Vous avez été très nombreux à mandater le SNALC pour vos recours à l’issue des mutations interdépartementales. Une fois encore, trop de collègues se voient contraints de rester une année de plus dans un département qu’ils espèrent quitter depuis longtemps. Pour certains, cela fait plus de cinq ans qu’ils sont privés de leur vie familiale. Cette situation est inacceptable.
Nous vivons une époque où les relations sociales sont au centre des préoccupations. L’impact grandissant d’Internet et des réseaux sociaux, l’émergence de l’intelligence artificielle menaçant les interactions humaines et l’introduction de l’éducation aux relations affectives dans les écoles sont autant de signaux qui devraient alerter nos instances : ce système qui piège les collègues géographiquement n’est plus adapté. Il est difficile de concevoir que l’on puisse reprocher à un enseignant de ne pas tout mettre en œuvre pour placer chacun de ses élèves dans les meilleures conditions de réussite, alors que, parallèlement, l’Éducation nationale met à mal la santé mentale d’enfants d’enseignants, les séparant d’un de leurs parents, prisonniers d’un département pendant plusieurs années. Le mal-être familial et affectif de ces enfants nuit incontestablement à leur réussite scolaire.
La situation s’aggrave d’année en année. La problématique des mutations engendre des conséquences en cascade. Plus il est difficile de quitter un département, plus la réputation dudit département s’en trouve affectée. En conséquence, moins de personnes souhaitent y être affectées, ce qui aggrave les déficits en personnel et renforce le blocage des mutations. Un cercle vicieux. Cette impasse pousse de nombreux collègues à envisager, au mieux, des alternatives professionnelles : disponibilité, détachement ou, dans les cas les plus extrêmes, des solutions plus drastiques comme la démission, souvent à contrecœur et par dégoût. Ce problème de mobilité contribue à la perte d’attractivité du métier.
Mais dans l’Éducation nationale, on ne s’attaque jamais aux problèmes de fond. On préfère opter pour des solutions superficielles, provisoires, peu coûteuses, qui, le plus souvent ne servent qu’à donner l’illusion d’une amélioration. Cela permet ensuite de se targuer d’avoir « pris conscience de… », d’avoir « œuvré pour… », ou encore d’avoir « réussi à… ». Or, ces “pansements sur des plaies béantes” ne font que repousser systématiquement la résolution des multiples problèmes de notre système éducatif, dont la mobilité fait partie.
Face aux pénuries de personnel, des mesures ont été mises en place ces dernières années pour attirer des candidats dans les académies en déficit, telles que la création d’un second concours dans certaines académies ou l’abaissement des seuils de réussite pour accéder à la profession. Cependant, bien que ces initiatives permettent de recruter quelques collègues supplémentaires, elles ne règlent en rien le problème du nombre croissant de démissions dans certains départements. La dernière idée en date ? Le projet de licence de professorat des écoles. Une fois diplômé, le futur enseignant, après cinq années d’études spécialisées, verra ses perspectives professionnelles fortement restreintes. Ce dispositif a pour objectif d’assurer que les professeurs s’engagent durablement dans l’Éducation nationale, cette spécialisation fermant indirectement, mais de manière définitive, les passerelles vers d’autres métiers.
En outre, le SNALC n’a pas manqué de souligner, lors de la présentation de ce projet, que l’enseignement proposé au cours de ces études était très normatif. Pour le SNALC, il est évident que cela vise à façonner une génération d’enseignants plus dociles que l’ancienne génération, prêts à tout accepter, comme rester à vie dans un département par « amour du métier ».
L’Éducation nationale a besoin de profondes réformes structurelles. Il est plus que temps d’arrêter de multiplier des mesures superficielles qui ne s’attaquent pas aux problèmes. Il apparaît urgent d’engager une réflexion approfondie pour construire un système plus juste, plus équitable, plus efficace.
Article paru dans la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1501-École du 12 mai 2025