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Harcèlement(-s)

© Mohamed Hassan de Pixabay

Je vous avouerai que la prise de fonction, le 20 juillet 2023, de M. Gabriel Attal, nouveau ministre de l’Education du Gouvernement d’Elizabeth Borne, m’a fait soulever un sourcil de ma résignation désabusée quant à la situation du Ministère le plus important de n’importe quel gouvernement au monde : l’Instruction de la Jeunesse ! Car en effet, il est primordial de mettre un jour les pieds dans le plat, et même de sauter à pieds joints dans le plat de la réalité ; quoiqu’en pensent les pédants de notre société, le Ministère de l’Instruction Publique (je me refuse catégoriquement à l’appeler Éducation Nationale tant les implications sont graves et sérieuses et il faudra qu’un jour je développe ce thème dans un bulletin) est LE ministère le plus important d’une société car il instruit, prépare, enseigne, transfère les savoirs, connaissances, compétences acquis par les générations précédentes aux générations futures d’une même société afin que ladite société perdure dans les années à venir. Hum !… qu’ai-je donc bien pu rédiger là ! Oh ! Je sens que je me suis laissé emporter par un enthousiasme qui n’est malheureusement plus de mise de nos jours et c’est bien ce que je disais plus haut, M. Gabriel Attal m’a fait lever un sourcil de ma résignation déprimée depuis son accession aux responsabilités de notre Ministère. Mais ce fut de courte, très courte durée, car depuis il a été nommé Premier Ministre le mardi 9 janvier 2024 (Meilleurs Vœux !) remplacé à l’Hôtel de Rochechouart, rue de Grenelle par Mme Amélie Oudéa-Castera, au passage éclair digne d’une sprinteuse aux Jeux Olympiques qu’elle organise cet été à Paris (Oh… trop facile…), suivie de Mme Nicole Beloubet, nommée le 8 février 2024. A qui la suite ? Là, je m’arrête trois secondes : 3 ministres en 8 mois ! Est-ce bien sérieux ? Ne me suis-je pas un tantinet fourvoyée dans mon introduction ? Ministère le plus important d’une société ? Euh… Qui donc dois-je fustiger ? Moi pour croire encore aux contes de fées ? Notre gouvernement, pour son inconséquence irresponsable ? Ou bien nous autres citoyens pour avoir voté pour des incompétents incapables de se mettre sérieusement au travail sur des sujets cruciaux ? Bref ! Mais reprenons…

Mais alors qu’avait donc bien pu faire M. Attal pour soulever, à la Rentrée 2023, mon intérêt effondré depuis plusieurs années ?
Et bien, après son inénarrable prédécesseur dont l’action au sein du Ministère de l’Instruction Publique a ressemblé à l’activité d’une amibe échouée sur un rocher breton en pleine canicule, M. Attal n’a fait ni une ni deux et s’est attelé au problème du harcèlement scolaire.

Vaste sujet s’il en est dans notre bien belle société qui s’est joyeusement emparée du phénomène des réseaux sociaux non pas pour agir collectivement à l’instar des lobbyistes d’entreprises, et résoudre les multiples difficultés du quotidien en faisant pression de tout son poids d’électeurs sur les responsables grassement rémunérés par nos impôts pour les résoudre dans le sens du bien commun, mais plutôt pour s’invectiver, s’insulter, se haranguer, se menacer comme des hooligans mal dégrossis. Cela a commencé très lentement avec l’avènement des téléphones portables et d’Internet dans nos vies, puis au fil des diverses applications de mise en réseaux des citoyens, cela a touché les enfants à qui il était normal de confier un téléphone dès l’âge de 7 ans…

Anecdote : ma cousine, professeur des écoles dans une école primaire en Alsace, me racontait dernièrement avoir reçu une maman dont l’enfant de 7 ans jouait constamment avec son téléphone portable en classe. Ma cousine, tentant l’approche diplomatique, demanda à la maman si ce n’était pas un peu jeune, 7 ans, pour disposer d’un téléphone à connexion internet. Peut-être qu’un enfant de cet âge n’avait pas encore la capacité de réflexion pour faire la part des choses. (Tout ceci bien entendu en marchant sur des œufs, je vous prie de croire). Réponse de la maman : aucun problème, son enfant sait parfaitement gérer son téléphone portable, elle ne voit pas où il y a un problème et pourquoi on l’embête avec cela ni pourquoi on la convoque pour aborder un sujet qui n’a pas lieu d’être ; c’est à elle que revient la décision. Et je vous fais grâce de la suite. Ce dont je ne vous fais pas grâce, en revanche, c’est du prochain arrêt de travail de ma cousine qui 10 semaines après la Rentrée des Classes n’en pouvait déjà plus. Et parce que rien n’est fait à aucun niveau, en se voyant octroyer un arrêt de travail pour enrayer un « burn-out » (traduisez en français correct « crise de surmenage ») qui pointe, ma cousine augmentera le déficit de la Sécurité Sociale mais à vous parler franchement entre voir le trou de la Sécurité Sociale s’agrandir et suivre le cortège funéraire de ma cousine, mon choix est fait ! Vas-y ma belle ! Prends rendez-vous et fais une pause bien méritée !

Bref, Monsieur Attal, donc, s’est attaqué au plus que douloureux problème du harcèlement scolaire et de ses causes, les réseaux sociaux, ainsi que de son corollaire le plus lamentable, l’indifférence de certains dans les Rectorats quand cela ne se passe pas directement dans les établissements scolaires, comme certains exemples nous l’ont lamentablement démontré (je veux parler des cas de Lindsay en mai 2023 et de Nicolas en septembre 2023).
A ceci, je n’aurai qu’un mot, M. Attal : « FELICITATIONS ! » J’en aurai bien un deuxième : « MERCI ! »

Félicitations d’avoir accepté de vous relever les manches, brièvement, et de plonger les mains dans l’indicible crasse mentale et psychologique qui règne dans une profession qui a l’obligation d’être exemplaire, car on n’enseigne jamais mieux que par l’exemple ! Et si nous voulons enseigner la droiture citoyenne, professionnelle et psychologique ainsi que l’éthique sociale, rien de mieux que de montrer l’exemple. Nous en sommes loin, très loin, quand nous laissons des enfants s’invectiver, s’insulter, se harceler via les réseaux sociaux, ou se battre directement sur le trottoir devant nos établissement scolaires. Alors oui Félicitations Monsieur Attal de nous avoir, l’espace de 6 mois, montré l’exemple. Car l’exemple doit venir d’en haut et depuis des décennies l’exemple venant d’en haut était moche, dégueulasse et a pourri toutes les branches de notre profession. En quelques mots, quelques attitudes, quelques décisions, vous avez injecté les première gouttes d’eau de javel purifiante dans un système bloqué par un gros bouchon de pourriture. Ah ! Si seulement vous aviez accepté de continuer… à nous montrer l’exemple. Je me serais pris à rêver qu’un jour peut-être notre beau Ministère pût regagner ses lettres de noblesse et nous par la même occasion redevenir ce que nos prédécesseurs étaient par le passé, les phares de l’avenir de notre société. 


