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L’exigence des savoirs en EPS

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L’exigence des savoirs en EPS

Vers l’éducation du physique et la maîtrise de l’essentiel

Dossier du mois de la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1488 du 12 avril 2024.

Dossier rédigé par Laurent BONNIN, secrétaire national du SNALC chargé de l’EPS. Avec la participation d’Adil BEN AISSA, Fabrice CAHUE-MERCIER, Laurent ETOURNEAU, Hélène FACHE, France PISSOT, Estelle RODRIGUEZ, membres du secteur SNALC EPS.

Au menu dans ce dossier...

Contours et intérêts de la notion

L’exigence des savoirs » est une visée éducative à laquelle souscrit le SNALC. En EPS, elle enjoint de définir en matière de savoirs, de savoir-faire, et de savoir-être, ce qui est absolument nécessaire, indispensable, réaliste de faire acquérir aux élèves, et d’en permettre une acquisition certaine et durable pour leur vie future. Tout le contraire du superflu, du tous azimuts des programmes actuels et de leur inadéquation aux conditions réelles d’enseignement ainsi qu’aux besoins et capacités des élèves. 

Pour le SNALC, si l’exigence des savoirs en EPS vise la maîtrise durable de savoirs essentiels, elle passe nécessairement par la réhabilitation d’une éducation du physique et la remise sur pied d’une discipline qui marche sur la tête. Cette éducation du physique qui a été progressivement abandonnée depuis 40 ans est non seulement possible, mais indispensable. Ce dossier en dresse les contours et propose un outil dont pourront s’emparer les enseignants soucieux de l’éducation des corps et du sens premier de leur discipline, sans négliger ses apports culturels. 

L’éducabilité du physique en EPS

L’abandon du physique en EPS

Détachée du Ministère des sports puis intégrée au Ministère de l’Education nationale en 1981, l’EPS s’est éloignée d’une logique sportive et rapprochée d’une logique scolaire. L’introduction des connaissances en EPS en 1983, dans les épreuves du bac, a ouvert une boîte de Pandore. Par la suite, la Loi d’orientation pour l’éducation de 1989 a imposé à toutes les disciplines une mise en synergie et la poursuite de visées éducatives communes et transversales.

Depuis, toutes les matières suivent ce principe retranscrit en 2000 à l’article L121-1 du code de l’éducation :« Les écoles, les collèges, les lycées ( ) sont chargés de transmettre et de faire acquérir connaissances et méthodes de travail ( ). L’éducation artistique et culturelle ainsi que l’EPS concourent directement à la formation de tous les élèves ».

Ainsi, dans les programmes du collège, 80% des objectifs définis pour l’acquisition des compétences générales sont de nature verbo-conceptuelle aboutissant à une «éducation physique inversée» et à la « cognomorphose du champ de l’EPS » selon J. Gleyse (1), autrement résumé par J. André  qui affirmait « en se scolarisant l’EPS se corticalise »(2).

Dorénavant, il ne s’agit plus de simplement s’intéresser au corps, à l’éducation DU physique, mais au cortex et à son éducation PAR le physique. La théorie de l’information et le cognitivisme ont alors envahi la didactique et centré la pédagogie sur les processus décisionnels et conceptuels, les mises en projet. L’objet a été de faire apprendre des principes opérationnels, de gestion, de méthode. On ne reproduira pas une liste à la Prévert des textes mais citons quelques exemples pour illustrer l’ampleur de ce renversement :

Il s’agit aujourd’hui en EPS de «verbaliser les émotions et sensations ressenties», d’«utiliser un vocabulaire adapté pour décrire la motricité d’autrui et la sienne», d’«utiliser des outils numériques pour analyser et évaluer ses actions et celles des autres», de «connaître et utiliser des indicateurs objectifs pour caractériser l’effort physique», de «prendre et assumer des responsabilités au sein d’un collectif pour réaliser un projet ou remplir un contrat », etc.

L’amplification de la cognition, de l’intellectualisation, de la place prise par les «compétences méthodologiques et sociales»,  du «savoir s’entraîner» et des «rôles sociaux» devient problématique. L’EPS ne se résume pas à de l’ergonomie et à de la psychologie du travail qui visent l’adaptabilité fonctionnelle des individus aux situations de travail et de vie sociale pour optimiser leur productivité.

Si l’intellectualisation de la discipline a contribué à sa conformité scolaire, ce mimétisme primaire l’a détournée des besoins élémentaires des élèves et de la société, de sa grande spécificité, de son objet essentiel : le corps.

L’éducation DU physique est ainsi, institutionnellement, tombée en désuétude dans les cours d’EPS.

Pendant ce temps, en 40 ans, la jeunesse a perdu le quart de ses capacités cardio-pulmonaires. On constate les effets délétères de la sédentarité sur les élèves qui prennent du poids et perdent force, tonicité, endurance… Un PISA de l’EPS serait sans aucun doute très éclairant.

Quand on sait qu’aujourd’hui un jeune sur deux n’a que les 2h hebdomadaires d’EPS comme seule source d’activité physique, il serait temps de repenser les objectifs de la discipline et particulièrement l’éducation du physique des élèves.


