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SQOOLTV : Fermeture de classes : quelles solutions ?

«...En réalité, que la démographie augmente ou diminue, il semble que des postes soient supprimés de toute façon, c'est un peu comme un jeu de pile ou face où je perds à chaque fois...»
Jean-Rémi Girard
Président du SNALC

Retour sur l’annonce des suppressions de classes à Paris, Jean-Rémi Girard explique la position du SNALC.

Jean-Rémi Girard, président du SNALC,  répond aux questions sur SQOOL TV Le grand JT de l’éducation le 16 mai 2023.

Virginie Guilhaume

Place à notre question du jour : “Quelle solution apporter face aux fermetures de classes un peu partout en France ?” On en parle tout de suite avec nos invités. […] Jean-Rémi Girard, président du SNALC, bonjour. […]

Nous n’allons pas parler que de Paris, sachez-le bien, il ne faut pas zapper tout de suite dès qu’on mentionne Paris, mais Paris est l’expression d’une colère énorme, donc on en parle évidemment. On va parler de manière plus générale aussi de ce qui se passe dans toute la France. À Paris, plus de 180 écoles sont concernées par des fermetures de classes l’année prochaine, connaissez-vous précisément les chiffres ? […]

Jean-Rémi Girard

Effectivement, nous avons les mêmes chiffres, environ 280 classes à l’école primaire, mais pas seulement, car nous avons également des fermetures de lycées annoncées, y compris des lycées professionnels à Paris. Nous aurons sans aucun doute un chiffre beaucoup plus élevé si l’on additionne les écoles primaires, les collèges et les lycées à la rentrée prochaine.

Virginie Guilhaume

[…] On va revenir dès le départ à l’argument initial, qui est de dire que la démographie est en baisse. Nous sommes d’accord, c’est incontestable.

[…]

Jean-Rémi Girard

On ne le conteste pas, nous disons simplement que même lorsque la démographie était en hausse, on n’ouvrait pas nécessairement de nouvelles classes. Ainsi, la démographie est souvent utilisée comme un argument facile. Rappelons que sous le quinquennat précédent, le nombre d’élèves en collège et en lycée avait augmenté à la fin du quinquennat par rapport au début, mais cela n’a pas empêché la suppression d’environ 8000 postes d’enseignants. Maintenant, avec la baisse de la démographie, on continue de supprimer des classes et des postes. En réalité, que la démographie augmente ou diminue, il semble que des postes soient supprimés de toute façon, c’est un peu comme un jeu de pile ou face où je perds à chaque fois. Peu importe ce que fait la démographie, il semble que des postes soient systématiquement supprimés.

Virginie Guilhaume

Donc finalement, y aura-t-il plus de professeurs que prévu pour pouvoir être présents face aux élèves à la rentrée prochaine ? J’aimerais avoir votre avis.

Jean-Rémi Girard

L’étape suivante serait même de leur dire merci de fermer des classes. Il est important de rappeler que la France fait partie des pays d’Europe où les classes sont actuellement les plus chargées. Ce que nous disons au SNALC, c’est que si nous maintenions un nombre d’enseignants constant malgré la baisse démographique, nous pourrions avoir des classes avec un nombre d’élèves en diminution progressive, de manière significative même, ce qui améliorerait considérablement les conditions d’enseignement. Nous sommes toujours convaincus de cette idée. Nous avons nos indicateurs, comme le ratio élèves/professeurs, et il est important de les respecter ! Nous aurions peut-être ainsi l’occasion de réduire la taille des classes, ce qui semblait être une mesure positive pour l’ancien ministre de l’Éducation nationale, qui avait mis en place des classes de CP et de CE1 à effectifs réduits en éducation prioritaire. Si c’est bénéfique en éducation prioritaire, cela l’est probablement aussi en dehors de ces zones ! 

Virginie Guilhaume

Mais allons-nous pouvoir maintenir ce fameux dédoublement des classes prévu par la réforme Blanquer en CP et CE1, comme cela avait été fait auparavant ?

