Dossier du mois de la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1497 du 17 janvier 2025.
Dossier rédigé par Valérie LEJEUNE LAMBERT, secrétaire nationale du SNALC chargée de l’enseignement professionnel. Avec la contribution d’Alexandra CHIARELLI, responsable PLP du SNALC de l’académie de Corse, Céline FONROUGE, SNALC de l’académie de Normandie et Philippe RICHARD, SNALC de l’académie de Lyon.
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Quel avenir pour le lycée professionnel ?
Pour la seconde année consécutive on constate une hausse des effectifs dans nos lycées professionnels publics : + 14 516 à la rentrée 2024 (1). Comme l’année précédente, faute de moyens supplémentaires, elle se traduit par des classes surchargées. Les cartes des formations professionnelles arrêtées par certaines régions académiques pour la rentrée 2025 montrent que nos instances décisionnelles, sous couvert de baisse démographique à venir, de bâti contraint ou encore de crise budgétaire, s’accommodent de cet état de fait. Toutefois, elles trouvent des ressources pour développer les fameux Bac+1 qui n’ont d’intérêt ni pour les PLP ni pour les bacheliers pros. Les collègues doivent également faire face à la mise en œuvre chaotique de la nouvelle terminale Bac Pro.
Le SNALC, au sein d’une intersyndicale, revendique l’abrogation du parcours différencié, le retour des examens fin juin et clarifie les dispositions réglementaires à mettre en œuvre (le tract est consultable sur notre site). Enfin, la recherche de lieux de stage est de plus en plus problématique et le SNALC est porteur de solutions.
Par ailleurs, le lycée professionnel accueille la plus forte proportion d’élèves en situation de handicap au sein du système éducatif, et cette tendance est en forte augmentation. Ce sont les PLP qui enseignent en CAP qui sont les premiers à faire face à ce phénomène. Le SNALC se positionne en faveur de l’inclusion lorsque celle-ci est possible et de qualité dans des structures adaptées et avec les moyens correspondant aux besoins identifiés.
La hausse de la demande d’orientation des collégiens vers les lycées professionnels renforce la position du SNALC, qui a toujours soutenu l’importance d’un enseignement professionnel sous statut scolaire. Néanmoins, de bonnes conditions de formation ne sauraient être envisagées qu’en tenant compte de la qualité de la formation proposée à nos élèves et des conditions de travail des personnels
(1) Note d’information 24.42 DEPP : https://www.education.gouv.fr/les-effectifs-dans-le-second-degre-5636-millions-d-eleves-scolarises-la-rentree-2024-415568
PFMP : résultats de l’enquête du SNALC
Un an après l’installation d’un bureau des entreprises (BDE) dans les LP et la mise en œuvre de l’allocation de stage, les difficultés persistent pour garantir des lieux de stage à tous les élèves.
Selon les résultats du sondage, 94 % des PLP interrogés ont encore des élèves sans stage au début de la PFMP. Pour près d’un tiers d’entre eux, c’est même 20 % ou plus de leur effectif qui se retrouve sans solution.
Le principal motif avancé par les entreprises pour refuser un élève en stage est sa minorité.
De plus, 85 % des enseignants estiment que l’action du BDE n’a pas contribué à élargir le vivier des lieux de PFMP. Il est également important de noter qu’un tiers seulement des entreprises qui accueillent des apprentis d’un LP sont prêtes à accueillir un élève en stage.
Malgré les efforts des personnels des LP et en tenant compte du fait que l’attitude de certains élèves peut freiner leur accès aux stages, il est évident que ce sont principalement les entreprises qui manquent à l’appel pour offrir des PFMP de qualité nos lycéens, qui sont majoritairement mineurs.
Le SNALC dénonce la pression exercée sur les PLP lorsque des élèves n’ont pas de stage. En effet, les enseignants s’engagent activement dans la recherche de PFMP, mais ils n’ont pas les leviers nécessaires pour faire vieillir leurs élèves avant l’heure. C’est pourquoi le SNALC réitère sa demande auprès du ministère pour la mise en œuvre d’actions incitatives renforcées à l’égard des entreprises, telles que :
- L’élargissement de la clause sociale de formation sous statut scolaire dans les marchés publics (1). Permettant actuellement d’accueillir les élèves en situation de décrochage scolaire, elle pourrait aussi faciliter l’accueil d’élèves en PFMP.