(1) J. GLEYSE : Archéologie de la « cognomorphose » d’un champ, AFRAPS, 1993.
(2) J. ANDRÉ : Différenciation ou conformisation différenciée – Dossier EPS n°7, 1990.

L’éducation du physique est possible

Des spécialistes comme M. Gerbeaux, S. Berthoin (3), M. Pradet, ont démontré que le développement du potentiel physique est possible en EPS, mais que des  croyances négatives ont engendré un sentiment «d’impuissance acquise»(5) au sein de la profession et contribué à l’érosion de cet objectif.

Pour S. Morth « les élèves, de la sixième à la terminale, sont dans une période dite critique… il est absolument nécessaire d’intervenir afin qu’ils puissent bénéficier du potentiel qu’ils sont en droit d’attendre. Les qualités de puissance (force et vitesse) peuvent aisément être développées par les courses courtes et les concours et les qualités d’endurance (puissance et capacité) par les courses de demi-fond ou de durée» (4).

Pradet confirme qu’en EPS « nos possibilités d’action sur le développement de la performance motrice nous semblent bien réelles». Il faudrait «accorder une place plus importante ou tout du moins plus permanente à la recherche du développement des «qualités physiques» de l’enfant et à l’établissement d’un plus haut niveau de sa condition physique» (5).

S’inscrivant depuis toujours dans cette optique, le SNALC propose un outil centré sur la maîtrise de l’essentiel en vue de l’éducation du physique des élèves. Cette démarche est particulièrement appropriée au collège, ici traité.


(3) M. GERBEAUX, S. BERTHOIN : Un exemple de pédagogie différenciée : la course longue en milieu scolaire – Enseigner l’EPS, 1993.
(4) S. MORTH : Les activités athlétiques en éducation physique, FFA, 2012.
(5) M. PRADET : Développement et évaluation des ressources motrices de l’élève à l’école. Un enjeu fondamental pour la justification de l’utilité sociale de l’EPS, et sa spécificité dans le cadre des disciplines scolaires, AEEPS, 2015.

L’éducation DU physique en EPS

Cibler l'essentiel

L’exigence des savoirs nécessite de définir et de sélectionner ce qui doit constituer cette éducation du physique. Nous avons retenu deux champs de développement. Celui des capacités organiques et celui des savoir-agir.

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Les capacités organiques

Elles concernent le corps dans ses dimensions mécaniques, énergétiques et perceptives. Il peut être très intéressant de les considérer dans une programmation d’APSA, de la 6e à la 3e, au service d’une éducation du physique qui devrait s’attacher à toutes les mobiliser. 

  • Mécaniquement, le corps est constitué de membres, de muscles, d’articulations et ces composants biologiques doivent être sollicités dans le développement physique, tout comme les différents régimes de contractions (concentrique, excentrique) et de travail musculaire (pliométrie). Programmer du kayak et du lancer, c’est forcément privilégier davantage le tronc et les membres supérieurs que le train inférieur. Ce n’est pas à négliger. 

  • Énergétiquement, il est courant de distinguer les trois filières métaboliques (anaérobie alactique, anaérobie lactique et aérobie) sources d’énergie et potentiels d’efforts physiques différents (très brefs et très intenses, courts et intenses, moyens à longs et modérés). Là encore, programmer du football et de la course de durée cible surtout la voie aérobie et peut correspondre à une recherche transversale de développement de la VO2. 

  • Perceptivement, il est important de favoriser l’éducation de l’oreille interne essentielle à la maîtrise de l’équilibre et de l’espace arrière sans contrôle visuel. Il en est de même pour l’utilisation de la rétine périphérique et des apprentissages kinesthésiques, proprioceptifs, statiques, dynamiques, pour prévenir les blessures, renforcer les ceintures, améliorer l’équilibre et le contrôle général du corps; capacités très utiles à la vie future 

Les savoir-agir

Ce sont les savoirs moteurs fondamentaux, des savoir-faire corporels. Ils se déclinent en savoir-sauter (haut et loin), savoir-nager (en surface, en profondeur, sur le ventre, le dos, rapidement, longtemps), savoir conduire, savoir s’opposer, etc. La liste ici proposée dans le tableau est indicative et peut être complétée ou simplifiée. Ces savoirs moteurs s’acquièrent par la pratique des nombreuses activités physiques, sportives et artistiques. Ces pratiques combinées durant la scolarité doivent permettre de construire un répertoire moteur qui permettra aux élèves de réutiliser ces savoir-agir dans des activités physiques ultérieures, qu’elles soient sportives, utilitaires ou professionnelles.

Viser la maîtrise

L’exigence des savoirs invite à construire des savoir-agir essentiels durables, stabilisés, incorporés. Cet outil permet de cibler et de construire de la 6e à la 3e ces pouvoirs moteurs et de rendre possible leur stabilisation. Plus un même savoir sera mobilisé, répété au cours de la scolarité, plus il sera perfectionné et acquis. Par ailleurs, comme un même savoir peut être sollicité par différentes APSA, le recours à des APSA diversifiées durant les 4 années du collège permettra des répétitions variées et une stabilisation plus souple et adaptative de ces savoirs. 

