« Un enfant est donc naturellement enclin à la bienveillance, parce qu’il voit que tout ce qui l’approche est porté à l’assister. »
Rousseau, Émile, IV.
Article publié dans la QUINZAINE UNIVERSITAIRE – #1415 – AVRIL 2018
Dans mon dictionnaire, le Robert, je note bien que bienveillance signifie « vouloir le bien ». Vouloir le bien de nos élèves appartient à la vocation de tout professeur (même si la vocation vient parfois après les débuts du métier). Chaque enseignant veut le bien de ses élèves, peut-être encore plus que certains parents puisqu’on peut devenir parent par hasard (bien que ce hasard soit moins fréquent à l’heure de la contraception) et qu’on devient pédagogue par choix et après examens et concours. Mais le bien n’est pas à confondre avec le plaisir. Il faut en effet rappeler qu’il existe une différence entre l’immédiateté et la construction d’un être par des visées à moyen et à long terme ?
Un élève qui obtiendrait un note surfaite, comme un 18/20, alors qu’il sait que n’ayant pas appris sa leçon, il ne la mérite pas, ne deviendrait- il pas méfiant, voire désespéré du système tout en en usant à court terme ? Que de fois ai-je entendu un parent d’élève m’affirmer : « je faisais confiance au système,mon fils avait des bonnes notes… » Et de se jurer, mais un peu tard que dorénavant il lirait les copies.
C’est ainsi que l’enseignant se retrouve dans la position impossible de devoir créer la confiance en l’École, et de faire éprouver dans le même temps de la méfiance sur ce qui s’est passé sur les années antérieures. Or, si les professeurs avaient auparavant posé « de bonnes notes », c’était pour répondre à cette nouvel le norme de bienveillance réclamée qui consisterait à vouloir éviter toute note « humiliante ». Aussi, faut-il s’étonner qu’un élève cherche à éviter de rendre tout devoir, tout exercice, puisqu’on l’a assuré par le passé qu’il n’aurait pas de zéro ? Faut-il s’étonner que cette espèce de prouesse fort commune (reconduite d’année en année, dans la période qui a vu aussi la suppression de tout redoublement) mène à une absence de maîtrise de la matière, de maîtrise de toute discipline (dans toutes les acceptions du terme) et à une déconsidération totale de l’École par l’élève constamment rabaissé au niveau de ses pulsions ? Cette fausse bienveillance entraîne l’ignorance et aussi le désespoir de l’enfant, qui n’a pas vu autour de lui de l’assistance mais un rejet. C’est peu ou prou la même pseudo-bienveillance qui est à l’oeuvre quand nous entendons certains parents nous dire qu’ils font confiance à leurs enfants, alors que dans le même temps ils nous refusent leur aide
Osons donc affirmer que la bienveillance due à l’élève, comme à tout être humain, passe par la volonté d’aider l’enfant à se construire, à se remettre en question, à comprendre, à apprendre, à se dépasser. La bienveillance est donc fondamentale. Elle ne doit pas éviter la confrontation.