Dossier du mois de la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1476 du 14 avril 2023.
Dossier rédigé par Laurent BONNIN, responsable du secteur juridique du SNALC. Avec les contributions d’ Élise BOZEC-BARET, Frédéric CHEULA, Frédéric ELEUCHE, Jean-Jacques LEONARDON, Valérie LEJEUNE-LAMBERT, Xavier PERINET-MARQUET, Corinne SEMAMI, membres du secteur juridique du SNALC.
Au menu dans ce dossier...
L’approche juridique ajoute à l’analyse classique des textes réglementaires les apports moins connus, plus confidentiels, de la jurisprudence.
La jurisprudence est comprise comme les décisions de justice qui statuent sur la bonne application des lois et des règlements dans une matière. Elle constitue aussi une source de droit essentielle.
Par cette approche particulière et facilement accessible, ce dossier se propose d’apporter un éclairage plus précis, parfois renouvelé et on l’espère utile, sur des sujets propres aux droits des agents publics.
MESURES D’ORDRE INTÉRIEUR : DES POSSIBILITÉS DE RECOURS TRÈS LIMITÉES
Face à la brutalité croissante du management, de plus en plus de collègues, mus par un sentiment d’injustice bien légitime, sont tentés d’en appeler au juge administratif. Si l’issue d’un procès est toujours incertaine, un recours contentieux contre des mesures d’ordre intérieur est malheureusement voué à l’échec.
Aussi, il semble important d’expliciter cette notion jurisprudentielle dégagée par 3 décisions du Conseil d’État (CE n° 37264, 2015 ; CE n° 401812, 2018 ; CE n° 451970, 2023) et d’en préciser concrètement les applications, au travers de décisions récentes.
« Les mesures prises à l’égard d’agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d’ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu’ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu’ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l’exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n’emportent de perte de responsabilités ou de rémunération.
Le recours contre de telles mesures, à moins qu’elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable. »
Par exemple, la réaffectation d’une directrice d’école, en cours d’année, sur un poste de PE dans une autre école, au motif de tensions au sein de l’équipe enseignante nées de son autoritarisme, et la perte de la NBI liée à sa fonction ne constituent pas une sanction déguisée car ces décisions sont prises dans l’intérêt du service (CAA n° 20MA03700, 2023).
De même, la perte de rémunération de missions facultatives et de l’indemnité REP d’un professeur d’EPS muté dans l’intérêt du service en raison de tensions au sein de l’équipe d’EPS ne constitue pas une perte de responsabilité ou de traitement significative. (CAA n° 18PA01149, 2021).
Enfin, l’article L761-1 du code de justice administrative offrant la possibilité au juge de condamner la partie perdante à payer tout ou partie des frais d’avocat de l’autre partie, il convient de bien considérer ces informations et son intérêt à agir avant d’engager un recours contentieux.
MUTATION D’OFFICE : TOUJOURS DANS L’INTÉRÊT DU SERVICE ?
La mutation d’office dans « l’intérêt du service » a pour but de « rétablir des conditions normales de fonctionnement » dans un service ou un établissement. Elle intervient lorsque la conduite d’un agent, sans être fautive, est préjudiciable au bon fonctionnement du service. Les raisons peuvent être diverses : conflits avec des parents ou un élève, incompatibilité d’humeur entre des collègues ou avec un chef d’établissement ayant de forts retentissements.
Elle est donc différente du déplacement d’office qui, lui est une sanction disciplinaire liée à une faute et qui nécessite l’avis d’une commission paritaire disciplinaire.
Le Conseil d’État a considéré que la mutation dans « l’intérêt du service » constitue une mesure d’ordre intérieur qui peut être légitime à la condition de ne pas porter atteinte à des droits de l’agent (CE n° 202822, 1999). L’administration doit donc respecter certaines règles. En premier lieu, elle est tenue d’informer l’agent déplacé sur son droit à consulter son dossier administratif. Par ailleurs, la mutation d’office ne peut engendrer ni un déclassement de fonction pouvant entraîner une diminution de responsabilités, ni de pertes de revenus (salaire et indemnités), ni un changement de domicile. Dans le cas contraire, la procédure serait entachée de vices et se verrait annulée par un recours au tribunal administratif. Le juge pourrait conclure à un détournement de procédure et à une sanction déguisée.
Pour s’éviter ces déboires juridiques, l’administration déplace, parfois, faute de mieux ou subtilement, des collègues sur des postes de TZR dans la zone de remplacement de leur ancien établissement. Elle répond ainsi à ses obligations même si le procédé ne peut pas être considéré comme totalement neutre et sans préjudice pour le collègue déplacé. Effectuée dans les règles, la mutation d’office est parfois bénéfique. Elle risque néanmoins de se transformer en instrument permettant à l’administration de déplacer un agent contestataire, d’entraver une action syndicale et de limiter la liberté d’expression. Dans ce cas, elle doit être absolument oumise au contrôle du juge administratif et à sa possible censure.
