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Remettre le professeur au centre du village

© istockphoto_skynesher-1475829656.

Toutes les réformes qui ont été mises en place ou qui sont en train de se dessiner témoignent d’une perte de qualité du service dispensé par l’Éducation nationale.

Ainsi, sa mission d’instruction est recentrée sur des fondamentaux étriqués après avoir été rabaissée au niveau d’un socle. Et ce recentrage s’accompagne d’un amoindrissement du temps d’enseignement, ici par une politique d’évaluations nationales sans intérêt, là par des dispositifs qui sont à mille lieues de notre mission d’enseignement, comme le SNU, la découverte des métiers ou les stages de seconde et le fameux parcours « en Y » de la voie professionnelle.

Les connaissances, pourtant mises en avant dans le discours ministériel, sont diluées dans des compétences psychosociales, du numérique et des engagements en tout genre.

En réalité, cette manière de rogner la mission d’enseignement des professeurs, de la réduire à des fondamentaux ou à des compétences transversales n’est pas due au hasard. Elle participe non pas d’une stratégie, mais de la vision que semble se faire le Ministère de la mission d’un professeur. Ainsi, la Direction générale de l’Enseignement scolaire (DGESCO), la Direction générale des Ressources humaines (DGRH), l’Institut des Hautes études, de l’éducation et de la formation (IH2EF) représentée par son Directeur Charles Torossian, ont récemment exposé leur conception de ce qu’est un bon enseignant, lors d’un groupe de travail sur la formation des personnels encadrants (chefs d’établissement et inspecteurs des premier et second degrés). Convoquant des exemples tels que l’Espagne ou le Portugal, M. Torossian en a dressé un portrait très clair.

Pour lui, en réalité pour le Ministère plus largement, le professeur ne doit plus enseigner à sa classe, seul dans son coin. Il doit être amené par son chef d’établissement à s’inscrire dans un collectif de travail. Bref, il faut oublier le modèle de l’enseignant qui se contente de faire classe. Partout en Europe, le temps de travail est beaucoup plus large et dépasse la simple classe. Il lui faut se réunir, s’investir dans des partenariats…

Pour M. Torossian et pour le Ministère, qui connaissent bien le Code de l’éducation, la liberté pédagogique n’est pas un frein à cette obligation d’un travail collectif. Il est d’ailleurs tout à fait possible d’imposer des pratiques pédagogiques efficaces.

On l’a vu à travers la mise en place des groupes de besoin au collège : les professeurs n’ont pas le choix. Ils doivent travailler collectivement afin d’aligner leurs progressions et de construire ensemble leurs évaluations. Pour l’institution, c’est l’un des intérêts de cette réforme.

Les évaluations d’établissement vont dans le même sens. Elles ont vocation à permettre la rédaction de nouveaux projets d’établissement. En effet, le projet d’établissement peut légalement être opposé à la liberté pédagogique des enseignants. Il suffit qu’un chef d’établissement inscrive dans le projet de son établissement des pratiques pédagogiques et des modalités de travail, notamment en collectif, pour que les professeurs n’aient pas d’autre choix que de se conformer à ses attentes.

Enfin, il semble que, pour M. Torossian et pour le Ministère, les vrais pédagogues soient en réalité les personnels de direction et les inspecteurs. On serait tenté de dire : les seuls pédagogues. Ainsi, les professeurs doivent devenir des exécutants, un orchestre mettant en musique la partition de leur chef d’établissement.

Le SNALC s’oppose à une telle vision de notre système éducatif et appelle à un véritable sursaut de notre institution en faveur des savoirs, mais aussi en faveur des professeurs.

Le SNALC ne cesse de le dire depuis des années. Les conditions sine qua non de la réussite d’un système éducatif sont :

  • Des professeurs respectés par l’Institution qui doit les laisser exercer leur liberté pédagogique, se former sur leur temps de travail et non le soir ou durant les vacances ;
  • Des professeurs convenablement rémunérés afin qu’ils puissent se concentrer sur leur enseignement sans avoir à à multiplier les heures supplémentaires ou signer des pactes pour que leur salaire soit raisonnable ;
  • Des professeurs compétents dans le ou les domaines enseignés et à même de transmettre leurs connaissances ;
  • Que les professeurs disposent de programmes disciplinaires définissant des objectifs clairs et ambitieux en termes de savoirs.

Tels sont les fondamentaux du SNALC. Tels devraient être, en réalité, les fondamentaux d’un système éducatif qui fonctionne. Le professeur, dans sa relation pédagogique avec l’élève, doit pouvoir lui transmettre les connaissances qui lui permettront de devenir un citoyen, un être doué de raison. Car quand la raison s’effondre, la barbarie s’installe.


Article paru dans la revue Quinzaine universitaire n°1491 du 12 juillet 2024