Cet article est paru dans le dossier du mois “La protection des personnels” de la Quinzaine universitaire n°1453 du 17 mai 2021
L’administration a l’obligation de protéger ses agents, titulaires ou non, attaqués dans l’exercice de leurs fonctions, même si leur comportement n’a pas été entièrement satisfaisant.
Cette protection intervient essentiellement dans deux cas :
- en cas de mise en cause et de poursuites pénales pour une faute de service – donc commise dans l’exercice de ses fonctions pendant le service en dehors de tout intérêt personnel – ou des faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle. L’administration apprécie elle-même le caractère de la faute, personnelle ou de service, indépendamment de la qualification pénale par l’instruction.
- en cas d’attaques telles que menaces physiques, verbales ou écrites, violences, injures, diffamations ou outrages, etc. qui sont réelles (dont la matérialité est établie), dirigées contre la personne ou les biens de l’agent, dans l’intention de lui nuire en raison de ses fonctions. C’est la situation que nous allons examiner en suivant.
Une faute de service correspond à une faute commise par un agent public dans l’exercice de ses fonctions, c’est-à-dire :
– pendant le service ;
– avec les moyens du service ;
– qui présente un caractère impersonnel
Une faute personnelle non détachable de l’exercice des fonctions est une faute commise en dehors du service mais usant notamment des moyens du service. Lorsqu’elle revêt les caractéristiques décrites ci-dessous, cette faute devient détachable du service.
Une faute personnelle détachable de l’exercice des fonctions est soit :
- une faute commise en dehors du service et dépourvue de tout lien avec le service ;
- une faute commise pendant le service mais qui :
- relève de préoccupations d’ordre privé, comme une volonté d’enrichissement personnel, une animosité particulière à l’encontre d’un administré ou la poursuite d’un intérêt personnel ;
- résulte d’un comportement incompatible avec les obligations qui s’imposent aux agents publics. C’est le cas des excès de comportement, tels que des violences physiques ou verbales ou encore un état d’ébriété au volant ;
- revêt une particulière gravité eu égard à sa nature et aux conditions dans lesquelles elle a été commise. Par exemple, un crime commis sur le lieu de travail ou avec les moyens du service est toujours un acte détachable du service. De même, les manquements de l’agent public au regard des obligations déontologiques de sa profession sont qualifiés de faute personnelle
Source : DGAFP (2024), La protection fonctionnelle des agents publics.
La demande – L’agent victime d’une attaque formule sa demande de protection auprès de son administration et sous couvert de sa hiérarchie dans un courrier où il précise les faits et, si possible, avant d’intenter une action contre l’auteur des attaques ou dès qu’il a connaissance d’une action contre lui. Cela évite d’avancer les frais d’avocat et le montant des condamnations civiles. La protection fonctionnelle doit être demandée à chaque étape de la procédure (première instance, appel, cassation).
Octroi ou refus de la protection – L’administration devra dans toute la mesure du possible apporter dans les meilleurs délais une réponse écrite en indiquant les modalités de son octroi, les moyens matériels et l’assistance juridique pour assurer la défense de l’agent. Le silence gardé pendant plus de deux mois par l’administration vaut rejet de la demande. Le refus doit être explicite, motivé et comporter la mention des voies et délais de recours.
Les frais et honoraires d’avocat – L’agent est libre du choix de son avocat mais doit s’informer auprès de l’administration des conditions de la prise en charge des frais d’avocat, pour tout ou partie. Une convention d’honoraires entre l’avocat et l’administration évitera les dépassements d’honoraires et permettra de vérifier la bonne exécution des prestations.
La prise en charge des frais de justice – S’il n’a pas bénéficié de l’avance de frais, l’agent victime bénéficie du remboursement par son administration des frais couvrant les montants des honoraires de son avocat, des consignations éventuellement réclamées, des frais d’expertise et d’huissier engagés pour l’exécution de la décision rendue à son profit, des frais de déplacements, ainsi que ceux de son avocat, nécessités par la procédure judiciaire.
Les autorisations d’absence – L’administration accorde les autorisations d’absence nécessaires pour la procédure (convocations, entretiens avec les avocats, audiences, réunions de travail organisées par l’administration…).
Les actions de prévention et de soutien – L’administration doit d’abord faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire est exposé, puis soutenir l’agent et éviter toute aggravation du préjudice. Elle assure sa sécurité (changement de numéro de téléphone ou de mail, de service, surveillance du domicile…), son soutien moral (communiqué, écoute…) et sa prise en charge médico-sociale immédiate.
L’indemnisation du préjudice par l’administration – La protection accordée ouvre droit au paiement par l’administration des sommes couvrant d’une part la réparation du préjudice, indépendamment de l’action de l’agent contre l’auteur, et d’autre part l’indemnisation que l’auteur n’aurait pas versée à l’agent – par insolvabilité ou refus. L’agent en fait la demande par courrier détaillant la réalité du préjudice matériel, moral, corporel (arrêts de travail, frais médicaux, pension d’invalidité…), que l’administration évalue sous le contrôle du juge administratif.
Extension de la protection à certains ayants droit – Deux cas d’extension de la protection sont prévus pour les conjoints, enfants et ascendants directs qui, du fait des fonctions de l’agent, ont été victimes de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages ; ou lorsque l’agent est décédé dans l’exercice de ses fonctions.
Références
La protection fonctionnelle des agents publics (Ministère de la transformation et de la fonction publiques – DGAFP 2024)
Éléments communiqués le 7 novembre 2023 par le cabinet du ministre Gabriel Attal dans le cadre des réunions sur la sécurisation des établissements.