AVANCEMENT : UN NOUVEAU CÔTÉ OBSCUR DE LA FORCE
Depuis la mise en place du PPCR en 2017, suivi par la loi de transformation de la Fonction publique en 2019 et la suppression de CAPA essentielles, les campagnes d’avancement se sont considérablement opacifiées.
Le SNALC, qui a voté contre ce protocole et dénoncé ces suppressions, ne compte plus les collègues méritants laissés pour compte qui ne comprennent plus les décisions défavorables à leur passage à la hors classe ou à la classe exceptionnelle.
Des recours administratifs sont opérés, avec le soutien de nos représentants académiques, et parfois, devant le maintien des refus, des collègues désabusés engagent des actions en justice. Ils contestent les appréciations des supérieurs hiérarchiques à l’issue des rendez-vous de carrière qui conditionnent celle portée in fine par l’autorité hiérarchique, DASEN ou recteur.
Il ressort des décisions de justice que ces appréciations ne sont pas considérées comme des décisions défavorables, mais comme des mesures préparatoires à l’avancement. De ce fait, elles sont insusceptibles de recours.
Le juge administratif ne peut ni apprécier, ni porter son contrôle sur ces appréciations. Seule la décision finale refusant l’avancement peut être attaquée. D’autres contestent le fait d’avoir été écartés du tableau des agents promus. Là encore, la jurisprudence est constante sur ce point. Depuis 2011, une décision du Conseil d’État stipule : « Le tableau d’avancement doit comporter un nombre maximum d’agents et présente ainsi un caractère indivisible. » (CE n° 326936, 2011)
Il est donc compliqué de remettre en cause un tableau d’avancement émis par un recteur ou le ministère. Il faudrait être en mesure de le contester dans son intégralité pour une illégalité d’ensemble ou de démontrer des erreurs d’appréciation et de classement de candidats promus au détriment de l’agent écarté !
Dorénavant, en l’absence de comptes rendus des CAP qui permettaient un contrôle rétroactif des choix retenus par l’administration, il sera extrêmement difficile de contester les décisions en matière d’avancement devant les tribunaux administratifs.
UNE F.A.Q. FAIT-ELLE OBLIGATION ?
La foire aux questions sur « les modalités d’évaluation au baccalauréat » publiée sur le site Éduscol a généré d’importantes questions juridiques.
Cette FAQ semblait, sur de nombreux points, diriger l’action des chefs d’établissement et des enseignants de façon injonctive au lieu de les accompagner de manière simplement explicative.
Dans sa décision n° 404270 de 2017, le Conseil d’État indiquait : « l’objectif d’une FAQ est de répondre aux diverses questions juridiques et pratiques », mais « elle ne contient aucune disposition impérative à caractère général et ne saurait revêtir la forme d’une circulaire à laquelle ce document n’a pas davantage vocation à se substituer ».
Une FAQ n’est en effet, ni un arrêté, ni une circulaire, ni même une note de service. Elle ne possède pas les attributs d’un acte réglementaire. Par exemple, les informations sur l’auteur, sa fonction et sa signature, qui conditionnent la légalité externe d’un texte réglementaire sont absentes.
Que faire dès lors, si une FAQ outrepasse sa fonction et impose, par l’intermédiaire de la hiérarchie et du devoir d’obéissance, des obligations qui ne seraient pas prévues par ailleurs ? Exercer un recours au TA ? Ce n’est pas si simple !
Une FAQ n’étant pas un texte réglementaire, elle ne peut faire grief. Elle est donc insusceptible de recours devant un juge administratif.
Voilà donc une voie royale trouvée par l’administration pour faire passer de nouvelles directives en dehors de tout contrôle.
Mais c’était sans compter sur une très récente décision du Conseil d’État qui a admis la recevabilité d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la prise de position d’une autorité sur des lignes directrices, mise en ligne dans une FAQ (CE n° 452668, 2022).
C’est un revirement de jurisprudence déterminant qui consacre l’intégration des FAQ dans les actes administratifs de droit souple pouvant être soumis au contrôle du juge administratif.
Les dispositions impératives et hors champ réglementaire d’une FAQ n’ont pas à être appliquées, même par devoir d’obéissance, sous peine de sanction de la hiérarchie par la justice.
