Retour sur la réforme explosive de la carte des formations que les établissements de la voie professionnelle, désormais soumis aux commandes des entreprises, ont trois ans pour mettre en œuvre. Nous sommes des « non-insérants ». C’est la réflexion désagréable que se font certains collègues de la voie professionnelle depuis l’annonce par le ministère de supprimer 100 % des formations « non-insérantes » d’ici la rentrée 2026, certaines formations tertiaires étant principalement visées.
Rénover les diplômes afin qu’ils correspondent davantage aux transitions de notre société, en créer d’autres conformes aux nouveaux métiers émergents, est parfaitement compréhensible.
Le SNALC ne considère pas comme immuable la carte des formations, pas plus qu’il n’est hostile par principe aux changements. Mais que fera-ton des élèves qui, par libre choix, se destinaient aux formations supprimées ? Et suffit-il de proposer avec désinvolture aux enseignants concernés par cette purge de se réorienter vers les écoles ou les collèges ?
Là comme ailleurs, derrière les chiffres du décrochage, les taux de réussite ou d’insertion, il y a des individus, élèves comme enseignants. Peut-on les supprimer comme on tire un trait sur une ligne comptable ?
Grâce à cette réforme, argue encore le ministère, « l’Éducation nationale […] répondra mieux aux besoins de l’économie ». Est-ce sa principale mission ? Quant aux places des formations « non-insérantes » supprimées, elles seront remplacées « sur la base de besoins exprimés par des entreprises partenaires ».
Le SNALC rappelle que les lycéens de la voie professionnelle doivent pouvoir choisir librement leur formation selon leurs appétences et non en fonction des contraintes du marché local de l’emploi ; qu’ils ont en commun avec ceux de la voie générale d’être de futurs citoyens et pas seulement une main d’œuvre disponible ; que le rôle de leurs enseignants est de former des êtres éclairés et libres plutôt que les petites mains de l’industrie.
Le ministère a tendance à l’oublier. Le SNALC, pour sa part, ne veut pas d’une jeunesse certes insérée, mais dépendante et corvéable à merci.
Article paru dans la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1478 du 9 juin 2023