- L’obligation d’accueillir un élève de LP en PFMP pour toute aide perçue à l’embauche d’un apprenti.
Développement des certificats de spécialisation post-bac : non au CFA sous statut scolaire
Actuellement, il existe 25 spécialités de certificats de spécialisation (CS) [1] post-CAP (niveau 3) et 32 spécialités post-bac (niveau 4). Ces diplômes se préparent en un an et concernent très marginalement l’enseignement général. En effet, durant cette année de formation, les élèves sont censés approfondir les compétences professionnelles qu’ils ont acquises précédemment.
Une seule obligation réglementaire s’applique : 400 heures de formation, sans grille horaire hebdomadaire, et ce, quel que soit le nombre de semaines de périodes de formation en milieu professionnel (PFMP), qui varie de 12 à 18. Comme l’a déjà constaté le SNALC, l’absence de grille horaire nationale renvoie la dotation horaire de ces formations aux régions académiques, voire aux chefs d’établissement. Cela peut entraîner des variations de 25 % pour une même spécialité, en raison d’une annualisation non réglementaire du service.
Le SNALC est à vos côtés pour refuser l’annualisation de votre temps de travail sans prise en compte du temps de service consacré au suivi des élèves en PFMP, comme prévu dans le statut des PLP.
La création de 172 places de CS post-bac à la rentrée 2025 en région académique d’Île-de-France, alors que l’on justifie l’augmentation des effectifs par classe en CAP et Bac Pro, tant passés qu’à venir, par des contraintes bâtimentaires, illustre parfaitement la volonté ministérielle de rapprocher le fonctionnement des lycées professionnels de celui des CFA. Ce développement des formations improprement dénommée « Bac + 1 » puisque toujours de niveau 4, porte atteinte à la pérennité des postes de PLP, notamment ceux de l’enseignement général, et crée une double éviction des bacheliers professionnels, tant du marché du travail que de l’accès à ces formations. En effet, les spécialités les plus prisées sont ouvertes aux bacheliers généraux (AG2S, Cybersécurité, Métiers du bar, etc.).
Pour le SNALC, l’avenir des lycées professionnels ne saurait être celui d’un CFA sous statut scolaire.
(1) Ex-mentions complémentaires
Enseigner le français, l’histoire-géographie et l’EMC en CAP
La transformation de la voie professionnelle (TVP) de 2019 a considérablement réduit le volume horaire des enseignements disciplinaires, au profit de dispositifs pédagogiques tels que la cointervention et le chef-d’œuvre. Cette réforme a également complexifié les épreuves du CAP, en CCF, pour le français et l’histoire-géographie-EMC, qui se déroulent toutes en terminale.
En français, l’évaluation des compétences écrites se réalise en 3 phases de 40 minutes chacune. Pour l’évaluation des compétences orales, il est nécessaire de prévoir 10 minutes par candidat. Cette évaluation s’appuie sur les activités liées à la perspective d’étude « Dire, écrire, lire le métier » ou à la formation en milieu professionnel. En histoire-géographie et EMC, il faut prévoir 15 minutes par candidat pour l’évaluation des deux parties. Ces évaluations peuvent avoir lieu le même jour ou à des moments différents. Depuis la rentrée 2024, enseignants et élèves doivent s’approprier un nouveau programme d’EMC ambitieux, mais sans moyens supplémentaires.
Si l’on ajoute aux temps d’épreuves les périodes d’entraînement indispensables, on peut légitimement s’interroger sur le temps disponible pour transmettre de nouvelles connaissances aux élèves.
Dans les CAP EPC (équipier polyvalent du commerce), les effectifs peuvent atteindre 30 élèves. L’inclusion d’élèves à besoins particuliers, dont la proportion ne cesse d’augmenter en CAP, sans le soutien adéquat d’AESH, complique encore davantage la situation.
En somme, alors que la TVP visait à améliorer la voie professionnelle, elle a conduit à une augmentation de la difficulté des examens, dans un contexte d’enseignement dégradé par la réduction des heures d’enseignement disciplinaire, affectant particulièrement les élèves les plus vulnérables.
