Les élèves utilisent massivement l’IA générative. Mais ces derniers apprennent-ils mieux et ont-ils de meilleurs résultats scolaires ?
L’IA utilisé par les élèves a généralisé la fraude. Cette dernière est passée à une désormais grande échelle, guère contrôlable, et va au-delà du copier-coller classique à partir d’un site internet. Les collègues se sentent désarmés face à ce phénomène, au point d’envisager de revoir intégralement la façon de donner du travail à la maison.
Les études récentes pointent une mise en péril des apprentissages. En recourant à l’IA générative à la maison, les élèves développent de la paresse. Ils le disent eux-mêmes : au lieu de travailler, ils confient leurs devoirs aux algorithmes, comme leurs dissertations en philosophie ou leurs fiches de lecture en français. Et ils avouent : « temps qu’à faire, autant avoir de bonnes notes sans trop travailler »[1]. Ainsi, ils délèguent à un algorithme l’exercice de leur pensée. C’est donc un nouveau rapport au travail qui peut s’installer mais au détriment des élèves.
À brève échéance se profile une dépendance accrue à l’IA pour réaliser tout type de travaux scolaires. Au lieu d’apprendre à surmonter ses difficultés scolaires, l’élève systématisera le recours à l’IA. Or, pour progresser, il faut travailler et parfois se battre. Si l’on vous donne les réponses toutes faites, vous ne travaillerez pas et vous n’apprendrez pas. Pire, vous ferez en sorte d’éviter des taches cognitives pourtant essentielles dans votre scolarité. Vous développerez une forme de passivité intellectuelle qui entravera votre réflexion.
À plus long terme, il est légitime de craindre une détérioration des compétences cognitives des élèves. A tout faire reposer sur l’IA, ils perdront des réflexes de raisonnement, d’analyse et de recul critique et seront comme dépossédés. Leur capacité à agir puis penser par eux-mêmes – c’est-à-dire tout ce que nous sommes censés leur apprendre au cours de leur scolarité – diminuera. Ils seront plus en difficulté pour gérer des taches complexes. Leur mémoire s’amenuisera. Et quelles connaissances solides pourront-ils par ailleurs acquérir via des productions bourrées de biais et d’hallucinations ? Rappelons qu’une hallucination est une réponse fausse ou absurde mais présentée comme un fait certain. Repérer une hallucination requiert des connaissances et des compétences solides. Derrière l’IA se profile donc sérieusement l’érosion de l’intelligence et de l’esprit critique.
L’IA contribue par ailleurs à l’émergence de fractures entre les élèves. Tout d’abord, entre ceux qui refuseront d’utiliser l’IA et ceux qui l’utiliseront de manière systématique. Ensuite, entre ceux ayant déjà un bon niveau scolaire, envers qui l’IA aura un réel apport pédagogique, et les autres qui, non détenteurs des prérequis pour utiliser de tels outils, végéteront en s’achetant une illusion de réussite scolaire en trichant. On peut se demander comment ils feront le jour des examens nationaux. L’IA générative renforcera les inégalités scolaires au lieu de les combattre. Elle risque de favoriser les élèves ayant une formation intellectuelle solide, rigoureuse et aboutie.
Dès lors, se pose la question de l’insertion de l’IA comme outil de travail pour les élèves au cours de leur scolarité. Le but n’est pas d’interdire tout, à partir du moment où l’IA est strictement assujettie à des besoins pédagogiques, mais de définir sans démagogie la juste place de l’IA dans un cursus scolaire. Selon le SNALC, le moment idoine est lorsque l’élève est apte à se servir intelligemment de l’IA. Il faut d’abord s’assurer qu’il s’est approprié les savoirs et leur mise en œuvre avant de l’inciter à utiliser cet outil complexe et périlleux. Bref, lorsqu’il est armé intellectuellement et conscient des limites et risques. En attendant, le SNALC est persuadé que l’école doit protéger du recours systématique à l’IA par les élèves voire, osons le dire, apprendre à ces derniers à s’en passer. Chaque chose en son temps.
[1] « IA : comment ChatGPT métamorphose la triche scolaire », Le Monde, 2025