueur de temps font plus que force ni que rage », n’hésitez pas à puiser dans les trésors de notre sagesse nationale avant de songer éventuellement à faire remonter votre requête un peu plus haut dans la hiérarchie rectorale.
Pour un dénouement heureux, suivez scrupuleusement ces conseils. Il y a fort à parier que vous recevrez bientôt le réconfortant message « Votre EF – oui, Chorus-DT a le pouvoir de transformer un OM (ordre de mission) en EF (état de frais) – N°TJ7EP01 a bien été traité dans Chorus et payé. » Avoir surmonté les obstacles sera votre plus belle récompense… peut-être même plus que la somme symbolique touchée.
Et si ce combat pour faire respecter nos droits relevait de notre dignité, en cette période où chaque réunion sur la « revalorisation » de nos traitements est une nouvelle occasion de recevoir un témoignage de mépris ?