R.I.S. ET 108 HEURES : LA JUSTICE A TRANCHÉ
Le décret 82-447 du du 28 mai 1982, complété par l’arrêté du 29 août 2014 et la circulaire 2014-120 du 16 septembre 2014 précisent l’organisation des réunions d’information syndicale (RIS) dans l’Éducation nationale.
Par une décision récente, la Cour administrative d’appel de Toulouse (CAA n° 21TL01553, 2022), suite au refus du DASEN de l’Hérault d’imputer des heures de RIS aux 18 heures d’animations pédagogiques, a apporté des précisions inédites jusqu’alors.
Si les juges d’appel confirment la possibilité de participer à 3 RIS par an, ils font clairement primer l’organisation du service et l’appréciation du chef du service, en l’espèce le DASEN, à cette possibilité de déduire les heures de RIS des 108h connexes comprises dans les ORS des professeurs des écoles (PE) comme envisagé par la circulaire 2014-120.
Les juges écartent également la possibilité de déduire ces heures de RIS d’une partie précise des 108h, ici les 18h d’animations pédagogiques. Ils rappellent que les PE « ne disposent d’aucun droit acquis à déterminer au sein de leurs ORS celles devant être consacrées à la tenue de telles réunions ».
Par exemple, les DASEN peuvent invoquer le caractère obligatoire de la formation continue prévue par la loi Blanquer de 2019 pour refuser des déductions de RIS sur les heures d’animations pédagogiques.
Plus largement encore, un IEN, par délégation du DASEN, peut aussi interdire à un PE de participer à une RIS si la nécessité de service l’emporte.
Dans ce cas, il doit justifier par écrit dans un délai d’un mois les motifs précis de sa décision, s’exposant à un recours possible pour excès de pouvoir. Un simple refus téléphonique ou sans motif n’est donc pas valable.
En somme, les PE peuvent effectuer 3 RIS par an prises sur leur temps de service, mais leur autorité hiérarchique peut refuser pour « nécessité de service » que ces heures affectent les animations pédagogiques. Elle peut également imposer que la déduction de ces heures se fasse sur toute autre partie des 108 heures.
HARCÈLEMENT : COMMENT LE DÉFINIR ET BIEN AGIR ?
Le harcèlement moral, au travail ou en ligne, est tout autant réprimé par le code pénal et le code du travail que par le code général de la fonction publique (CGFP).
Il est caractérisé par des « agissements répétés, qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail, susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité, d’altérer la santé physique ou mentale ou de compromettre l’avenir professionnel » de la victime. Ces 4 éléments doivent être réunis pour que le harcèlement soit constitué.
Il peut s’agir de dénigrements, d’insultes, de menaces ou de simples insinuations qui, répétés, concourent à une détérioration de la santé, de la dignité et du cadre de travail. La psychiatre M-F. Hirigoyen décrit ce processus comme « de petits actes pervers […] si quotidiens qu’ils paraissent la norme ». Insidieux, il n’est donc jamais simple à démontrer.
Depuis la jurisprudence du Conseil d’État (CE n° 321225, 2011), la charge de la preuve est réciproque. L’agent soumet des éléments laissant présumer l’existence du délit et l’administration doit produire une argumentation inverse démontrant que les agissements en cause sont justifiés. Il faut donc constituer un dossier solide (attestations de témoins, SMS, mails, etc.) pour engager des recours administratif et judiciaire.
- Pour se protéger, la victime peut signaler les faits sur le registre de santé et de sécurité au travail (RSST) et demander la protection fonctionnelle en application de l’article L.134-5 du CGFP. Prévenu, l’employeur, garant de la préservation de la santé physique et psychique de l’agent, doit faire cesser l’infraction et sanctionner administrativement le harceleur. En cas de refus de la protection, le tribunal administratif peut être saisi pour obtenir réparation.
- Pour faire condamner pénalement l’agresseur, il faut porter plainte dans un délai de 6 ans à compter de la commission des derniers faits. L’auteur encourt jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.
La protection juridique GMF prend en charge tout adhérent victime de tels agissements dans l’exercice de ses fonctions
RADIOGRAPHIE DE LA PROTECTION FONCTIONNELLE
Le MEN a publié un bilan détaillé et très instructif concernant la mise en œuvre de la protection fonctionnelle.
Selon les données récoltées par les services centraux et académiques, 3558 demandes de protection fonctionnelle ont été recensées en 2021 contre 2377 en 2020. Ceci représente une hausse considérable des demandes de 49,7 % en 1 an.
Parmi les personnels, les enseignants du 1er et 2d degré concentrent (à part quasi égale) 65 % des demandes, les agents de direction 13 %, les CPE et Psy-EN 5,6 % ainsi que les ATOSS 5,6 %, et les personnels administratifs 2,1 %. Plus on est en « première ligne », plus les besoins de protection sont grands.