Et puis « MERCI ! » aussi de nous avoir très brièvement soutenu dans notre quotidien et de nous avoir rendu, un tant soit peu, notre fierté au cours de ces 6 mois. Depuis des années, nous nous étions accoutumés à nous faire marcher dessus, à courber l’échine, à détourner le regard, à accepter ce qui est inacceptable, bref à servir d’essuie-pieds à la société. Ce n’est pas notre rôle. Mais j’ai une question : quel est notre rôle ? Je pensais peut-être un peu naïvement que nous autres professeurs, notre rôle était d’enseigner, de transférer des savoirs et des compétences aux jeunes générations. J’ai dû louper un épisode… 


En réalité, j’en ai loupé plusieurs, mais il y en a 2 que je n’ai pas loupé et ce sont les épisodes qui ont vu votre splendide envol s’interrompre dans un essor foudroyant vers l’Hôtel de Matignon brisant là nos rêves de changements. Fallait-il que nous soyons stupides à ce point-là, nous autres enseignants pour croire que notre sort allait s’améliorer ? Comme nos élèves, nous n’apprenons jamais et c’est bien là notre seule raison d’être encore dans nos établissements… nous rêvons ! Et vous, très cher M. Attal, en dépit de vos 34 printemps, vous ne rêvez plus. Vous êtes solidement ancré dans votre siècle, votre réalité, votre société faite d’une carrière à construire, la vôtre ; le Président vous a proposé Matignon et vous l’avez accepté. Félicitations ! Nous autres enseignants, nous ne construisons rien, ni notre propre carrière, inexistante depuis 20 ans, le gel du point d’indice et le PPCR, ni même les savoirs, connaissances et compétences de nos élèves ; vos prédécesseurs et leurs diverses réformes s’en sont assuré ! Je vous imagine assez intelligent pour vous en être rendu compte au cours de ces 6 mois à éplucher les dossiers échoués depuis des décennies et laissés à l’abandon sur le bureau du Ministre au sein de l’Hôtel de Rochechouart ce qui a sans nul doute été une des quelques raisons qui vous ont poussé à un si jeune âge à tenter l’aventure risquée de l’Hôtel Matignon : « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ! » Bon courage et bon vent !
Mais donc, que faire ? 


L’actuelle résidente de l’Hôtel de Rochechouart s’intéresse-t ’elle encore au phénomène du harcèlement scolaire ? Est-ce encore un sujet d’inquiétude, de réflexion, de travail pour notre Ministre ? Si tel était le cas, par un hasard extraordinaire, il vous faudra, Madame La Ministre, accepter non pas de l’aborder au singulier, mais bien plutôt, et c’est là où je vous attends, moi, ma résignation, ma déprime et peut-être mes collègues aussi, au pluriel ! Car oui, le harcèlement scolaire n’est pas un phénomène unique mais bien plutôt des phénomènes pluri-morphes que je me propose de vous présenter dans toutes leurs monstrueuses réalités et leurs ignominieuses conséquences. 


Le harcèlement des élèves par les élèves : 


Celui-ci, votre prédécesseur, actuel chef du gouvernement s’y est attelé et avec quelle détermination ! Je veux croire que vous en avez pris toute la mesure et l’ampleur et que vous saurez trouver des voies pour le résoudre. Après tout, vous êtes notre ministre et ce sujet, comme tant d’autres fait partie de vos responsabilités. Vous avez accepté d’ouvrir les yeux sur une réalité qui mine nos établissement scolaires, qui détruit notre travail mais aussi nos réputations et qui par conséquent a depuis longtemps dévasté la relation de confiance qui est censée lier le monde de l’enseignement aux familles qui lui confient leur bien le plus précieux, leurs enfants.


Le harcèlement des enseignants 


Par les parents d’élèves
Maintenant, je me propose de vous ouvrir les yeux sur une réalité dont personne ne veut prendre conscience, dont personne ne veut parler et pour cause, elle est aussi source de honte pour nous autres enseignants. De honte ? Oui ! il faudra bien un jour poser des mots sur les maux ! Qui acceptera de dire les choses véritablement ? Cette phrase d’Albert Camus est à la mode en ce moment, alors utilisons-la nous aussi : « Mal nommer les choses, c’est ajouter du malheur au monde. » Alors oui, je vais les nommer une bonne fois pour toutes ! Les enseignants aussi sont harcelés au quotidien et c’est indiscutablement l’une des raisons de nos nombreux burn-out et sans doute la raison des démissions et ruptures conventionnelles qui s’abattent en rafales sur les rectorats depuis plusieurs mois. Alors que se passe-t’il ? Attention le lien de causes à effets est un peu long… et complexe. 


Depuis la mise en œuvre de la dernière réforme du lycée (qui soit dit en passant reste toujours incomprise des familles inscrivant leurs enfants au lycée général et technologique jusqu’à grosso modo la deuxième moitié de la classe de Première quand ils doivent créer leur compte Cyclade pour le Baccalauréat) qui a vu la mise en place des Enseignements de Spécialités, il nous a fallu comprendre ce qui était rédigé en tout petits caractères invisibles, à l’encre pas si sympathique que cela, entre les lignes de la réforme. D’abord, dans la Fiche Educonnect, la case « doublement » a subrepticement disparu indiquant en filigrane que recommencer une année (en raison soit de difficultés d’apprentissage, soit d’utilisation irraisonnée de son téléphone portable ou autres raisons multiples et variées) n’était plus possible. Donc en vertu de ce que mon ancienne sous-directrice appelait très joliment « la négociation par la discussion » de nouvelles situations stressantes ont été créées pour les enseignants (sans la moindre rétribution, par contre, faudrait tout de même par rêver non plus, il s’agit de temps investi pro bono – nous pouvons bien faire cela car nous sommes des « feignasses » payés pour travailler seulement 18 heures par semaine ; ben tiens, pardi !) : les réunions d’orientation post-conseils de classe au cours desquelles, nous sommes chargés de discuter avec les familles des élèves qui n’auraient pas obtenu les résultats nécessaires pour un passage serein en classe de première générale. Bien, quand on décrypte ma prise de pincettes, cela donne en langage clair : ceux de nos élèves dont les résultats, en Seconde, sont inférieurs à 10/20 dans les matières qu’ils choisissent pour être leur futurs Enseignements de Spécialité ! 