Jean-Rémi Girard

Alors faire et défaire, c’est toujours travailler au ministère de l’Éducation nationale, mais a priori, pour le moment, ce n’est pas remis en cause. En revanche, on va revoir la carte globale des réseaux d’éducation prioritaire sur l’ensemble du pays en 2024, c’est prévu. Cela peut être quelque chose de très technique et cosmétique, où certains entrent et d’autres sortent, mais cela peut aussi avoir des implications plus structurelles. Il y a eu, il n’y a pas si longtemps, des discussions sur le maintien de l’éducation prioritaire renforcée, appelée REP+, qui concerne les zones les plus difficiles nécessitant plus de ressources, tandis que l’éducation prioritaire classique, les REP, pourrait ne pas être conservée dans sa forme actuelle. On se demande s’il y a des risques de réaliser des économies au détriment de l’éducation prioritaire. C’est pourquoi, au SNALC, nous serons très vigilants lors de la refonte de la carte de l’éducation prioritaire l’année prochaine.

Virginie Guilhaume

[…] Pourquoi ne pas réintégrer les élèves dans les établissements où ils sont nécessaires ?

Jean-Rémi Girard

Mais parce que nous n’avons pas suffisamment d’enseignants en réalité. Comme vous l’avez très bien dit, même en supprimant des postes, nous ne parvenons toujours pas à combler les concours, et la situation s’aggrave cette année. Les concours n’ont jamais été aussi catastrophiques, y compris dans l’école primaire et à Paris également. En parlant de Paris, l’Île-de-France en général, Versailles et Créteil, malheureusement, cela est devenu structurel. Cela devient également le cas à Paris, où nous ne parvenons même pas à pourvoir les postes ouverts aux concours. Par conséquent, à un certain moment, on peut se demander, lorsqu’on établit une politique budgétaire, si je supprime quelques classes ici et là, cela se remarquera peut-être un peu moins que si je n’ai pas réussi à recruter mes enseignants.

[…]

Virginie Guilhaume

[…] ils ont certainement réfléchi à cette question, donc pourquoi sommes-nous pris dans un cercle vicieux ? Je pose simplement la question de manière basique et innocente.

Jean-Rémi Girard

Une fois de plus, ce que nous constatons au SNALC depuis un certain temps, c’est que nous analysons ce qui se passe au ministère de l’Éducation nationale et, de manière plus générale, dans les gouvernements successifs. Il ne s’agit pas de dire que le gouvernement d’Emmanuel Macron est formidable, car ce n’était pas le cas, c’est très clair. Nous sommes confrontés à une forte logique budgétaire qui est appliquée à l’Éducation nationale, tout comme cela a pu être le cas au ministère de la Santé et dans les hôpitaux. Nous faisons face aux mêmes problématiques, à savoir que l’école est perçue comme un coût plutôt que comme un investissement ou une valeur en soi. On cherche toujours à jongler avec les coûts, à s’adapter. Par exemple, on a supprimé la matière de technologie en classe de 6e, non pas pour des raisons pédagogiques, mais parce qu’il n’y avait pas suffisamment de professeurs de technologie. On se dit alors qu’en supprimant cette matière, les élèves de 6e n’auront plus de cours de technologie, alors même qu’on leur dit que nous devons être en pointe sur le numérique. On supprime ainsi la discipline qui enseigne le numérique.

[…]

Jean-Rémi Girard

Paris, en ce qui concerne la question du privé et du public, est l’une des académies où le privé a le plus de poids. Dans le top 3 des académies avec une forte présence du privé, on retrouve Rennes, Nantes et Paris. Il existe une sorte de concurrence qui se déroule, mais elle ne se fait pas selon les mêmes termes, comme vous l’avez très bien dit, car le privé n’est pas soumis aux mêmes contraintes que le public.