Le SNALC refuse la dégradation continue des conditions de travail des PLP, exacerbée par des réformes incessantes, des dispositifs pédagogiques peu pertinents et des coupes budgétaires aveugles. Il revendique l’abandon du chef-d’œuvre et de la co-intervention en CAP, au profit d’effectifs réellement réduits sur l’ensemble des heures disciplinaires.
L'inclusion des élèves en situation de handicap
Depuis la loi du 11 février 2005, la scolarisation des élèves en situation de handicap dans le milieu scolaire ordinaire est devenue un principe de droit. Cependant, il est important de noter que tous les types et degrés de handicap ne permettent pas toujours une inclusion dans les classes dites « classiques ».
Pour répondre à cette diversité des besoins, plusieurs structures spécifiques ont été mises en place au sein des établissements scolaires. Les Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH) jouent un rôle clé en recommandant une orientation adaptée des élèves en fonction de la nature et du degré de leur handicap.
Voici quelques-unes de ces structures qui facilitent un enseignement adapté tout en favorisant l’inclusion :
- Les SEGPA : Ces classes accueillent des élèves rencontrant des difficultés scolaires graves et persistantes, de la 6e à la 3e.
- Les EREA : Ces établissements accueillent des élèves en grande difficulté scolaire et/ou sociale, ainsi que des élèves en situation de handicap. La plupart d’entre eux pro posent un hébergement en internat.
- Les ULIS : Ces dispositifs ouverts permettent aux élèves en situation de handicap de bénéficier d’apprentissages adaptés à leurs besoins tout en développant des compétences sociales et scolaires au sein des établissements.
Selon un rapport public de la Cour des comptes publié en septembre 2024, Ce sont les LP qui accueillent la plus forte proportion d’élèves en situation de handicap : 4,9 % et seulement 0,9 % en LGT (données de 2021). Toutefois, il est essentiel de souligner que ce chiffre ne reflète que les élèves dépistés.
Dans les cas où la scolarité en milieu ordinaire n’est pas envisageable, la MDPH peut recommander une scolarisation dans un établissement médico-éducatif, tel que l’IME (Institut Médico-Éducatif).
Le SNALC soutient l’inclusion lorsque celle-ci apporte de réels bénéfices aux élèves concernés. En effet, l’inclusion à tout prix peut s’avérer contreproductive et être source de souffrance pour certains élèves et pour les personnels de l’Éducation nationale
L’enseignement en EREA
Les établissements régionaux d’enseignement adapté (EREA) jouent un rôle crucial dans l’éducation des élèves en grande difficulté scolaire, sociale ou en situation de handicap. Ces structures, régies par le décret 85-924 du 30 août 1985, offrent un cadre éducatif et pédagogique adapté, incluant des internats éducatifs pour les élèves les plus vulnérables.
En 2025, la France compte environ 80 EREA (1), répartis sur l’ensemble du territoire avec au moins un établissement par région académique. Ces établissements accueillent des publics variés, incluant des élèves issus des dispositifs ULIS, UEEP, allophones ou en situation de handicap, et s’inscrivent pleinement dans les politiques nationales d’inclusion scolaire.
Malgré leur mission essentielle, les EREA ne bénéficient pas du classement en REP+, ce qui limite leurs moyens humains et financiers. Le SNALC appelle à une meilleure reconnaissance des enseignants et des équipes éducatives, qui s’investissent fortement face à des défis complexes.
Le SNALC revendique un renforcement des moyens : recrutement d’enseignants spécialisés, psychologues scolaires et éducateurs, modernisation des infrastructures et des équipements pédagogiques. Il plaide également pour des formations continues adaptées afin d’accompagner les enseignants dans leur mission.
Le SNALC s’oppose à l’article 53 du projet de loi de finances 2024, relatif aux pôles d’appui à la scolarité (PAS), qui risque de réduire l’accompagnement individuel pour les élèves handicapés, menaçant ainsi leur réussite.
Pour garantir une réelle égalité des chances, il est urgent de renforcer les ressources allouées aux EREA et de reconnaître l’engagement exceptionnel des enseignants. Ces établissements doivent devenir une priorité nationale, permettant à chaque élève en difficulté de bénéficier des meilleures chances de réussite scolaire et d’intégration sociale.
(1) BO spécial n°4 du 17/10/2024 : https://www.education.gouv.fr/bo/2024/Special4