Et je vous la fais courte : au bout du chemin de Seconde, en dépit de toutes les satanées réunions inutiles au cours desquelles nous rabâchons à l’envi que l’élève doit acquérir des savoirs et des compétences, que la marche est haute entre la seconde et la première et pire encore avec la Terminale, que tout va se jouer sur Parcoursup et que le Supérieur a des attentes qu’il ne baissera pas… cela donne : 


1) une Réunion d’Accueil des Familles de Seconde à la mi-septembre suivie de
2) la fameuse « Réunion Parents-Professeurs » après les Conseils de Classe du Trimestre 1 à laquelle les familles viennent uniquement pour quémander des éloges glorieuses pour leurs rejetons et pouvoir se gonfler d’orgueil en rentrant chez eux, mais quand vous abordez le travail réel du soir, l’utilisation du téléphone portable et l’orientation, ils vous regardent effarés ; ils ne sont pas venus pour cela !
3) une réunion d’orientation « Professeur Principal – Familles », après le Conseil de Classe du Trimestre 2, au cours de laquelle nous répétons encore une fois ce qui a déjà été dit aux familles et aux élèves pendant les séances d’orientation de Vie de Classe ; ils devraient normalement être gavés !

Que remarquons-nous ? C’est simple, rien n’a changé au cours de l’année. Les moyennes restent peu ou prou les mêmes. Nous avons d’excellents élèves qui restent excellents. Nous avons des élèves moyens qui restent moyens. Et pour dire les choses avec diplomatie, nous avons des élèves en grande difficulté qui demandent sans vergogne un passage en classe de première générale avec des enseignements de spécialité dans des matières dans lesquelles ils obtiennent des résultats en dessous de la moyenne. En général, les familles nous disent : « Vous n’allez pas empêcher mon enfant de poursuivre ce qu’il souhaite. Il a un beau projet. Il fera ce qui doit être fait, nous lui faisons confiance ! » Si l’élève a un beau projet, je me pose toujours la question de savoir, pourquoi il n’a pas fait le nécessaire pour l’atteindre sans difficulté ; mais bon, je suis sans doute moi-même stupide. La suite logique de cette situation, comme le Conseil de Classe fait logiquement barrage, c’est un Rendez-Vous avec le chef d’Etablissement, lequel (pour avoir la paix, nous en parlerons plus bas) accepte le passage en Première Générale de l’élève. A la rentrée de septembre, cette année, mes collègues de Maths s’arrachaient les cheveux de la tête en constatant dans leur liste de Classe le nom de ces élèves qui avaient obtenu Enseignement de Spécialité Math avec 5/20 de moyenne. 


Alors me direz-vous, où se situe le problème de harcèlement des professeurs ? Là, je vous ai planté le décor qui s’est installé dans nos établissements depuis le début de la réforme en 2019. Désormais, les familles, qui elles aussi possèdent des réseaux sociaux « de familles » ont mis en place la « contre-attaque ». Désormais, les familles nous ciblent, nous les professeurs. Chaque mauvaise note est perçue comme une atteinte à la liberté de l’élève d’évoluer et d’accéder à « son beau projet » et nous voici, nous professeurs (je vous le rappelle ici à toutes fins utiles : BAC+5 + un Concours gratiné) convoqués par les familles pour justifier nos notes, nos notations, nos évaluations, voir même souvent sommer d’un ton péremptoire par les familles de revoir la note de leur chérubin car et je cite « cette note est inacceptable, mon enfant a travaillé ce cours ! » Pour ceux qui ne me croiraient pas (mais franchement nous connaissons tous la situation…) j’ai de quoi rédiger un livre témoignage de plus de 300 pages sur le sujet. Quand j’aurai réussi à dormir et à prendre un peu de recul… Vœu pieux ! 


J’ajouterai cette anecdote. Savoureuse. Vécue par une proche collègue (tellement proche que nous déjeunons ensemble chaque jour de la semaine ; raison pour laquelle je connais l’anecdote). L’an dernier, en cours de SPE d’une matière analysant la société, ma collègue demande une revue de presse avec constitution d’un dossier d’articles sur un thème en lien avec le chapitre étudié et relevé d’informations chiffrées. Ma collègue indique une date de retour et donc de remise de ce travail, deux semaines plus tard. Chat échaudé par plusieurs mésaventures au fil des années précédentes, ma collègue fait circuler une feuille portant le nom des élèves indiquant l’intitulé du travail de recherche et la date de remise au professeur pour notation selon les critères de réussite définis par le BO qu’elle fait signer à chaque élève (histoire d’assurer ses arrières et de « bétonner » la situation…). Deux semaines plus tard, cinq élèves ne lui rendent pas le travail en même temps que le reste du groupe classe. Ma collègue annonce un point en moins par jour de retard dans la remise du travail en mesure d’équité par rapport à ceux qui l’ont remis le jour défini. Elle reçoit le lendemain quatre dossiers plus ou moins assortis d’excuses suivant le style d’éducation reçue à la maison. Reste une élève qui rend son travail deux semaines et demi après ses camarades ! Etonnant, pour le moins ! Ma collègue refuse le travail et lui annonce qu’elle aura zéro. Le travail étant dû pour une date précise pour laquelle elle avait signé. Et que pensez-vous qui est arrivé ? C’est simple. Ma collègue s’est retrouvée sommée par la mère de l’élève au moyen d’un message électronique de lui trouver une heure de rendez-vous le soir même ; rendez-vous pendant lequel la mère de l’élève a annoncé à ma collègue qu’elle était avocate (comprenez « je vous méprise et je vais vous écraser »). Elle lui a ensuite sorti une plaidoirie en bonne et due forme assortie de quelques articles de loi (que ma collègue n’a pas creusé, je vous avouerai) et d’une conclusion en guise de crucifixion. Ma collègue en est ressortie lessivée au bord des larmes, m’a appelée au téléphone pour s’épancher pendant une heure. Vous voulez savoir ce qu’elle a fait ? Elle a changé le zéro bien mérité pour la mention « abs ». Aujourd’hui ma collègue est en arrêt de travail pour burn-out depuis le 4 novembre 2023. Je me demande bien pourquoi ? Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse ! Et je ne veux même pas faire de l’humour là. 


