Edito de la revue Quinzaine universitaire n°1476 du 14 avril 2023
La crise de notre École n’est pas une fatalité, mais il devient de plus en plus urgent de mettre des grains de sable dans la machine avant qu’elle ne broie l’intégralité de notre système éducatif.
Il est toujours fascinant, mais aussi effrayant, de constater que des gens intelligents demandent à d’autres gens intelligents de mettre en œuvre une politique de destruction programmée de l’Éducation nationale. Et que, malgré les signes évidents de la catastrophe en train de se produire sous nos yeux, ces mêmes gens intelligents continuent comme si de rien n’était.
La crise des recrutements ? Un coup de pacte dans les médias, et hop, tout ira bien, sachez-le. Des postes en moins à la rentrée ? Mais c’est la démographie qui nous y oblige, enfin ! La suppression de la technologie en sixième ? C’est pour le bien des élèves, assurément. Les épreuves de spécialité en mars et l’absentéisme et le désinvestissement qui s’ensuivent ? C’est formidable pour le dossier de l’élève ! La gestion des AESH dans leur PIAL ? Puisqu’on vous dit qu’avec du pilotage ça marche, pourquoi ne le croiriez-vous pas ?
Ce qui manque clairement à tous ces gens, sur ces sujets comme sur de nombreux autres, c’est d’admettre que ce qui se passe sur le terrain ne correspond pas à leurs belles et grandes idées abstraites. Et aussi de reconnaître qu’ils ont pu se tromper au lieu de persévérer dans l’erreur. Et également d’arrêter de nous prendre pour des idiots en faisant passer des mesures budgétaires pour des mesures pédagogiques. En fait, il leur manque beaucoup de choses, à bien y réfléchir.
C’est pourquoi il est essentiel que le SNALC existe et qu’il se développe. Car le SNALC, c’est un syndicat officiellement représentatif, et qui est capable d’analyser, de séparer le vrai du faux, d’informer de façon claire et complète les collègues face au déferlement de blabla institutionnel. Car face à celles et ceux qui nous mentent, notre système a besoin d’une organisation indépendante, libre de ton comme de parole, capable de porter votre voix au ministère, au rectorat, à la DSDEN, dans tous les grands médias, mais aussi et surtout dans nos écoles, dans nos établissements, dans nos administrations.
Alors disons-le simplement : le pacte, c’est de l’enfumage. Les épreuves de spécialité en mars, ça ne fonctionne pas. La réforme du collège en train de s’organiser est une honte (et la précédente n’était pas mieux, avec ses cycles et son socle et ses petites croix et sa haine des options et de certaines langues vivantes). Il faut arrêter de réformer la voie professionnelle toutes les deux semaines, et non, nos élèves ne produisent pas des « chefs-d’œuvre ». Oui, on nous a menti sur l’« école inclusive » à grands coups de bienveillance et de culpabilisation. C’est une bonne chose pour les directeurs d’école que d’obtenir un avancement accéléré, mais il n’y a pas besoin de les transformer en chefaillons et de leur coller de nouvelles tâches supplémentaires pour le faire.
Le SNALC ne croit pas à la fatalité. Il en veut pour preuve que, chaque année, vous êtes de plus en plus nombreux à nous rejoindre. Nous sommes un grain de sable de plus en plus gros dans la machine et, avec votre aide, nous parviendrons non seulement à la bloquer, mais surtout à en prendre les commandes et à la réassembler de façon intelligente, bénéfique pour nos élèves, et respectueuse des conditions de travail et de la grande qualité de ses personnels.