À peine arrivée au ministère de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne s’est mise au travail. « Les vacances d’été de 2025 ne changeront pas mais, pour 2026, cela dépendra de l’issue des discussions », a-t-elle confié dans un entretien publié dans Le Parisien. Les anciennes générations ont encore connu la rentrée automnale le 15 septembre, voire en octobre… à la saison des vendanges. Étaient-ils plus stupides pour autant ?
À l’ère du progrès et du numérique, nous allons donc expérimenter la rentrée mi-août. Une idée de génie et une avancée majeure en matière de pédagogie ! A-t-on entendu parler du réchauffement climatique au gouvernement ou est-ce une vue de l’esprit ? Notre ministre de l’Éducation nationale estime en effet que « les coupures trop longues fragilisent les élèves en difficulté. » Gageons qu’ils vont travailler d’arrache-pied et mettre les bouchées doubles sous le soleil ardent de l’été indien… Et leurs professeurs redoubleront enfin d’efforts pour gagner leur pain à la sueur de leur front.
À l’heure où la violence gangrène les établissements scolaires, où l’autorité des enseignants est continuellement remise en cause, où l’on entasse les élèves dans des salles exiguës et vétustes, Madame la Ministre nous propose donc une mesure qui, loin de faire l’unanimité, ne fait que détériorer l’image du métier : les enseignants sont des fainéants. La messe est dite !
Le SNALC appelle à la vigilance : une telle mesure ne participera certainement pas à résoudre la crise du recrutement. En l’absence de revalorisation salariale, raboter les vacances d’été pour venir exercer en pleine canicule ne motivera pas les candidats, même avec la vocation chevillée au corps et le feu sacré de la pédagogie.
Seuls ceux qui n’ont jamais mis les pieds dans une salle de classe et interagi avec des enfants ou des adolescents peuvent imaginer un tel scénario. Comment en effet faire travailler des élèves dans des salles dont les températures dépassent les 30 degrés ? Il faudrait au préalable repenser tout le bâti scolaire, en isolant les locaux convenablement ou en climatisant les salles de cours. Et là, silence radio…le travail s’avère colossal ! Le SNALC l’avait d’ailleurs déjà signalé[1].
On s’interroge en outre sur cette fixation sur les vacances d’été : s’il est si urgent de raccourcir les congés scolaires, pourquoi ne pas discuter éventuellement des deux semaines à la Toussaint, en février ou au printemps ? On a une petite idée de ce qui peut bloquer : les considérations pédagogiques ou sociales pèsent sans doute bien peu face aux intérêts des acteurs du tourisme…
Gouverner, c’est anticiper ! Le SNALC dénonce tous les bricolages et effets d’annonce. Chaque ministre souhaite laisser une trace de son passage éphémère, sans oser s’attaquer aux chantiers véritablement cruciaux. Les enseignants, fourbus, continuellement sommés d’appliquer les idées de génie des uns et des autres, sont contraints d’assumer le quotidien et de composer avec des mesurettes, en l’absence de changement structurel. D’autres se sont attaqués à ce marronnier avant Mme Borne : Vincent Peillon et Édouard Philippe s’y sont essayés sans succès. Le SNALC refuse d’ores et déjà cette mesure de pacotille.
Article paru dans la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1499 du 14 mars 2025