Et si vous pensez une seule seconde qu’il s’agit de cas isolés, détrompez-vous tout de suite ! C’est notre lot quotidien. Nous mettons seulement en place des stratégies d’évitement pour tenter d’avoir une vie privée un peu apaisée. Je dis bien un peu ! 


Avant les années 2000, nous pouvions mettre un zéro pour un travail non fait. C’était formateur et cela sanctionnait un élève qui ne faisait pas son travail. Aujourd’hui c’est impossible ! Comment voulez-vous 1) motiver les élèves à s’investir dans quelque travail que ce soit (et je pèse mes mots…) et 2) que nous soyons respectés ? Avec de telles méthodes, c’est tout simplement impossible ! 


Il y a quelques semaines, je rentre dans le bâtiment des secondes du lycée où j’enseigne et je constate que la surveillante d’ordinaire souriante est un peu sombre. Je lui demande comment elle va et elle me répond qu’elle n’en peut plus. Je m’enquiers de son mal-être et elle me répond que les parents sont aussi intenables que les élèves. Elle a reçu le matin même à 08h05 un appel téléphonique d’un parent qui l’avait copieusement insultée et traitée des pires horreurs parce que « le prof de 08h est absent et vous n’avez pas prévenu les élèves ! Mon fils aurait pu dormir plus longtemps !… » Le problème, c’est que l’enseignant s’était levé le matin même malade pour aller vomir au saut du lit avant d’appeler pour signifier son incapacité à pendre son poste : impossible de prévenir plus tôt ! 


Des exemples comme ceux-là, nous en connaissons tous ! Mais cela ne s’arrête pas là, car un professeur non content d’être harcelé par les familles, a aussi la joie d’être harcelé par son chef d’établissement. 


Par les chefs d’établissement :
Et dans le cas des chefs d’établissements les situations de harcèlement sont multiples. Pour information, après avoir consulté d’une part une inspectrice du travail et d’autre part après m’être adonnée à la lecture fort intéressante du Code de l’Education, voici une base des plus instructives. Premièrement un enseignant n’est assujetti qu’à une obligation de 10 heures de travail par jour à compter de l’horaire d’ouverture de son établissement (en général 08h00 / 08h30 du matin) et ce en prenant en compte toutes les plages horaires d’enseignement disponibles dans son établissement. Cela laisse rêveur pour ceux d’entre nous qui ont la joie d’avoir des créneaux de cours sur des horaires aussi sympathiques que 12h00-12h50 et 12h50-13h45… ou pour qui leurs établissements ont validé les réunions de travail hors temps de cours mais sur la pause méridienne. Donc je reprends, 10 heures par jour à partir de 08h00 du matin font que nous pouvons décemment rentrer chez nous entre 17h40 et 18h00. N’oubliez pas les magnifiques lots de copies à évaluer qui font partie de notre temps de travail ! Pour ceux, en dehors de l’Education Nationale, qui critiquent, je peux fournir des lots de 38 copies avec la jolie fiche d’évaluation assortie à 4 colonnes de critères qui génère 1 copie = 20 minutes d’évaluation ! Bon courage ! Vous allez comprendre la tannée ! 


Alors une fois que les bases sont posées, que pensez-vous d’un chef d’établissement qui exige de ses professeurs une Assemblée Générale à 18h00 ? 


Que pensez-vous des réunions « Parents-Professeurs » qui démarrent à 17h00 et se terminent à concurrence de tous les rendez-vous pris, en général après 22h00 ? C’est normal de travailler de 08h00 du matin à 22h00 ? Qui accepte cela dans le Secteur Privé ? Sans heure supplémentaire rémunérée ? Sans droit de regard ? Harcèlement ou bienveillance ? – Je vous pose la question par pure formalité parce que personnellement j’ai la réponse : c’est de la maltraitance, pure et simple ! Je vous ai dit en introduction qu’il fallait mettre les pieds dans les plats et là, je les mets ! Je saute même à pieds joints dans le plat de la maltraitance au travail au sein même de la fonction publique ! Qu’a dit Albert Camus déjà ? « Mal nommer les choses, c’est rajouter du malheur aux maux ? » Et bien nous y sommes !!!
Mais il y a mieux ! Si, si, c’est possible ! On peut toujours faire mieux dans l’ignominie ! Surtout quand l’Omerta règne en maître et que personne ne dit quoi que ce soit ! 


Il y a des enseignants qui ont à cœur d’effectuer leur travail correctement sans langue de bois et avec courage. En dépit d’un âge respectable (le mien : une joyeuse petite cinquantaine) certains enseignants refusent de galvauder leur matière et d’accorder des notes indues à des copies illisibles, mal rédigées et annonçant des résultats erronés dans le seul but de garantir la paix sociale au Chef d’Etablissement en lui évitant les récriminations des familles aux cris de « Les élèves ne comprennent pas cet enseignant » ; « Cet enseignant est nul, si mon enfant avait eu M. ou Mme X comme comme le fils de nos amis Y, il aurait de meilleures notes » ; « c’est inacceptable, cette note va bousiller l’avenir de mon enfant sur PARCOURSUP », je vous en passe et des plus savoureuses. Le collègue se retrouve dans le bureau du Chef d’Etablissement qui le somme de changer ses notes, de les remonter. Sur quel critère ? Aucun ! Mais il faut remonter. Un de mes collègues a même vu ses notes être tout simplement gelées dans le système informatique jusqu’à ce qu’il accepte de les remonter. Certains chefs d’établissement ont la réputation de déclencher des « inspections-punitions » dès qu’un enseignant ne leur convient pas ou ne répond pas à leur chantage. Rappelons ici si besoin était qu’un Chef d’Etablissement n’est pas le supérieur hiérarchique d’un enseignant et que ce même Chef d’Etablissement est frappé « d’incompétence pédagogique » parce qu’il ne peut pas être un spécialiste de toutes les matières enseignées dans l’établissement qu’il gère. Un chef d’Etablissement n’est qu’un gestionnaire. Il gère les horaires, les lieux, les ressources humaines mais ne doit en aucun cas se mêler de pédagogie. Alors ????? 


