On annonçait son avènement depuis des années, elle est bien là, la divine IA (Intelligence Artificielle). Elle occupe désormais une place considérable dans notre quotidien de professeur du secondaire.
En effet, notre façon d’enseigner est remise en question, ne serait-ce que parce qu’une écrasante majorité d’élèves l’utilise déjà massivement. N’en déplaise à nos détracteurs, côtoyant la jeunesse au quotidien, nous sommes souvent très à la page des innovations.
L’évaluation n’est que la partie émergée de l’iceberg de l’IA qui percute le monde de l’éducation. Finis, les devoirs-maison notés, à moins de ruser, car quelques lignes de prompt suffisent désormais à générer un devoir … Adieu les heures de cours sacrifiées alors aux évaluations, au détriment des heures d’enseignement. Finis, les exposés, sauf à n’évaluer que la prestation orale : en moins de 5 minutes les élèves génèrent le contenu et le support de leur exposé. Ils n’ont plus besoin de réfléchir, plus besoin d’effectuer des recherches, plus besoin de savoir utiliser Word ou Power point. Sans parler de la triche ! Des sondages montrent qu’un quart des étudiants utilise l’IA pour réussir un examen. Les effets de l’onde de choc de l’IA sont innombrables.
Les professeurs du secondaire doivent donc repenser l’évaluation, la pédagogie et la formation à l’usage critique des outils numériques. Ce défi majeur pourrait être le point de départ d’une réflexion profonde sur notre modèle éducatif, d’autant que les avancées en neurosciences des dernières décennies nous avaient déjà donné pas mal de grain à moudre. Mais encore une fois les professeurs ne voient rien que le soleil qui poudroie et l’herbe qui verdoie.
Le Littré nous apprend que le verbe poudroyer signifie « remplir de poussière ». C’est exactement ce que fait encore une fois le Ministère de l’Education Nationale : il saupoudre les enseignants de micro-actions, comme les modules en auto-formations sur Magistère à faire sur leur temps libre, des formations auxquelles les enseignants du privé ont du mal à accéder car ils doivent être devant leur classe… Mais c’est de la poudre aux yeux tant que des moyens essentiels n’auront pas été réellement dégagés pour permettre aux enseignants de se former sérieusement.
Se former exige du temps. Du temps pour assister aux formations, mais aussi du temps de travail personnel pour assimiler les nouvelles connaissances et encore du temps pour les transposer dans nos pratiques éducatives qu’il nous faut repenser. Oserais-je ajouter du temps pour faire un bilan en équipe de nos expérimentations et évaluer un tant soit peu objectivement leurs résultats ?
Or, les enseignants n’ont plus de temps. Plus de temps parce qu’ils croulent sous l’accumulation des tâches administratives. Plus de temps parce qu’ils s’adaptent déjà à l’hétérogénéité croissante des classes. Plus de temps parce qu’ils cumulent les Pacte, ISOE, HSE, HSA pour pouvoir survivre.
Avec une rémunération stagnante depuis plus de vingt ans et largement en deçà des autres cadres A de la fonction publique, les enseignants ont prouvé sans relâche qu’ils pouvaient s’adapter aux nouveaux enjeux sociétaux, aux nouveaux publics. Qu’on leur donne enfin les moyens de se saisir de ces nouveaux enjeux pour repenser l’enseignement. Ce sont eux les professionnels de l’éducation, à la fois intellectuels spécialistes de leur discipline et artisans de la transmission d’un être humain à un autre être humain.





