Le ministère a présenté en juin dernier les nouveaux programmes d’EMC, lesquels entreront en application progressivement, dès cette rentrée pour ce qui concerne les secondes Bac pro et les premières CAP. A y regarder de près, ces nouveaux programmes ne le sont pas complètement : beaucoup de thèmes ou de notions étaient déjà présents dans les anciens programmes. Globalement, le SNALC ne trouve rien à redire aux thèmes abordés ( « Droits, libertés et responsabilité », « Cohésion et diversité dans une société démocratique », « La vie démocratique : débat, délibération et prise de décision ») et même à la finalité de leur enseignement, puisqu’il s’agit de promouvoir les valeurs de la République et la cohésion nationale.
Malheureusement, dans son souci de ne rien oublier, le ministère a non seulement choisi de compiler tous les précédents programmes, mais d’ y ajouter l’EMI (Education au média), l’EDD (Education au développement durable) et ses dernières lubies en date. Vouloir à tout prix intégrer à ces programmes le lien avec l’EVARS (Education à la vie affective, relationnelle et sexuelle) ainsi que les fameuses compétences psycho-sociales, finit en effet par composer un vaste fourre-tout, indigeste et peu profitable pour les élèves.
Quant à la méthode proposée, celle en particulier du « débat réglé », de « la discussion argumentée », du « dilemme moral », elle nécessite, pour être appliquée efficacement, non seulement du temps pour l’enseignant, mais des connaissances et de la technique pour les élèves. La tâche n’est pas mince, en particulier dans la voie professionnelle. Choisir, au nom d’une illusoire égalité de traitement, que le même programme doit s’appliquer aux élèves de la voie professionnelle comme à ceux de la voie générale et technologique, satisfait certainement l’idéologie de certains, mais ne tient aucun compte de la réalité du terrain et méconnaît complétement – ou fait abstraction, ce qui est pire – de ce qu’est un élève de CAP ou de Bac Pro. Tout cela, évidemment, avec des moyens horaires identiques ou à peine augmentés, fondus dans ceux de l’histoire-géographie.
Confrontés à ces programmes tentaculaires, les enseignants seront contraints, faute de moyens, d’opérer les choix que le ministère refuse de faire. Nul doute qu’ils sauront utiliser le peu de temps qui leur est imparti pour réaliser d’utiles projets « citoyens », mais l’ensemble restera lacunaire, incomplet et insatisfaisant.
C’est l’écueil principal de ces nouveaux programmes, d’être ambitieux comme jamais (afin de répondre aux multiples défis auxquels est confrontée notre société) mais sans véritables moyens à la hauteur de cette ambition.
Bref, si le SNALC reconnaît bien volontiers que les défis sociétaux sont nombreux, que ce soit par exemple en terme d’égalité femmes-hommes, de laïcité, de lutte contre le complotisme et la désinformation, si le SNALC sait que le chantier est immense, en particulier en lycée professionnel, pour faire comprendre les valeurs et principes de la République et œuvrer à la cohésion nationale, il estime qu’il faut peut-être faire de l’EMC une matière à part entière, dotée de moyens horaires et budgétaires. Si le plus important, et l’urgent, est de « faire des citoyens » et de transmettre « une culture de la démocratie », n’est-il pas préférable de se centrer sur ces seules questions ?
Faute de choix quant aux contenus et de moyens supplémentaires significatifs, ces nouveaux programmes appliqués à la voie professionnelle apparaissent au final comme le gadget qu’a toujours été l’EMC, et finalement pour le ministère comme un moyen de se donner bonne conscience et de faire croire qu’il agit.