Petite anecdote qui me fait toujours me tordre de rire à plus d’un titre. Elle remonte à avant la crise du COVID mais elle est toujours aussi savoureuse. Un jour de fin novembre 2019, notre Responsable Niveau Terminal qui est aussi enseignante en Histoire-Géographie est convoquée de façon urgente dans le bureau de notre chef d’établissement. Elle entre et se fait incendier en guise de préambule : « C’est inadmissible ! Vos notes pour l’Epreuve Commune de Terminale sont trop basses. Vos critères d’évaluation sont insensés ! J’ai les parents au téléphone depuis hier. C’est inacceptable ! Ré-évaluez les copies ! » La collègue un peu sonnée et franchement interloquée le regarde et s’aventure à lui demander s’il en est bien sûr, s’il ne s’est trompé ni de professeur ni d’évaluation. « Vous êtes bien la professeur de la classe de Terminale Y qui a passé l’Epreuve Commune d’Histoire-Géographie le 21 novembre à telle heure ». « Euh ! Oui ! c’est bien moi. » Et c’est là où ça devient savoureux, je vous garantis, j’adore cette histoire, tenez-vous bien ! Véridique ! « Alors relisez les copies et changez les notes j’en ai marre d’avoir les parents au téléphone, ça ne peut plus durer ! » la collègue ne s’est pas démontée et je l’embrasserais, encore aujourd’hui. « Oh ! Mais monsieur, nous allons même faire mieux que cela. Les copies ne sont toujours pas évaluées, elles sont dans ma voiture ; je vais vous les chercher et je vous les donne. Vous allez leur mettre la note que vous voulez ! » Chef d’Etablissement coi, sidéré, blanc comme un linge. 


Il fallait entendre la rumeur « pisser de rire » dans la salle des profs de l’établissement toute la semaine durant laquelle cette situation s’est produite. Parce que oui, des parents osent se plaindre de mauvaises notes sur des copies qui n’ont pas encore été lues ni évaluées par un enseignant ! Voilà notre quotidien professionnel ! 


Dépêchons-nous d’en rire de peur d’avoir à en pleurer ! De Jules Ferry à aujourd’hui, de l’école rigoureuse de mon grand-père produisant des citoyens responsables au marigot d’aujourd’hui, où en sommes-nous arrivés ?
Mais les professeurs son

t des êtres à la résilience infinie car là ne s’arrête pas le harcèlement qu’ils subissent. Un collègue ne cesse de me répéter qu’étant le maillon faible du système, nous sommes également la variable d’ajustement à qui le système fait absolument tout subir. Il n’a probablement pas tort car même les inspecteurs, ce corps chargé de s’assurer que tout se passe comme il se doit, se chargent de nous faire subir quelques outrages. 


Par les Inspecteurs et le PPCR 


Tout d’abord il y a le PPCR, délicieux acronyme signifiant « Parcours Professionnels, Carrières et Rémunérations » que chaque enseignant redoute comme la peste tant le moment est épuisant. Mis en œuvre à la Rentrée 2017, le PPCR devait remplacer les inspections d’antan dont l’objectif était de vérifier qu’un enseignant enseignait bien en classe et que les élèves étaient réellement mis en situation d’apprentissage. L’un dans l’autre, inspection ou PPCR, c’est peu ou prou la même chose me direz-vous et vous auriez sans doute raison. A l’époque, les inspections ou pour le moins leurs apparitions dans la carrière d’un enseignant étaient assez opaques. Je me rappelle avoir été inspectée en 1996 (cela remonte un peu, aujourd’hui) alors que j’effectuais un remplacement sur un poste à double discipline, anglais et français. J’ai été prévenue la veille pour le lendemain, totalement naïve, je n’ai rien préparé de spécial et les élèves de 5è à l’époque ayant à cœur de donner une belle image d’eux-mêmes ont participé comme une bande de joyeux drilles ce que l’inspecteur, un monsieur charmant et courtois n’a pas manqué de remarquer. Lors de l’entretien qui a suivi, cet homme d’une bienveillance empathique m’a indiqué que mon cours était très bien et a relevé chez moi un petit défaut dont il s’est amusé à m’indiquer qu’il était l’inverse de la collègue qu’il avait inspecté l’heure précédant mon cours : ma collègue écrivait trop au tableau, moi pas assez. Fin de l’inspection. 


De nos jours, le PPCR est perçu et vécu comme une séance au Tribunal de l’Inquisition. Vous avez préparé, à grand renfort de didactique, un cours à tiroirs comportant des tâches et des micro-tâches à soumettre aux élèves organisés en groupes (par vos soins) selon des critères mettant en œuvre une équité d’apprentissage (décryptez il faut mélanger les niveaux pour que chacun puisse apprendre d’un tiers ou le mettre en difficulté, cela dépend de la grille de lecture) ; il faut chronométrer les activités (et faire en sorte que chaque activité ne dépasse pas 8 mn car les dernières études indiquent que l’attention des élèves ne va pas au-delà de 8 mn et l’école n’est pas là pour leur demander de se dépasser ni de faire un effort – il ne faudrait pas exagérer tout de même !) ; toutes ces activités au cours desquelles les élèves sont censés « collaborer et coopérer » en échangeant entre pairs, voire entre groupes, des informations qui doivent les conduire à une tâche finale, cerise sur le gâteau, laquelle doit être l’inverse de ce qu’ils ont travaillé pour y arriver. Pas mal, hein ?! Que veux-je bien dire par là ? Et bien, c’est assez simple : si en groupes, les élèves ont étudié, un texte, ils doivent produire en tâche finale de séance un oral. Et comme vous êtes tous astucieux, vous aurez compris que s’ils ont travaillé un document audio, ils doivent produire un document écrit. Vous pouvez compliquer les choses à loisir avec quelques images au gré de vos envies, mais je vais vous calmer un peu. Sachez que l’inspecteur n’est pas là pour vous féliciter, ni se montrer bienveillant. Que nenni ! Il ou elle est là pour vous enfoncer la tête dans les épaules bien profond afin que vous n’espériez rien du tout. La bienveillance et les encouragements ce n’est pas pour vous ! Non ! C’est pour les élèves et les parents ! N’oubliez pas que vous êtes « la variable d’ajustement » ! 


