S’il est évident que la direction d’école est un sujet de débats récurrents qu’il est plus que temps de voir aboutir, le chantier des discussions sur la direction d’école au ministère était cependant loin d’être arrivé à son terme.
Si ce projet de loi présenté par la députée Cécile Rilhac propose quelques avancées, de nombreuses interrogations demeurent, de même que de potentiels écueils que le SNALC n’a pas manqué de soulever lors de ses auditions avec le ministère et la députée, les mercredis 3 et 10 juin 2020.
Un emploi fonctionnel
En proposant un emploi fonctionnel, ce projet de loi vise à créer la fonction de direction et à reconnaître ainsi le “métier de directeur”. Les emplois fonctionnels dans la fonction publique, et plus précisément dans l’Education nationale, sont des contrats à durée limitée, soumis à des objectifs, renouvelables une fois et sous-tendant une mobilité à la fin de deux mandats. En ce qui concerne nos directeurs, ces derniers seraient nommés par le DASEN, nomination qui inquiète le SNALC et la profession au regard du nombre de postes profilés suffisamment important à l’heure actuelle. Un grand nombre d’interrogations légitimes, et à cette heure sans réponses, entoure cet emploi fonctionnel pour les directeurs d’école : qu’en sera-t-il des conditions de nomination, de la mobilité (choisie ou subie) ? Quelles seront les modalités du mouvement ? Les attentes et conditions d’accès seront-elles les mêmes pour toutes les écoles, quelle que soit leur taille ? …
Si cet emploi fonctionnel apporte avec lui des avancées intéressantes en termes d’accélération de carrière, il semble davantage pensé pour les grosses écoles que pour des structures avec peu de classes. De plus, cet emploi fonctionnel serait accompagné d’une feuille de route encadrant la fonction, celle-ci pouvant être personnalisée par le DASEN.
Tout en reconnaissant le métier de directeur, ce type d’emploi nous fait craindre une nomination à durée déterminée et un champ d’action extrêmement cadré et soumis à résultats. Le SNALC demande donc des clarifications et des précisions sur le fonctionnement concret et le périmètre de cet emploi fonctionnel, et pense en tout état de cause inopportun d’y recourir pour les plus petites écoles.
La délégation de l’autorité
L’article 1?? de la proposition de loi indique clairement que ce directeur serait « délégataire de l’autorité académique pour le bon fonctionnement de l’école dont il a la direction ». La notion d’autorité ne doit pas porter atteinte à la liberté pédagogique à laquelle le SNALC est très attaché. Il est dès lors, pour enlever toute ambiguïté ou dérive à venir, indispensable d’en définir les champs d’exercice. Le « bon fonctionnement de l’école » est une notion trop floue, qui risque d’entraîner des incompréhensions, voire des conflits entre IEN, directeur et conseil d’école, ou entre directeur et adjoints.
Des décharges conditionnées ou occultées
La proposition de loi se focalise sur les directions d’écoles à 8 classes et plus (mais en-dessous du seuil de la décharge totale) en accordant une décharge de classe pour effectuer des missions d’enseignement, d’accompagnement, de formation ou de coordination, en plus de la direction d’école. Les directeurs réclament de la décharge supplémentaire pour simplement parvenir à gérer convenablement leur école et sa dimension administrative. Pour le SNALC, proposer de la décharge conditionnée à des missions supplémentaires n’est pas une réponse acceptable.
La taille des écoles entraîne des besoins différents et cela doit apparaître clairement dans ce projet de loi. La gestion d’une école de 13 ou 20 classes n’a rien à voir avec la gestion d’une petite école rurale, par exemple.
Enfin, il n’est fait mention nulle part d’une quotité précise de décharge pour les petites écoles de 1 à 3 classes alors que celles-ci auraient bien besoin d’une quotité fixe par semaine afin d’être effectivement assurées. Le SNALC estime que cette proposition de loi pourrait s’intéresser aux décharges de l’ensemble des écoles et poser un cadre légal clair.
L’aide humaine
La nécessité d’une aide administrative tant réclamée et qui n’est plus à justifier n’obtient pas une réponse à sa juste valeur dans cette proposition. Le SNALC considère que mettre au même niveau une “aide de conciergerie” et une “aide administrative” est inacceptable. Et laisser l’éventualité d’une aide au bon vouloir des municipalités entraînera inévitablement des inégalités territoriales. La présence d’une aide administrative pérenne et formée est une revendication majeure répondant à un besoin impératif : elle doit figurer dans la proposition de loi. A ce propos, le SNALC n’a pas manqué de rappeler que des emplois de personnels administratifs statutaires existent dans l’Education nationale.
Les autres aspects de la loi
Le SNALC ne peut qu’approuver une revalorisation significative des indemnités de directeurs, proposée dans l’exposé des motifs, mais qui ne dépend pas de la loi elle-même (c’est le ministère qu’il faudra convaincre).
La création d’un référent direction d’école dans chaque DSDEN est également une avancée, qui généralise ce qui existe déjà dans certaines académies. Le SNALC demande que d’autres référents, à une échelle plus locale, comme les circonscriptions, soient impérativement envisagés pour couvrir l’ensemble des besoins.
Pour ce qui est de l’allégement, le SNALC apprécie la dispense des APC mais reste plus réservé concernant les aménagements proposés pour les PPMS et les élections de parents d’élèves, dans la mesure où le cadre et les responsabilités restent à définir.
La formation est également évoquée dans cette proposition mais tout dépendra des textes d’application (réponse aux besoins réels, domaines, quotité…).
En conclusion, à ce jour, l’allègement des tâches est tout sauf évident. Quand ce projet de loi retire les APC et accorde plus de décharge pour certains d’un côté, il ajoute davantage de missions pour les mêmes de l’autre.
Pour le SNALC, le sujet de la direction d’école nécessite une proposition de loi qui doit lever toute ambiguïté. L’objectif est de parvenir à définir une charge de travail en adéquation avec les missions et les conditions de travail des directeurs. La proposition de loi créant la fonction de directeur d’école sera examinée à l’Assemblée nationale le 22 juin 2020. Le SNALC sera attentif aux débats, et continue d’ici-là de proposer des améliorations.