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« Je vous préviens M. Bernard, si vous ne venez pas travailler samedi, ce n’est même pas la peine de revenir dimanche ! »

De la fiction à la réalité, il n’y a même plus un pas. Car celui-ci a été franchi désormais.

En 2015, Mme Belkacem, tout ministre qu’elle était, ne s’est pas rendu compte que pour l’année 2017-2018, le calendrier qu’elle a promulgué comportait une anomalie plutôt gênante pour la première semaine du mois de mai. En effet, au cours de cette seule semaine, le mardi 8 et le jeudi 10 mai sont fériés, l’un pour célébrer l’armistice de 1945, l’autre pour l’Ascension.

En conséquence, quelques recteurs avaient souhaité remédier à ce calendrier bancal : par exemple en retardant les quinze jours de congé de printemps de façon à inclure la fameuse semaine dans les vacances scolaires. Les recteurs d’Orléans, de Nantes et de Caen ont ainsi obtenu du ministre actuel l’autorisation de modifier ce calendrier en faisant commencer les vacances plus tard le 25 avril et de les finir le 14 mai. Mais, il leur a fallu réunir leur Conseil académique de l’éducation nationale (CAEN) pour le consulter. Les académies d’Aix-Marseille et de Nice se sont trouvées devant le même problème, mais il leur a été impossible de réunir leur CAEN car au même moment, le préfet censé convoquer le CAEN a été nommé dans une autre académie. Par conséquent, le calendrier notifié par Mme Belkacem a dû être maintenu.

Car le calendrier scolaire est établi pour trois années par un arrêté pris après consultation du Conseil supérieur de l’éducation ; seul un arrêté peut donc modifier cet arrêté. Or, le SNALC a été alerté dans plusieurs académies où, localement, des chefs d’établissement ou des inspecteurs ont pris des initiatives pour le moins surprenantes. Et dans tous les cas, dépassant largement le cadre de leurs prérogatives.

Ainsi, par exemple, dans l’académie de Strasbourg, un proviseur a trouvé normal de sonder ses personnels et le Conseil d’administration pour ouvrir l’établissement les lundi 7 mai, mardi 8 mai et mercredi 9 mai et maintenir les cours habituels prévus à l’emploi du temps des jours en question. Comprenons bien que même s’il réunissait la Commission permanente et le Conseil d’administration, même s’il en obtenait l’aval, il n’aurait pour autant pas le droit de modifier le calendrier, surtout avec cette idée plus que saugrenue de faire travailler le 8 mai ! jour sacré s’il en fut, y compris en Alsace, pour l’anniversaire de la capitulation de l’Allemagne.

Les jours fériés sont légalement définis par le code du travail, article L3133-1. Et le 8 mai en fait partie. Certes, la suppression de certains d’entre eux est régulièrement remise à l’ordre du jour, dans des buts bien souvent discutables : respecter le principe de laïcité, favoriser la croissance ou encore instaurer une journée de solidarité pour les personnes âgées après la canicule de l’été 2003, une journée entière de travail non rémunérée pour les seuls salariés (et retraités imposables).

Au-delà de ce cadre organisé, on voit surgir çà et là de multiples tentatives d’infractions aux législations diverses, pour des motifs divers. Il est vrai que le cadre règlementaire, celui qui protège les droits et conditions de travail des fonctionnaires, peut sembler à l’occasion bien contraignant pour notre Institution. N’a-t-on pas vu des formations à la réforme du collège se tenir pendant les vacances scolaires de la Toussaint, contre la modique somme de 50€ en dédommagement des journées de congés perdues ? Ailleurs, on planifie en soirée des réunions pour coïncider avec les horaires des parents d’élèves, des réunions qui en outre s’éternisent jusque tard dans la nuit.

Travailler les jours fériés, déborder des plages horaires, tenter de forcer le cadre règlementaire, faire prévaloir un règlement intérieur local sur les termes d’une loi – comme on l’a vu de la part d’une DRH-adjointe auprès de qui l’on dénonçait l’autorisation par un proviseur de voiles religieux au sein de son établissement… autant de coups portés aux divers dispositifs de protection des personnels. Ces coups s’accentuent et s’intensifieront encore, jusqu’à créer la brèche. Car ne nous faisons pas d’illusions, dans un monde libéral où le profit l’emporte sur l’humain, nos statuts sont sans cesse menacés. Faute d’avoir le droit, certains prennent le gauche. Et qui sait, sur un malentendu…

 
 
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extraite de la Quinzaine universitaire n°1412