Ma meilleure amie, britannique (et Londonienne, c’est important) a vécu un PPCR du 8è échelon d’anthologie. Vous aurez compris mais c’est mieux en le précisant, qu’elle était professeur d’anglais. L’inspectrice arrive dans son cours, en retard d’une bonne grosse dizaine de minutes, interrompt le cours et va s’installer au fond de la salle pour tirer une tête de 6 pieds de long. Pendant le restant de la séance, elle fait ce que tout inspecteur fait, circule, écoute les élèves échanger au sein des groupes, regarde la documentation et prend des notes. Vient ensuite l’entretien « de carrière » et là, mon amie s’est pris une douche glacée : « Heureusement que vous êtes anglaise et que votre accent est correct parce que le cours auquel je viens d’assister est complètement nul ! Ni fait ni à faire ! » Vous comprendrez aisément que mon amie, en bonne anglaise et londonienne « was shell-shocked » ! – Comprenez « pétrifée » ! L’inspectrice lui a fait le détail de tout ce qui n’allait pas pendant le reste de l’entretien pour terminer par « vous avez des questions ? ». Ayant légèrement repris ses esprits, mon amie lui a tout simplement demandé : « Et maintenant que se passe-t’il pour moi ? » – « Oh ! Rien. Vous passerez à l’échelon 9 dans deux ans et on reviendra vous voir. » Mon amie l’a regardé partir hébétée, est rentrée chez elle pour pleurer dans son salon. Quand deux ans plus tard, la visite du 9è échelon s’est annoncé, avec un inspecteur différent, mon amie m’a simplement dit : « Pour ce que cela m’a apporté, je ne change rien et je lui sers la même séance. De toutes façons… » Et c’est ce qu’elle a fait. Et ?… Le nouvel inspecteur était ravi, l’a même copieusement félicité, lui a donné quelques petits conseils tout-à-fait pertinents (d’après mon amie). Bien que mené par un homme charmant et courtois, mon amie en est sortie épuisée nerveusement. Une question demeure : pourquoi exige-t’on de nous une bienveillance extrême à l’égard des élèves quand celle-ci est inexistante à notre endroit après avoir obtenu des diplômes importants et passé un concours garant de nos compétences ? 


La conclusion de cette petite anecdote, un an après le dernier PPCR de sa carrière, subissant des pressions de son chef d’établissement suite à une magouille « underground » autour de la ventilation horaire, à bout de nerfs, ma collègue, britannique (avec un accent sublime… une chance pour ses élèves) soutenue par son mari français a tout simplement jeté l’éponge et envoyé sa démission au Rectorat comme bon nombre d’autres de nos collègues depuis quelques années, grossissant l’hémorragie de professeurs qualifiés qui n’en peuvent plus des conditions d’exercice d’un métier qu’ils ont aimé mais qui aujourd’hui n’est plus que l’ombre de ce qu’il fut et ne remplit plus les objectifs qui étaient le sien lors de sa conception c’est-à-dire révéler les compétences de demain utiles au rayonnement de la nation. 


J’aimerais ajouter finalement au sublimissime de l’inspection PPCR, les critères sur lesquels nous sommes évalués par nos inspecteurs. Et pour ce faire il me faut vous rappeler l’ORS (Obligation Réglementaire de Service) d’un enseignant, c’est-à-dire : l’enseignement d’une discipline (18h/semaine), la préparation et l’évaluation du travail des élèves (traduisez copies et oraux ; et là on rêve si on pense que cela se limite à 18h/semaine) auxquels s’ajoutent les réunions pédagogiques et les réunions d’informations des familles. 


C’est la feuille de mission d’un enseignant. Plutôt logique ! Rien à dire !
Alors maintenant, il va falloir m’expliquer pourquoi un inspecteur nous évalue sur les Voyages Pédagogiques que nous organisons. Personnellement je ne suis ni Guide Touristique, ni Agent de Voyage et il est absolument hors de question que j’emmène en voyage hors des murs de l’établissement un groupe de 50 élèves incontrôlés voire agressifs qui n’ont reçu aucune éducation sociale de base de la part de leur famille vers un pays étranger alors que le monde est en ébullition, en proie à une violence hors norme. C’est une responsabilité inouïe. Sortir les enfants hors du pays est une responsabilité familiale ! A toutes fins utiles, je vous rappellerai l’attentat sur le Parlement de Westminster à Londres le mercredi 22 mars 2017 qui a vu trois élèves d’un lycée de Concarneau être hospitalisés dans un état grave dans un hôpital londonien (https://www.lemonde.fr/societe/article/2017/03/23/attaque-de-londres-au-lycee-saint-joseph-les-eleves-choques-pour-toute-leur-vie_5099802_3224.html ). Personnellement, je me refuse à devoir affronter la vie après cela ! C’est une responsabilité familiale. On me rétorquera que ce n’est pas équitable, tous les parents ne peuvent pas offrir cela à leurs enfants ! Mais dans quel monde vivez-vous ? Rien en ce bas monde n’est équitable. C’est Maxime Le Forestier qui l’a si bien dit dans sa chanson « Né quelque part » : « On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille / On choisit pas non plus les trottoirs de Manille / De Paris ou d’Alger pour apprendre à marcher / Être né quelque part (…) » Parce que vous croyez honnêtement qu’entre un enfant né dans une famille française dans un village de province et le fils d’un milliardaire du CAC 40 (que je ne nommerai pas ici) les chances sont les mêmes dès le début de la grossesse de leurs mamans. Cessons de rêver, s’il vous plaît ! 



