Nous sommes en 2023, près de deux siècles après la loi de 1841 posant les fondements du droit de travail. Tous les salariés de France entendent désormais percevoir leur rémunération, une indemnité de déplacement et de repas lorsqu’ils sont convoqués à une formation professionnelle obligatoire (constitutive d’un temps de travail effectif). Tous ? Non, car une profession peuplée d’irréductibles idéalistes dévoués à leur mission résiste encore et toujours aux avancées du droit : les professeurs. Et la vie n’est pas facile pour les lauréats des concours qui seront convoqués pour quelques jours de formation avant le 1er septembre.
Passée la joie de la réussite, chers nouveaux collègues, soyez prudents. Ne vous faites surtout pas renverser par une voiture sur le trajet vers votre lieu de formation, ne tombez pas dans les escaliers de l’ISFEC et, bien sûr, n’ayez pas de malaise sur votre lieu de stage, car vous n’êtes pas assurés. Oubliez le mirage de la protection par le régime des accidents du travail ; l’Éducation nationale n’a rien prévu pour vous. Aurait-elle seulement envisagé de maintenir le bénéfice de votre concours si un long arrêt de travail consécutif à un incident durant cette formation vous empêchait d’effectuer votre stage ?…
Vous ne signerez votre procès-verbal d’installation qu’après la rentrée. Officiellement, vous devenez donc personnel de l’Éducation nationale à partir du 1er septembre de l’année de votre concours. Mais vous êtes bien convoqués pour votre formation quelques jours avant ; votre assiduité est obligatoire et vous signez une feuille d’émargement quotidienne. Logique, non ?
Soyez donc économes, chers nouveaux collègues, car vous ne pourrez pas prétendre au maintien de votre rémunération ces quelques jours d’août puisque vous ne serez sous contrat avec l’Éducation nationale qu’à partir du 1er septembre. D’ailleurs, vous l’a-t-on dit ? Préparez-vous à travailler sans contrat de travail plusieurs longues semaines, à ne percevoir votre salaire et votre fiche de paie que quelques mois après la rentrée. Bien entendu, la question de vos frais de déplacement et de repas pour cette période d’été n’a pas lieu d’être, puisque vous n’êtes pas sous contrat. Logique, non ?
Après avoir tant travaillé pour préparer des concours exigeants, bienvenue dans l’Éducation nationale. Le ton est donné d’entrée de jeu : le ministère va s’asseoir tranquillement sur vos droits. Droits qui s’imposent à tous les autres employeurs, naturellement. N’y aurait-il pas quelques bardes qui chantent faux dans cette belle assemblée de professeurs réunis dans la joie de la réussite au concours ? Car vos formateurs, eux, ne se déplaceraient pas sans être payés et assurés par leur employeur.
Que pouvez-vous faire ? Pas grand-chose car votre objectif est d’être titularisés à la fin de l’année de stage, et vous n’êtes donc pas en position de force pour revendiquer. L’année de titularisation est longue, exigeante et épuisante. Et nulle potion concoctée par un druide bienveillant ne pourra vous redonner des forces. Concentrez-vous sur votre objectif premier : transformer l’essai du concours en obtenant votre titularisation. Mais gardez bien à l’esprit la manière injuste dont l’institution accueille ses nouveaux professeurs pour rester vigilants et vous préparer à défendre vos droits tout au long de votre carrière.
CQFD.