Pardonnez l’expression, mais quand le sujet du bâti scolaire est mis sur la table en 2022, le SNALC le voit venir gros comme une maison. Derrière les intentions les plus louables – depuis mises en ligne sur le site du ministère sous forme de guides de préconisations pour les futures constructions – se cachent chausse-trapes et intérêts diamétralement opposés à la qualité de vie au travail des professeurs des écoles.
Plus maître à bord
Il faut bien garder à l’esprit que le bâti scolaire est entre les mains des municipalités. Cela induit inévitablement une territorialisation de l’Éducation nationale dans laquelle les municipalités dresseront des vitrines politiques et auront de plus en plus leur mot à dire, pour ne pas dire le fin-mot. On se souvient tous du résultat occasionné par les TAP et les NAP : classes-salles chamboulées et affaires manquantes dans les casiers des élèves. A chaque fois, que de temps perdu à tenter de retrouver ce qui avait été au mieux déplacé ou au pire définitivement volatilisé. Sans parler du professeur des écoles, chassé de sa classe pour laisser la place à ces activités. Les corrections de cahiers, oui, mais ailleurs.
Les économies avant tout
Les petites écoles sont passées au crible. Elles coûtent cher, pour leur entretien mais également en termes de personnels qui y travaillent. La fusion d’écoles permettrait de limiter les coûts tant au niveau du bâti que des personnels. On va se diriger peu à peu vers de nouvelles structures et détruire les petites écoles vétustes qui coûteraient plus cher à rénover qu’à raser, pour les reconstruire (détruire 4 écoles de 4 classes et construire une école de 16 classes en simplifiant). Exit l’amiante, en outre. Les ateliers de maintenance prévus au sein des structures montrent qu’il s’agira de mégastructures autant que faire se peut.
Un chapitre du document parlant de l’éclairage naturel enfonce le clou : on ne creusera pas un puit de lumière dans une vieille bâtisse mais on en aménagera un dans une structure au moment où l’on monte les parpaings. Idem avec la circulation de l’air pour évacuer l’air vicié (quand l’après covid peut servir, autant ne pas s’en priver). Enfin, quand le document interroge sur notre capacité à favoriser une continuité de parcours pédagogique avec à minima une classe par cycle d’enseignement, le SNALC y voit l’aveu évident de la visée d’écoles conséquentes.
Reste que dans le milieu rural, la faible densité de population ne permet pas la construction de grosses unités et l’éventuel regroupement en RPI peut freiner au regard des difficultés liées à l’éloignement géographique école-domicile et au transport scolaire.
Le plan B, pour rentabiliser
Afin de rentabiliser toujours plus avant le bâti scolaire, de nombreuses pistes sont envisagées et en tête, l’ouverture de l’école à d’autres fonctions. On en lit quelques-unes dans le livret « ouverture sur le territoire » : une sorte de « recyclage » afin de la rendre multitâche pour la rentabiliser davantage. Mais quelles seront ces fonctions ?
Tout d’abord, un espace dédié à l’accueil des familles. Le propos est extrêmement inquiétant : les parents auront un plein droit d’entrée dans les écoles. Impossible d’y mettre un frein si la situation dégénère. On peut lire également « Permettre un accès à un ordinateur pour les parents qui n’en ont pas ». Le document montre bien des égards pour les parents, pas pour les enseignants. Bienveillance à géométrie variable et pour un public choisi.
En effet, la salle des maîtres, qui n’est pas présente dans chaque école au grand regret du SNALC, n’est même pas mentionnée. Il est fait uniquement mention d’«espaces de travail et de convivialité des personnels ». À y regarder de plus près, les « personnels » semblent être tous les adultes de l’école, sans distinction.
Attention, il n’y a pas que les parents sensu stricto qui vont rentrer dans l’école : les espaces des écoles pourront être, selon les auteurs du document, mobilisés pour des cours à l’attention d’adultes. On y lit que « l’école peut aussi accueillir les activités de formation tout au long de la vie ». A savoir alphabétisation, formation continue et professionnelle… « Au-delà de ses fonctions usuelles, elle est enfin susceptible d’accueillir de nouveaux services : espaces dédiés à la petite enfance pour fonder un pôle éducatif, tiers lieux à l’attention du monde associatif et économique, etc. » L’école va donc une fois de plus tenter de guérir la société de tous ses maux. La situation deviendra ingérable par les directrices et directeurs de ces écoles de demain.