Un professeur enseigne, de préférence entre les murs des bâtiments d’une école, mais parfois en cas de pandémie en Visioconférence faute de mieux, les parents éduquent ! Point à la ligne ! (Je vous raconterai un jour le voyage fortement instructif pour le groupe accompagnateur de collègues de nos classes STMG à Paris ! – à pleurer !)
Et comme si cela ne suffisait pas, pauvre de nous, nous avons les épaules larges, il ne faudrait pas oublier le harcèlement sur les professeurs exercé par la société elle-même qui s’ingénie à nous mépriser, nous qualifiant de fainéants sans jamais véritablement savoir ce que nous faisons.
Par la société (présentant les enseignants comme des fainéants) : 


Car oui, il n’est pas rare, pour le formuler ainsi, qu’au détour d’une allée de supermarché, d’une conversation estivale sur la plage, au camping, voire même chez mon coiffeur, j’entende des phrases du style : « mon fils est nul en anglais, mais de toutes façons, les profs en France sont tous nuls. Regardez en Allemagne les enfants parlent tous anglais couramment. » Jamais il ne viendrait à l’esprit de ces personnes d’éventuellement considérer que leurs enfants ne travaillent pas assez et passent trop de temps sur leurs écrans, réseaux sociaux et autres jeux vidéo. Mais passons ! Nous y reviendrons.
Je vais tout de suite remettre les choses à plat car j’ai une collègue allemande que j’ai pris un malin plaisir à interviewer. Alors en Allemagne, les classes sont constituées de 15 à 20 élèves (en France, c’est 35 élèves). Les cours de langue sont de 5 heures par semaines ! Oups ! Pardon ? En France, c’est 3 heures en Seconde, 2 heures et demie en Première et 2 heures en Terminale ! Ma collègue précise qu’un cours en Allemagne dure 45 minutes (considéré 1heure pour la rémunération du professeur…). Et si ces formidables professeurs allemands ont 20 heures de cours face élèves par semaine, à raison de 5 heures par classe, si je ne suis pas trop stupide, cela fait 4 classes pour un enseignant. Dans mon emploi du temps de 18 heures face élèves par semaine, j’ai aussi 4 classes (Une seconde à 3 heures dont 1 dédoublée + 1 Terminale à 2 heures dont 1 dédoublée + 1 Première SPE à 4 heures + 1 Terminale SPE à 6 heures + 1 heure de chaire = 18 heures). La différence est dans le travail caché, celui que les parents ne voient jamais et refusent même de prendre en considération = l’évaluation des copies ! 


Donc pour le professeur allemand, ce sera 5 classes à, disons, 18 élèves = 90 élèves environ soit 90 copies à évaluer régulièrement.
Si vous me prenez comme exemple (Seconde = 38 + Terminale = 33 + Première SPE = 34 + Terminale SPE = 24) mon total de copies régulières s’élève à 129, soit 39 de plus ! Je souligne que la première fois que j’ai eu des Terminale SPE, mon groupe classe se montait à 36 élèves ! 9 chapitres ! Entre les évaluations de groupes, évaluations individuelles et les oraux, je vous laisse imaginer ! Mais il est vrai que nous ne faisons rien et que nous avons beaucoup de vacances ! J’ai envie de vous écrire, si vous nous jalousez nos vacances, passez le Concours, venez nous rejoindre ! Nous vous attendons les bras grands ouverts ! Grâce à votre arrivée massive, nous pourrons peut-être diviser les classes en deux et avoir les mêmes conditions de travail que nos collègues allemands. 


Soyons précis, les missions d’un enseignant sont les suivantes : 18 heures face élèves + 18 heures réparties entre préparation de cours et correction de copies (nous avons démontré plus haut l’inéquité entre deux systèmes européens dont l’un est brandi comme la référence du genre) + diverses réunions pédagogiques (dont en général rien ne ressort et ce qui a été débattu n’est jamais mis en œuvre, mais là rien de différent avec le secteur privé – comment puis-je me permettre de l’asséner ? – tout simplement parce qu’avant de revenir dans l’enseignement j’ai fait un détour de 12 ans dans les entreprises, pardi !) + l’obligation d’information des familles, c’est-à-dire les fameuses « réunions parents-professeurs » auxquelles les parents ne viennent que pour entendre des éloges et se sentent offensés lorsqu’on les informe que les apprentissages de leurs chérubins ne sont pas au niveau des attendus. Quand on voit ce qui se passe dans les conseils de classe des 3è trimestre au collège et au lycée, et en particulier au niveau des classes de troisième et de seconde, c’est autant hallucinant qu’effrayant pour l’avenir de ce pays. Mais dans cette réflexion sur le harcèlement, là où j’aimerais attirer votre attention est sur un point précis. Dans le secteur privé, les entreprises, s’attend-on à ce que les réunions avec les clients se passent après les heures de bureaux ? Sachant que ces mêmes réunions font partie de la feuille de poste / mission du salarié. De mémoire, non. Au sein des heures de travail. Alors pourquoi, lorsqu’il s’agit d’un enseignant, nous devrions assurer ces heures d’information aux familles en dehors de nos heures de travail ? Le législateur n’a rien précisé et c’est là où le législateur est clairvoyant car autrement ces heures hors temps de travail donneraient lieu à une rémunération en heure supplémentaire et nous connaissons tous l’état du budget de l’Education Nationale. C’est aussi là que commence le harcèlement ! Flou artistique sublime. Les chefs d’établissement tendent le dos et font passer la pilule en répondant sèchement par un élément de langage « C’est dans votre ORS ! » Oui, mais quand n’est pas précisé !!!! Et on tourne en rond à qui gagnera le rapport de force.
On m’a rétorqué que les parents travaillent et ne peuvent pas se déplacer. 


Et moi je vous réponds, courtoisement, forte de mes 12 années dans le secteur privé, que les familles bénéficient de RRT. Les RTT ne sont pas uniquement disponibles pour prendre de longs weekends de détente, les familles peuvent aussi prendre un RTT pour venir en réunions Parents-Enseignants sur un temps de travail décent et respectueux pour les enseignants. C’est aussi ça le respect de l’enseignant, le retour de leur autorité, la fin de l’Omerta et la fin du harcèlement professionnel. 


Conclusion :
Et on s’étonnera après tout cela que les concours de recrutement ne fassent plus le plein ce qu’attestent les dates de clôture des candidatures sans cesse repoussées à plusieurs semaines depuis trois ans.
Qui voudrait encore postuler pour un emploi surqualifié, sous-payé, mal considéré dont tout le monde se moque ? Qui voudrait encore être professeur quand la société vous crache dessus et vous insulte ?
Qui voudrait encore passer un concours hallucinant portant sur des sujets qui ne seront jamais abordés en classe pour ensuite voir sa vie être menacée sur son lieu de travail, pour certains d’entre nous quasi quotidiennement ? 


