Quoi en qu’en disent certains responsables syndicaux, le SNALC constate une très nette augmentation des atteintes à la laïcité ces dernières années.
Comment faire vivre au quotidien la laïcité dans notre École républicaine quand des élèves refusent d’apprendre le mot « church » en anglais car il signifie église ; ferment les yeux devant des œuvres de Picasso en arts plastiques ; s’exclament « c’est votre croyance ! » lorsqu’en chimie le professeur leur explique qu’ils sont « tous des poussières d’étoiles » (allusion au livre d’Hubert Reeves) en introduction à un cours portant sur les éléments chimiques ; s’absentent du cours d’EPS au prétexte que s’ils vont à la piscine ils verront des corps dénudés, avec une excuse signée des parents…
Ce ne sont que quelques exemples parmi des centaines de situations portées à la connaissance du SNALC, qui témoignent de la difficulté à faire respecter la laïcité.
Selon l’enquête de l’IFOP1, « les enseignants face à l’expression du fait religieux à l’école et aux atteintes à la laïcité », plus de 50 % des professeurs s’auto-censurent. Comment en est-on arrivé à ce triste constat ? Serait-ce, comme on a pu l’entendre, la faute des équipes enseignantes, de vie scolaire, de direction… démissionnaires, laxistes, sur le terrain ?
La réalité est bien plus complexe à analyser. La responsabilité du délitement d’un grand nombre de valeurs et principes, parmi lesquels la laïcité, n’est pas qu’une question de personnes. Elle n’est pas liée uniquement à la minoration des faits par certains (enseignants, direction, institution…) qui estiment l’incident clos, qui n’ont pas identifié l’auteur exact, ne veulent pas d’histoires avec les élèves, avec les familles, avec certaines associations… ou qui ne veulent pas ternir l’image de tel ou tel établissement, « fleuron de l’académie ». Bref, ce n’est pas la seule faute de ceux qui cèdent à la tentation de reproduire un système qui a fait ses preuves (#pasdevague) et de cacher la poussière sous le tapis.
Au-delà de la problématique ici ou là structurelle, il y a un phénomène conjoncturel, un héritage lourd dont il est urgent de se défaire : celui de vingt ans de pseudo-pédagogie sur la loi de 2004. Est-il envisageable en matière de port de la ceinture de sécurité d’envisager des adaptations locales de gré à gré non contenues dans la loi ? Non ! Nul n’est censé ignorer la loi. La République est notre bien commun ; ce n’est pas un objet sans contenu où chacun impose ses règles. La mise en œuvre d’une procédure disciplinaire est, certes, réglementairement précédée d’un dialogue avec l’élève, mais ce dialogue « ne saurait être une négociation, sous quelque forme que ce soit » (BO n°32 du 31 août 2023).
Le SNALC, en 2004, a été la seule organisation syndiquant tous les personnels de l’Éducation nationale à soutenir la loi n°2004-228 du 15 mars 2004. Les tergiversations politiques ont conduit à rendre possible une remise en question des contenus de programme, à permettre des contestations véhémentes du cours avec l’émergence d’un phénomène nouveau par son ampleur, sa fréquence, sa généralisation dans toutes les écoles et tous les établissements du pays : les rumeurs, la violence verbale, physique, les menaces de mort… jusqu’aux assassinats de Samuel Paty et de Dominique Bernard, le tout largement porté et diffusé par les réseaux sociaux, les médias.
Comment l’État a-t-il protégé ses personnels ? Comment les protège-t-il, aujourd’hui ? Quelle image de l’État se feront nos jeunes, ceux que la Nation nous confie pour les instruire ?
Dans un tel contexte, comment ne pas comprendre la démission du collègue proviseur du lycée Maurice Ravel de Paris ? Ce représentant de l’État, n’a rien fait d’autre que de demander à une étudiante de respecter la loi. Pour quel résultat ? Un déferlement de haine sur les réseaux sociaux, des menaces sur la base d’allégations mensongères destinées à ternir sa réputation et une carrière de plus de 40 ans à servir l’institution. Il aura fallu une mobilisation inédite et l’intervention du Premier ministre pour que des poursuites soient engagées à l’encontre de l’étudiante qui avait sciemment enfreint la loi.
Le SNALC rappelle que le décret n°2023-782 du 16 août 2023 pose l’obligation d’engager une procédure disciplinaire pour atteinte aux valeurs de la République ou au principe de laïcité. Afin de protéger les personnels, comme le décret le prévoit, le SNALC demande à ce que pour les situations générant des tensions et pouvant mettre en difficulté les équipes, le conseil de discipline se tienne dans les locaux des services académiques.
(1) « Les enseignants face à l’expression du fait religieux à l’école et aux atteintes à la laïcité » (décembre 2022 et mars 2023)
Article paru dans la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1488