Avez-vous remarqué l’utilisation de plus en plus marquée du jargon directement issu de l’entreprise ? Dans les différentes communications, les mots « performance », « efficacité », « innovation » ou encore « objectifs-cibles » sont omniprésents. Ils remplacent « progrès », « réussite », « visée pédagogique », désormais en voie d’extinction. Le « business plan » a détrôné le projet d’éducation. Les parents d’élèves et leur progéniture ne sont plus que des « usagers » du système scolaire, et nous sommes poussés à produire des formes dites « innovantes » d’éducation afin de proposer le meilleur « produit scolaire ». La rentabilité est venue se substituer à l’émancipation des consciences, à la formation des citoyens et à la connaissance. On met des chiffres partout. On évalue, on mesure, on contrôle, on met en place des indicateurs, donnant une légitimité à la fermeture de classes, à la surcharge d’autres et au foisonnement d’injonctions paradoxales.
La perversion des relations humaines à travers la concurrence nous rapproche chaque jour un peu plus du privé. Nous sommes en compétition les uns contre les autres pour nos salaires (collègues pactés/non pactés), pour nos enseignements (enseignements de spécialités dans les lycées), pour nos postes (postes à profil, bloc stagiaire à 18h, contractuels). Nous devons nous distinguer pour survivre, selon la maxime du « travailler plus pour perdre moins ».
Simultanément, collèges et lycées agissent comme des entreprises sur un marché concurrentiel. L’organisation de journées portes-ouvertes est devenue un immanquable pour se démarquer et se vendre au mieux auprès des parents en attirant les élèves avec des projets pédagogiques « novateurs ». Une autre course à l’échalotte est l’octroi de labels. Quelques établissements en sont les heureux bénéficiaires (« Euroscol », « Eco-école », « E3D »…), reléguant, aux yeux des citoyens lambda, les non labellisés au rang d’établissements de seconde zone. Autant de coups de canif portés à une école de moins en moins égalitaire.
Dans une société où l’image prime sur tout le reste, l’institution scolaire s’évertue à se muer en « marque ». Comme n’importe quelle entreprise, le ministère recourt à des slogans pour valoriser son enseigne. Nous nous souvenons de « l’école de la confiance » de l’ère Blanquer puis, après lui, des « écoles innovantes » ou encore de « l’école du futur » et de l’inénarrable « NEFLE ». Quel sera le prochain apophtegme créé par la nouvelle titulaire de la rue de Grenelle ?
Loin du jargon entrepreneurial, loin de la logique de mise en concurrence, loin des slogans publicitaires, le SNALC promeut un système reposant sur des valeurs et non sur des méthodes. Un système qui n’a pas besoin de com’ puisqu’il offre les mêmes chances d’émancipation partout. En résumé, un système qui applique concrètement l’égalité républicaine.