Ne nous y trompons pas, derrière une stratégie de communication intitulée « Ecole de la confiance » et une recherche d’amélioration et d’efficacité, derrière une stratégie de développement d’un plan savamment organisé, nous assistons à un démantèlement sans précédent de l’éducation nationale et plus généralement des services publics. Il se verra accentué avec le projet de loi sur la fonction publique qui va considérablement accroître la précarisation (contractuels et contrats courts), la déqualification et la perte de protection des personnels (disparation des CAP).
Il est évident, mais tout à fait nécessaire de la rappeler, que la seule recherche qui prime, en arrière-plan, c’est bien la réduction des coûts de l’éducation et des dépenses publiques dont le montant a été fixé à 30 milliards d’ici à 2022. La commande passée à JM. Blanquer est très simple. Faire moins en disant faire mieux !
Mais comment organiser ce dégraissage en limitant les vagues ?
Tout d’abord soigner la communication et rassurer. Puis dans la mise en œuvre, fragmenter les opérations, différer les mises en application mais pour aboutir à terme à une très vaste restructuration de l’ensemble. La douleur est moins grande lorsque l’on reçoit de multiples petits cailloux aux impacts échelonnés plutôt qu’un gros pavé à un instant T. C’est aussi simple que cela ! Et diablement efficace !
Petit mémento :
Le lecteur voudra bien pardonner cette liste longue et fastidieuse mais voilà un bilan intermédiaire sans précédent de l’action du ministre et du gouvernement qu’il est bon de se rappeler :
Retour du jour de carence, maintien gel du point d\’indice, suppression de 2 800 postes, CP dédoublés à moyen constants, réforme du bac 2021, parcours sup, réforme et programmes des LGT, disparition de la spécialité EPS, fusion des académies (en suspens), réforme calamiteuse des LP et des voies professionnelles, programmes désastreux des LP,
réduction des postes aux concours, accentuation des emplois contractuels (loi fonction public Darmanin) constituant un nouveau corps, fermeture des CIO, missions alourdies des professeurs principaux, inclusion quasi totale des élèves en situation de (lourd) handicap à l’horizon 2023, mise en place des PIAL (Pole inclusifs d\’accompagnement spécialisés), imposition de 2h supplémentaires, remplacement des professeurs par des étudiants de niveau L2, disparition des commissions paritaires académiques et donc de la protection des personnels, création des écoles primaire-collège dites des « savoirs fondamentaux », réforme de la formation des enseignants, allongement du temps de travail avec l\’âge (Trésor-Eco n°235 Janv 2019), fin de l\’évaluation indépendante des politiques éducatives, cadeaux financiers pour l\’école privée, droit d’expression et de réserve des professeurs (loi Blanquer) et bientôt, la réforme des retraites
calculées non plus sur les six derniers mois d’activité mais sur les vingt dernières années et passant de 75 % à 50 % du traitement moyen.
C’est bien un véritable démantèlement de l’éducation nationale et de nos statuts qui est à l’œuvre.
On reprochera aux syndicats une forme de passivité ! Mais c’est un faux procès.
Les organisations syndicales sont de toutes les instances. Elles formulent amendements et contre-propositions. Elles luttent et résistent. Mais que faire dès lors qu’elles ne sont qu’écoutées et très rarement entendues.
Aujourd’hui le dialogue social est instrumentalisé. Il ne génère ni concertation, ni partenariat. Il est une simple chambre d’enregistrement de doléances et une façade pseudo démocratique qui a pour seule utilité de garantir au public la légitimité de décisions arrêtées d’autorité et prises bien en amont de façon unilatérale.
Vers une éducation « Low-cost »
Pourquoi rémunérer des spécialistes de discipline, certifiés ou agrégés, pour diffuser des connaissances fondamentales que bien des élèves n’ont plus la volonté sinon les capacités d’apprendre ?
A t-on vraiment besoin de professeurs certifiés et agrégés pour construire du vivre ensemble ou des compétences de plus en plus minimales tels que les programmes les déterminent ?
Ainsi s’explique aisément le recours croissant aux contractuels, à leur CDIsation, aux remplacements des professeurs par des étudiants…
Pourquoi rémunérer autant des professionnels qualifiés pour dispenser des savoirs minimaux alors que d’autres peuvent semble-t-il tout aussi bien le faire et pour bien moins cher ?
De combien d’élèves ultra performants, pour occuper ultérieurement des fonctions et postes clés, le pays a-t-il réellement besoin ?
Quelques structures privées seront suffisantes pour former cette élite. Elles vendront ces savoirs à très haute plus-value qui représentent, selon le projet éducatif de l’OCDE de type anglo-saxon, une nouvelle niche économique, un nouvel espace d’investissement et de profit pour des capitaux privés.
Voilà, derrière ces réformes, se dessine un projet politique et de société de plus en plus éloigné des valeurs de la République. De plus en plus clivant et fracturant. Derrière la recherche affichée de mixité sociale c’est un véritable système de classes qui se profile reposant toujours sur l’espoir d’une domination et d’un contrôle de la caste dirigeante sur celle sous cultivée.
Aujourd’hui cette vison orwelienne est éculée. Toutes les études le démontrent (J.FOURQUET, L’archipel français, 2019). L’inculture ne permet plus à l’oligarchie de maintenir sa position dominante. Elle engendre au contraire le «dégagisme», la réactivation des nationalismes et des extrémismes. Alors Mr BLANQUER jusqu’où allez-vous pousser l’austérité ?