Concernant les motifs des demandes, arrivent en tête les atteintes morales à l’intégrité des personnels. Se conjuguent ainsi pour 66,8 % les cas de diffamation, d’injure, de menace et les faits de harcèlement 7,6 %. Les atteintes physiques représentent 8 % des situations. Viennent ensuite les atteintes aux biens (7,5 %) et les poursuites pénales des agents (6,7 %).
Cette étude ébranle quelques idées reçues en démontrant que les refus d’accorder la protection fonctionnelle sont minoritaires et concernent seulement 17,4 % des demandes. Selon ces sources, 4 agents sur 5 obtiennent donc leur demande. C’est sans aucun doute le résultat le plus positif de toute cette étude.
La protection fonctionnelle consiste en diverses modalités d’action. L’assistance juridique est la mesure la plus usitée (57,5 %) suivie d’actions de prévention et de soutien (24,2 %), de sanctions des auteurs (12 %) et de protections directes (6,5 %).
Il est à noter que les coûts de ces actions ont explosé de 89 % entre 2020 et 2021.
Si le ministère ne souhaite pas tirer de conclusions trop hâtives de ces analyses, force est de constater que les bonds de demandes, d’octrois et de coûts de la protection fonctionnelle sont impressionnants. Ils correspondent sans doute à une meilleure connaissance par les agents du processus de protection, mais aussi et de toute évidence à une croissance importante des infractions dont ils sont victimes.
LE RÉFÉRÉ LIBERTÉ : L’ARRÊT D’URGENCE AU HARCÈLEMENT
Les agissements constitutifs de harcèlement ont été rajouté en 2011 aux infractions couvertes par la protection fonctionnelle, précisées à l’article L. 134-5 du CGFP.
Cependant, en dépit d’un harcèlement avéré, l’administration, malgré son obligation, peut ne peut pas octroyer cette protection à l’agent victime par erreur appréciation, insuffisance d’éléments…
Pour échapper à cette situation des agents sont tentés d’user de leur droit de retrait. Malheureusement ce n’est pas la solution. La jurisprudence considère que les deux conditions l’autorisant ne sont pas réunies pour s’appliquer à ces situations: si le danger peut être grave, il est rarement imminent puisque le harcèlement procède d’actes répétés et donc agit sur une durée.
L’arrêt médical n’est pas non plus la bonne méthode, car s’il laisse un répit à la victime, il ne met pas fin au problème.
Il existe cependant une autre issue, juridictionnelle : le référé-liberté.
Encadrée par l’article L521-2 du code de justice administrative cette procédure permet au juge des référés «saisi d’une demande justifiée par l’urgence, d’ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (…) aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale».
L’action en référé, visant à répondre aux urgences, oblige le juge à se prononcer dans un délai court de quarante-huit heures.
Quel lien existe t-il entre harcèlement et liberté fondamentale ? Le Conseil d’État a justement établi le droit pour un agent de ne pas être soumis à des faits de harcèlement comme étant constitutif d’une liberté fondamentale (CE n°381061, 2014).
En établissant ce droit, le Conseil d’État a reconnu la gravité de ces agissements ainsi que la faiblesse des moyens dont disposaient les agents pour y mettre fin rapidement et efficacement.
Toutefois, pour ouvrir cette voie juridictionnelle expresse, il faut parfaitement démontrer le délit de harcèlement, sa gravité et l’urgence d’y mettre fin.
DROIT DE RETRAIT : DES RÈGLES STRICTES, UNE JURISPRUDENCE CONSTANTE
Un chef de train est agressé par un voyageur. Immédiatement, on apprend que ses collègues partout en France exercent leur droit de retrait. Ce comportement n’a rien de réglementaire.
Nos collègues, enseignants ou non, peuvent être agressés ; mais pour exercer leur droit de retrait, c’est-à-dire se retirer du travail ou du poste de travail qu’ils occupent, il faut qu’ils soient sous la menace d’un danger « grave et imminent » pour leur vie ou leur sécurité ou qu’il constate une défectuosité dans les systèmes de protection. Ces règles sont copiées sur le Code du travail aux articles L. 4131-1 et suivants. Elles sont donc strictes et la jurisprudence, très fournie, est constante en la matière.
Bien entendu, dès qu’ils se sont retirés de leur poste de travail, ils préviennent immédiatement leur supérieur hiérarchique et au besoin signalent l’incident dans le registre des dangers graves et imminents (RDGI) à disposition dans chaque établissement : postes de travail concernés, nature et cause du danger, personnes exposées, mesures prises pour y remédier.
