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SUD RADIO – Le baccalauréat 2021 a-t-il toujours autant de valeur qu’avant ?

« Il y a toujours un intérêt économique dans l’Éducation nationale. On était passé à des sortes d’épreuves bâtardes, les E3C, qui permettaient de payer moins cher les professeurs qui faisaient passer le bac, et maintenant on passe en contrôle continu, ce qui permet de ne plus les payer du tout. » (Jean-Rémi Girard)

Jean-Rémi Girard, président du SNALC, syndicat de l’école au supérieur, répond aux questions de Sud Radio à propos des résultats et de la réforme du baccalauréat 2021.
Cliquez sur l’image pour accéder à l’enregistrement :

À retrouver sur le site de SUD RADIO. Interview du 6 juillet 2021

Citation:
Sud Radio : Bonjour Jean-Rémi GIRARD. Vous êtes président du SNALC, syndicat des enseignants, et également professeur de lettres au lycée d’Asnières. Est-ce que cette cuvée Bac 2021 sera moins bonne que celle de 2020 ou meilleure ?

Jean-Rémi GIRARD : Il y a des chances qu’elle soit un peu moins bonne que celle de 2020 [NDLR : en 2020, 97% de réussite] et meilleure qu’en temps ordinaire où l’on est à 88 % de réussite. La cuvée 2020 était une année exceptionnelle dans tous les sens du terme avec un bac entièrement en contrôle continu pendant une période de pandémie.

Sud Radio : Est-ce que tout le monde a ses résultats normalement ? J’ai pu voir ici et là quelques couacs pour obtenir les résultats et visiblement il y a eu des couacs toute cette année…

JRG : On ne pouvait pas finir l’année sans avoir un petit problème informatique supplémentaire par rapport à tout ce qu’on a déjà eus. Les résultats finissent par arriver, lentement mais sûrement

Sud Radio : Avant la réforme, l’ancien bac marchait bien, on avait les résultats quand c’était prévu. Est-ce que la réforme Blanquer et les réformes qui se sont enchaînées ont répondu aux attentes ?

JRG : Je ne crois pas, et je n’espère pas, que ce soit Jean-Michel Blanquer qui a programmé le logiciel mais, au-delà de ça, non la réforme du bac Blanquer ne répond pas à l’affichage qui en a été fait.

Sud Radio : On rappelle qu’il a réformé le bac pour lui donner plus de force et de poids.

JRG : Oui et il en a moins à l’arrivée. C’est le côté George Orwell. Et d’ailleurs il réforme certaines réformes puisque l’an prochain le bac réformé ne sera pas le même que c’est déjà terminé. Le premier objectif affiché était la reconquête du mois de juin et on a pu vérifier que ça n’avait pas eu lieu pour une raison simple : Jean-Michel Blanquer a créé un grand oral qui prend deux semaines à faire passer avec énormément de correcteurs et de salles mobilisés. Donc le mois de juin n’a pas été plus ni mieux reconquis que l’année précédente. En revanche à partir de l’année prochaine, on va pouvoir tester le même mois de juin avec en plus un mois de mars complètement chamboulé par les épreuves de spécialité. En somme on ne reconquiert pas le mois de juin et on va perdre sans doute une partie du mois de mars.

Sud Radio : Très encourageant… Et les élèves dans tout ça, que deviennent-ils ?

JRG : Vous avez raison, l’essentiel, c’est la réussite des élèves. Car ils vont devoir faire leurs preuves dans l’enseignement supérieur. Aujourd’hui, même hors covid, le bac n’est plus un point d’arrivée pour les élèves. C’est encore le cas de certains bac pro, mais maintenant on poursuit les études après le bac

Sud Radio : Quelle est la logique derrière tout ça ? C’est un point de passage ? La sélection se fera dans l’enseignement supérieur et on retarde le plus possible l’arrivée des jeunes sur le marché de l’emploi ?

JRG : Ce n’est probablement pas retarder leur arrivée sur le marché de l’emploi. Mais il y a un phénomène, qui n’est pas seulement français, c’est l’augmentation des durées d’étude [SR : minimum de 5 ans au-delà]. Le bas demeure un point important du système, un symbole. Le bac fixe les méthodes et connaissances que les élèves doivent maîtriser à la fin du lycée. C’est aussi parce qu’il y a le bac que l’on travaille la même chose partout dans tous les lycées. Le fait de passer à partir de l’an prochain à 40 % de bac en contrôle continu fait qu’on va perdre de plus en plus le bac comme un repère du système éducatif, quand bien même on sait que les notes sont trafiquées depuis des années pour augmenter les taux de réussite.

Sud Radio : Mais alors quel était l’intérêt de réformer le bac pour l’amoindrir ? Est-ce une logique économique ?

JRG : Il y a toujours un intérêt économique dans l’Éducation nationale. Il faut le chercher et c’est assez facile de le trouver ici. D’une part, le bac est compliqué à organiser, il faut payer les correcteurs ; on était passé à des sortes d’épreuves bâtardes, les E3C avec des évaluations communes qui permettaient de payer moins cher les professeurs qui faisaient passer le bac, et maintenant on passe en contrôle continu, ce qui permet de ne plus les payer du tout. Et ainsi, les enseignants seront en même temps en train d’enseigner, d’évaluer, et de faire passer le bac, sans supplément.

Sud Radio : On le dit : le bac ne vaut plus rien… Mais rien ne vaut le bac, quand même…

JRG : Oui, c’est vrai. On voit d’ailleurs les élèves inquiets quand ils n’arrivent pas à avoir les résultats. Ça a une importance. Le bac fait le lien entre les générations. Ça veut dire quelque chose. Le problème n’est pas le bac, c’est ce qui se passe avant le bac dans le système éducatif et qu’il faut réformer : c’est l’école primaire, le collège. C’est là où il faut améliorer les conditions de travail, les programmes…

Sud Radio : Et tout cela avec un coronavirus qui a probablement bouleversé le monde de l’éducation. Merci beaucoup Jean-Rémi Girard