Edito de la revue Quinzaine universitaire n°1456 du 10 septembre 2021
C’est pourtant un beau concept, l’autonomie. Être capable de se gouverner d’après ses propres lois, ou bien encore accéder à une forme d’indépendance dans sa vie, voilà qui ne saurait être que positif. L’autonomie financière, notamment, est essentielle. Le ministère a dû oublier cela quand il a réformé la place du concours, créant en master des contractuels sous-payés. Ou bien encore quand il s’est agi de fixer le niveau de rémunération du métier d’AESH.
Mais l’autonomie dans l’Éducation nationale est aujourd’hui bien loin de cette noble idée. De même que chez Orwell, la guerre, c’est la paix, l’autonomie est devenue l’asservissement. Elle est synonyme de hiérarchie intermédiaire, de réunions, d’un projet d’établissement qui vient vous contraindre. Avec votre liberté (pédagogique, notamment), vous pouviez choisir vos méthodes d’enseignement et d’évaluation. Avec l’autonomie, vous vous voyez imposer tel livret de compétences, telle classe sans notes, telle progression annuelle.
Deux exemples récents nous rappellent plus que jamais cette perversion de l’autonomie. D’abord la réforme du baccalauréat. Formidable, chaque établissement devient autonome pour fixer le projet d’évaluation régissant le contrôle continu. Le SNALC vous en présente toutes les dérives possibles et probables dans son dossier du mois. Avec un cadre national qui vole en éclat : alors que votre hiérarchie fera tout pour harmoniser les évaluations entre collègues d’un même lycée, peu importe si le projet d’évaluation du lycée A est aux antipodes de celui du lycée B. Il y avait pourtant un moyen simple d’harmoniser réellement : des épreuves terminales, nationales et anonymes.
L’autre exemple nous vient du président de la République lui-même : l’autonomie des directeurs d’école pour recruter leur équipe dans les zones difficiles de Marseille. Car c’est bien connu, l’autonomie, c’est avant tout pour les pauvres. Dès qu’il y a une expérimentation à base de « défis », de « synergies », d’ « agilité » et de « projet », c’est dans les quartiers difficiles. Avec des résultats systématiquement déplorables — on se souvient encore des établissements ECLAIR et de leurs postes à profil qui ne parvenaient même pas à être pourvus — mais on ne change visiblement pas une équipe qui perd.
Le SNALC sait toujours ce qui se cache derrière les mots. Derrière « autonomie », on trouve « pénurie » et « conflit ». Songez aux fameuses marges d’autonomie des réformes du collège et du lycée. Rien de tel pour nous monter les uns contre les autres, quand la marge est insuffisante pour donner à chaque discipline des conditions d’enseignement valables, et conduit à la disparition de certaines. On croyait que Najat Vallaud-Belkacem était allée au bout de la logique au collège, tentant par exemple de dissoudre les langues anciennes dans l’autonomie… mais Jean-Michel Blanquer fait plus fort car, en prétendant défendre les humanités, il est parvenu à faire baisser le nombre de latinistes de 17% et d’hellénistes de près de 30% au lycée.
Face à des décideurs pour qui autonomie rime avec économies, soutenus par des organisations toujours surprises après coup de constater que leurs idées pédagogiques s’accompagnent systématiquement d’une dégradation des conditions de travail quand elles sont institutionnalisées, le SNALC vous propose des moyens d’agir et de résister. Si nous nous laissons diviser (contractuels contre titulaires, certifiés contre agrégés, premier degré contre second degré…), nous courons à notre perte. Le SNALC connaît les textes, intervient à tous les niveaux du système et défendra toujours la liberté de chaque personnel. On aurait bien appelé ça « l’école de la confiance », si quelqu’un ne s’était pas déjà emparé de la formule pour la transformer, une fois encore, en son exact opposé.