Le retrait dure tant que le danger grave et imminent persiste, notamment en raison d’une défectuosité du système de protection. Dès que la menace a disparu, les agents doivent reprendre leur travail sans attendre d’y avoir été invités par leur supérieur hiérarchique.
Le droit de retrait est individuel et personnel. Sa nécessité dépend de la situation et de l’appréciation par chaque agent. Une estimation abusive ou l’exercice d’un « droit de retrait » par solidarité avec le collègue victime peut entraîner une retenue de salaire, voire une sanction, même si sous le coup de l’émotion, on peut comprendre le geste. Mais ce n’est ni l’attitude de l’administration, ni celle de la justice administrative.
PRÉCONISATIONS MÉDICALES : LEUR NON-RESPECT A DES LIMITES
Dans la fonction publique comme dans toute entreprise privée, c’est à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale des travailleurs (1). En cas de maladie ou de handicap qui ne permettrait pas à un agent d’exercer ses fonctions dans les conditions habituelles, le médecin du travail peut émettre des préconisations médicales visant à adapter son emploi par des moyens matériels, humains ou organisationnels particuliers. L’employeur a-t-il pour obligation de les suivre à la lettre ?
L’article 26 du décret n°82-453 du 28 mai 1982 prévoit que « le médecin du travail est seul habilité à proposer des aménagements de poste de travail ou de conditions d’exercice des fonctions justifiés par l’âge, la résistance physique ou l’état de santé des agents ». Le Code de l’éducation (articles R911-12 à 30) précise quant à lui les possibilités d’aménagement de postes spécifiques aux enseignants.
Lorsque le médecin du travail fait une proposition d’aménagement, il la transmet à l’agent et au chef de service. Cependant, « lorsque ces propositions ne sont pas agréées par l’administration, celle-ci doit motiver par écrit son refus et la formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail ou, à défaut, le comité social d’administration doit en être tenu informé » (art. 26 D 82-453). Ces dispositions réglementaires sont la transposition de l’article L 4624-6 du Code du travail selon lequel « l’employeur est tenu de prendre en considération les propositions du médecin du travail et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s’opposent à leur mise en application ». Le chef de service n’est donc pas sommé d’appliquer les préconisations mais il doit signaler et justifier son refus sous peine d’illégalité.
Pour quels motifs ces refus peuvent-ils s’exercer ? Il n’existe pas de critères précis déterminés par des textes. En revanche, la jurisprudence née de nombreux contentieux sur le sujet est très éclairante et vient combler ce manque réglementaire :
Par une première décision, le Conseil d’État a établi que l’administration était tenue en matière d’adaptation du poste de travail à une obligation de moyens et non de résultats (C.E n°350043, 2012). Il suffit au chef de service d’apporter la preuve que tout a été mis en œuvre, mais que les conditions rencontrées ne permettaient pas de respecter les préconisations pour que sa responsabilité ne soit pas engagée.
Par une seconde décision, le Conseil d’État a retenu que les nécessités de service pouvaient faire obstacle aux préconisations médicales (C.E. n° 357904, 2015). Dans la fonction publique, la continuité et la mission de service public priment particulièrement. Là encore, l’administration doit s’efforcer, sous réserve des nécessités de service, d’adapter le poste de travail à l’état de santé de l’intéressé. Elle ne peut le refuser au seul motif qu’elle a la possibilité de le faire.
Les marges de manœuvre et les possibilités de refus de l’administration sont donc larges et nombreuses. Attention cependant : elle ne peut en abuser. En cas de recours contentieux, la jurisprudence montre avec constance que le juge est très attentif à la sincérité du refus de l’employeur, à l’effectivité des moyens déployés et à la véracité des nécessités de service invoquées.
Depuis le décret 2022-433, une médiation préalable est devenue obligatoire et doit être initiée avant toute saisine du TA, hors cas d’urgence pouvant relever d’un référé suspension. C’est une condition indispensable à la recevabilité du recours qui
ne peut donc s’effectuer que si une médiation a été engagée et a bien évidemment échoué.
Enfin, notamment si l’agent bénéficie d’une RQTH, un refus d’aménagement de poste peut constituer une discrimination si l’employeur ne démontre pas que l’aménagement entraîne pour lui des charges disproportionnées, même sans intention de discriminer. Dans ce cas, le défenseur des droits peut également être saisi, préalablement ou conjointement à la médiation et à une action en justice.
(1) Les règles applicables en matière d’hygiène et de sécurité dans la fonction publique sont celles définies par les livres I à V de la quatrième partie du code du travail l (Article L811-1 du CGFP).