Ainsi d’un point de vue synchronique, à l’intérieur d’un même niveau de scolarité, il est possible de rechercher un développement équilibré ou, au contraire, de cibler un renforcement de capacités ou de savoir-agir particuliers.

D’un point de vue diachronique, sur les 4 niveaux de scolarité, il est possible de rechercher à travers une transversalité bien agencée, le renforcement de certains savoirs moteurs ou de capacités particulières, comme la puissance musculaire ou le potentiel aérobie par exemple. 

Enfin, il est bien évident, en l’état actuel des volumes horaires disciplinaires, que cette démarche plaide, à défaut de leur augmentation, pour des temps de pratique effectifs significatifs et une réduction maximale des moments d’inactivité physique et d’immobilité en EPS. 

L’éducation PAR le physique en EPS

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Les savoir-faire et savoir-être

Le SNALC ne renie pas la nécessité et les bénéfices d’une éducation « par » le physique. Au niveau affectif, la fonction émancipatrice et socialisante de l’EPS est importante. Au niveau cognitif, la connaissance de principes, de règles sont indispensables aux apprentissages, à la pratique physique et sportive actuelle et ultérieure, à l’appréciation des spectacles sportifs.

Le SNALC retient une dizaine de savoir-être (attitudes et comportements recherchés) ainsi qu’une dizaine de savoir-faire (méthodes et connaissances nécessaires). Ils sont essentiels à la vie en classe, en collectivité, à la pratique physique et sportive, au vivre-ensemble, aux apprentissages individuels et en groupe, à la réalisation d’objectifs, à la conduite de projets. Ces savoir-être et savoir-faire sont à développer selon chaque APSA, à chaque niveau de classe et sur toute la scolarité. Ils doivent occuper une juste place en EPS et générer le moins de temps d’immobilité possible compte tenu des temps réels de pratique, très limités et contraints. 

ÉDUCATION PAR LE PHYSIQUE

La formation culturelle

L’EPS ici envisagée vise une formation culturelle essentielle. Comme J.Ulmann, philosophe et historien de l’EPS, nous sommes convaincus que « l’éducation est l’action d’une culture sur une nature.» (1) La conception proposée allie donc à la fois une approche développementale et culturelle. C’est par la voie des APSA et par la combinaison de leur apports spécifiques qu’une éducation du physique est ainsi rendue possible. 

Le SNALC est opposé à la classification absurde par champs d’apprentissage. Il propose une répartition plus pragmatique, cohérente et culturelle des APSA en 9 groupes d’activités de type : athlétique (courses, sauts, lancers), aquatique (natation), de pleine nature (C0, escalade, voile, surf, ski), gymnique (gymnastique, acrosport), artistique (danse, cirque), de raquettes (TT, Bad), de combat (judo, lutte, boxe), sportive collective (HB, BB, VB, FB, ultimate, rugby, base ball, jeux traditionnels) et d’entretien (PPG, musculation, parcours, step, relaxation, yoga). 

Dans la mesure où les conditions d’enseignement le permettent, il serait profitable aux élèves qu’au moins une activité de chaque groupe soit abordée au cours des 4 années du collège 


(1) J. Ulmann, « Sur quelques problèmes concernant l’éducation physique », Revue EPS, 1966, n° 80, p. 7-11

Utilité de la conception et utilisation de l’outil

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Cette conception et cet outil, s’ils représentent une alternative et semblent se distancier des programmes actuels de l’EPS, ne sont en rien un obstacle à la bonne application de ces derniers. 

Au contraire, ils s’ancrent totalement dans les finalités de la discipline qui vise à « former un citoyen lucide, autonome, physiquement et socialement éduqué, dans le souci du vivre ensemble » et « l’accès à un riche champ de pratiques, à forte implication culturelle et sociale » (Programmes collège 2015). lls peuvent donc être parfaitement complémentaires. 

Par ailleurs, ils sont centrés sur le coeur du métier. Pour le SNALC, les enseignants d’EPS ne sont ni des éducateurs sportifs, ni des professeurs de sport, mais bien des experts de la motricité au service d’une éducation globale des élèves. 

Il est possible que certaines programmations, par le choix des APSA et leur organisation, permettent d’emblée une bonne acquisition des savoirs moteurs essentiels et un réel développement des capacités corporelles. Mais ce n’est ni certain, ni systématique. 

Par l’utilisation de cet outil, cela devient réalisable. Les capacités et les savoirs moteurs ne seront plus mobilisés de façon aveugle, aléatoire ou partielle. Ils peuvent être objectivés puis volontairement recherchés et planifiés. L’outil que nous proposons a pour première finalité de susciter une réflexion sur cet aspect essentiel et non optionnel d’une éducation du physique qui, pour le SNALC, devrait redevenir une priorité disciplinaire. Il peut aussi servir de filtre, d’analyseur pour évaluer les effets des programmations d’EPS sur l’éducation du physique des élèves. 

Enfin, si cette perspective de formation est un enjeu pour les équipes, cet outil pourra alors s’avérer très utile. 

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