Ce que nous disons au SNALC, c’est que le ministre ne va pas changer la loi sur l’école privée, cela ne semble pas être l’une de ses priorités. Il fait beaucoup d’annonces sur la mixité, mais en réalité, il ne se passera pas grand-chose. Ce que nous affirmons, c’est qu’il faut donner envie aux gens de choisir le public. Par conséquent, le secteur public doit proposer des choses attractives, avec des conditions d’enseignement désirables pour les parents, afin d’encourager cette mixité dont on parle sans cesse. Pour que la mixité se concrétise, toutes les catégories sociales doivent avoir envie de rejoindre le public.

Ce n’est pas en leur disant que des classes seront peut-être fermées dans deux ou trois ans, que l’école ou le collège pourraient disparaître, que cela donnera spécialement envie aux gens de choisir les écoles, collèges et lycées publics.

Virginie Guilhaume

[…] Si on répartit en plus les classes qui vont fermer et que tout d’un coup les élèves des classes réparties vont rejoindre les autres classes, est-ce que cela ne va pas entraîner une surcharge des autres classes ?

Jean-Rémi Girard

Cela dépend de la manière dont cela se déroule d’un endroit à l’autre, car si on observe une baisse démographique globale, il se peut que les autres classes aient légèrement moins d’élèves et puissent les absorber. En réalité, le nombre d’élèves ne va pas baisser ou presque pas, même si cela pourrait être le cas. De plus, il est important de rappeler que la norme actuelle dans les lycées publics est plutôt de 35 élèves que de 28 ou 30. Dans mon académie, Versailles, nos classes de séries technologiques, qui ne sont pas les plus simples à gérer, comptent 35 élèves. À un certain point, il ne faut pas s’étonner de la crise dans l’éducation. Ces élèves devraient être répartis en groupes de 20, ce qui leur permettrait réellement de progresser et de prétendre à des poursuites d’études réussies. Aujourd’hui, nous savons que nous nous dirigeons droit dans le mur, et c’est terrible pour un enseignant de se dire : “J’ai des élèves devant moi, je sais qu’ils vont droit dans le mur et je suis impuissant.”

[…]

C’est compliqué car il faudrait additionner toutes les données locales pour obtenir une donnée nationale, mais effectivement, ce qui se passe à Paris n’est pas limité à l’académie de Paris. Il y a des baisses démographiques dans d’autres académies et donc moins d’enfants. Par conséquent, le raisonnement comptable similaire s’applique dans la plupart des académies : si j’ai moins d’élèves, je vais chercher à avoir moins de classes.

[…] Oui, les zones rurales sont souvent largement oubliées par la plupart des politiques éducatives, même lorsqu’ils prétendent agir en faveur du milieu rural. Celui-ci échappe souvent à l’attention des décideurs politiques, tout comme l’éducation prioritaire, car il n’existe pas de véritable réseau labellisé “éducation prioritaire” pour les écoles dites “orphelines” à l’école primaire. Ces écoles présentent pourtant les caractéristiques de l’éducation prioritaire, mais faute d’être associées à un collège ayant ces mêmes caractéristiques, elles ne bénéficient pas des ressources nécessaires. Malheureusement, la géographie de la France est souvent négligée. Notre pays n’est pas comme les autres, il comporte de nombreuses régions rurales, et il est essentiel de préserver le maillage scolaire qui constitue souvent le dernier service public à exister dans certaines zones. Plus les distances s’allongent, plus les temps de transport augmentent, et plus il est évident que les élèves les plus défavorisés se retrouvent en situation d’échec. Nous le constatons avec nos élèves dans les établissements professionnels : plus c’est éloigné, moins ils y accèdent, même lorsque la formation les intéresse et qu’ils pourraient réussir.

«...Aujourd'hui, nous savons que nous nous dirigeons droit dans le mur, et c'est terrible pour un enseignant de se dire : "J'ai des élèves devant moi, je sais qu'ils vont droit dans le mur et je suis impuissant."...»
Jean-Rémi Girard
Président du SNALC