Qui voudrait encore passer un concours d’un autre temps, conçu il y a plusieurs décennies pour créer une cohorte de citoyens capables d’enseigner, c’est-à-dire transférer des savoirs et connaissances qui seuls permettent d’acquérir le temps venu des compétences, quand aujourd’hui ce qu’on demande à « un adulte autorisé à entrer en classe » n’est plus d’enseigner à proprement parler, mais seulement d’animer une activité de classe dans laquelle « l’élève est acteur de son apprentissage » comme disent les pédagogistes ? – Petite parenthèse de l’auteur : « Ben, faut voir le résultat ! En classe ! Et à l’écrit ! » = « Du coup, j’étais en mode guerrière et j’ai fait genre j’la vois pas parce du coup, la meuf, du coup, e’m’casse les c… » STOP ! Non ! Pas entre ces murs ! STOP aux vulgarités dans un lieu de savoir et par vulgarité je fais autant référence aux mots grossiers qu’aux éléments de langage tirés de la rue pour donner l’impression « que nous faisons partie du microcosme jeuniste en partageant le salmigondis de charabia qui lui sert de patois communautaire vernaculaire ». Le célébrissime et TOC « du coup » n’existe pas dans la langue française sauf à vouloir faire référence à un coup reçu physiquement tel un ‘coup’ de poing. En revanche, vous pouvez à loisir utiliser « donc », « par conséquent », « en conséquence ». Ils existent et ô surprise font sens employés dans une phrase française correcte. Autre avantage et non des moindres lorsque vous apprenez une langue étrangère, ils trouvent tous une traduction dans les langues étrangères communément enseignées de nos jours dans les établissements scolaires européens. Parce que non, en tant que professeur de langues étrangères, je ne connais pas la traduction de « du coup » en anglais ou en espagnol. Par contre pour traduire « donc » on trouve : « so » en anglais et « entonces » en espagnol ; pour « par conséquent » on trouve « consequently » en anglais et « por consiguiente » en espagnol. Et c’est peut-être là le rôle d’un professeur, enseigner ce qui fait sens et non arbitrer des échanges de niaiseries pour faire émerger encore plus de vide réflexif. Depuis le début de l’instruction (il se dit que l’école aurait peut-être vu ses balbutiements dans la Grèce Antique) l’enseignement a toujours été vertical. Dommage pour les pédagogistes, mais il faut bien apprendre de ceux qui savent et ceux qui savent ont dû apprendre en leur temps. Ni le savoir, ni les compétences ne s’inventent ! De plus, si nous revenons quelques instants sur cet extrait d’une conversation enregistrée à la volée lors d’un déplacement entre deux salles de classe, que peut-on comprendre de la syntaxe hautement fantaisiste mise en œuvre dans cette affirmation vide de sens ? Que veut dire « en mode » et « faire genre » ? Ces deux expressions issues de la rue sont la base de l’expression des « acteurs d’apprentissage » depuis plus d’une décennie. Au lieu d’enrichir le vocabulaire auquel ils peuvent avoir recours pour exprimer leurs idées, leurs ressentis, leurs volontés, leurs envies pour la société qu’ils vont reprendre après nous, les « acteurs d’apprentissage » voient leur vocabulaire s’effondrer avec l’aval des autorités en charge de leur destin, comprenez ici le Ministère et ses acolytes que sont les Recteurs en charge de mettre en œuvre les programmes et pédagogies décidées ainsi que les inspecteurs chargés de faire rentrer dans le rang les enseignants « prétentieux » en les malmenant sans vergogne lors de leurs inutiles rendez-vous de carrière « PPCR » sans autre fonction que de mieux les humilier en classe, lors de l’entretien en face-à-face et au final en leur faisant parvenir un compte-rendu écrit de carrière rédigé de telle manière qu’un employé du secteur privé soit se pendrait sur son lieu de travail soit intenterait un procès aux Prud’hommes qu’il gagnerait sans coup férir ! Et bien, dans l’Education Nationale, que nenni ! Nous sommes résilients ! Nous ne nous pendons pas, nous n’intentons aucun procès. En revanche, ne vous étonnez tout de même pas si nos motivations s’effilochent au vent de la non-considération qui nous est renvoyée… Ne nous prenez pas pour des imbéciles non plus ! 



Qui voudrait passer des nuits entières à préparer des cours qui ne seront jamais mis en œuvre pour à la place tenter de résoudre des problèmes sociaux qui ne sont pas du ressort d’un enseignant ?
Qui voudrait s’arracher les cheveux de la tête pour préparer une séance d’inspection, véritable tribunal de l’Inquisition au cours de laquelle aucune marque de bienveillance ne sera accordée à la victime expiatoire (le professeur) d’un système en ruines qu’on veut prétendre en hauts lieux « efficace, pertinent et équitable » pour tenter d’obtenir une piteuse augmentation de salaire ne couvrant même pas l’inflation ni l’arriéré de 20 ans de gel du point d’indice face à des élèves illettrés, fiers de l’être et agressifs ?
Apparemment une bande d’imbéciles, qui croient encore que leur métier est de préparer les nouvelles générations à prendre le relais pour perpétuer la société héritée des générations qui les ont eux-mêmes précédés. 


Mais jusqu’à quand ? 


Et quand plus personne ne voudra faire ce métier, qu’adviendra-t’il de nos enfants ? Aucun risque ! ChatGPT remplacera les enseignants ! C’est une élève qui me l’a dit et ce sera mieux ! « Plus besoin d’aller à l’école ! On pourra apprendre depuis nos chambres ! » Bon courage ! On a vu cela pendant le COVID et les confinements ! Nous avons aussi vu la réaction des parents face à leurs chérubins censés suivre la continuité pédagogique ! MDR ! LOL ! 


Alors, Madame, Monsieur, la, le résident(-e) de l’Hôtel de Rochechouart, vous avez entrepris de vous attaquer au harcèlement. Honnêtement j’en suis ravie. Mais souffrez que je garde pour moi, pour l’instant mes félicitations (si souvent exigées sur les bulletins par les familles) et mes remerciements. Je vais attendre que vous vous attaquiez à tous les harcèlements, sous toutes ses formes, envers toutes ses victimes, comme le demande le SNALC. Je vais attendre que vous régliez cette plaie endémique qui saigne nos écoles à blanc et ne la menace plus… car en fait, notre école est moribonde (cf. les résultats du PISA) faute de vous voir réagir, vous, censé être notre autorité, à ces coups de butoir qui nous détruisent. 


Bon courage ! Je suis prête ! Et mon bouquet de roses atterrira assorti d’une jolie carte manuscrite sur votre bureau par la même occasion. Pourquoi ai-je subitement la sensation que je ne m’engage à rien ?