Franceinfo – J.Benedetto
Maxime Reppert nous a rejoint, vice-président du syndicat national lycée-collège, école et supérieur, le SNALC. Alors, on va reprendre en détail ces annonces attendues par Emmanuel Macron. On vous les a données, il y a eu des fuites ces dernières heures. Un mot d’abord sur la rémunération, avec la hausse prévue du budget pour le pacte enseignant, une enveloppe supplémentaire de 100 millions, notamment pour payer les enseignants volontaires pour remplacer leurs collègues absents. On va donc plus loin dans ce pacte enseignant. Qu’est-ce que vous en dites ?
SNALC – Maxime Reppert
Je pense tout simplement que c’est une mauvaise direction. C’est une mauvaise direction parce que le SNALC, donc le syndicat que je représente, est contre le pacte. Contre le pacte pour une raison très simple, c’est que ce pacte ne saurait résoudre les problèmes d’attractivité du métier parce que la philosophie n’est pas celle que nous préconisons, celle du travailler plus pour gagner plus, qui n’a pas de sens. Tout simplement parce que le temps hebdomadaire d’un enseignant, dans le premier degré comme dans le second degré, est évalué en moyenne entre 41 heures et 44 heures hebdomadaires. Donc bien au-delà des 35 heures. Et la solution de dire “Vous allez travailler davantage pour plus de temps, pour une meilleure rémunération”, ce n’est pas reconnaître, si vous voulez, le travail réalisé actuellement par les collègues enseignants. Donc c’est pour ça que le pacte pour nous n’est pas la réponse adaptée par rapport à la crise que nous traversons actuellement.
Franceinfo – J.Benedetto
Alors, une autre annonce attendue concerne la formation. Je vous écoute.
SNALC – Maxime Reppert
Oui, je précise simplement une chose pour les téléspectateurs, pour restituer un peu les choses : un enseignant est un fonctionnaire de catégorie A, et en moyenne, les enseignants touchent 1000 euros de moins par mois par rapport à un autre fonctionnaire de catégorie A, pour vous donner un ordre d’idée.
Franceinfo – J.Benedetto
Alors, une autre annonce attendue concerne la réforme de la formation des enseignants du primaire jusqu’au lycée, avec la création prévue d’une licence destinée à préparer ces concours. Les concours seraient avancés à Bac +3, alors qu’actuellement c’est à Bac +5. Qu’est-ce que vous en dites ? Est-ce que vous ne craignez pas une baisse du niveau des enseignants si on avance la possibilité du concours ?
SNALC – Maxime Reppert
Bac +3, c’est ce qui existait auparavant. Ça a été avancé à Bac +5, et maintenant la question se pose de revenir à Bac +3. Donc voilà, là on va voir…
Franceinfo – J.Benedetto
Vous parliez tout à l’heure de crise d’évocation, est-ce que justement ce n’est pas un bon moyen d’attirer de nouveaux candidats avec ce Bac +3 ? Alors on a perdu la connexion avec Maxime Reppert, on lui reposera évidemment la question parce que c’est important sur cette réforme de la formation.
(…)
Franceinfo – J.Benedetto
On a retrouvé la connexion avec Maxime Reppert.
Je vous interrogeais il y a quelques instants sur cette création d’une licence pour préparer les concours, licence avancée à Bac+3 alors qu’aujourd’hui c’est Bac+5 pour le concours.
Est-ce que selon vous, c’est un bon moyen pour attirer de nouveaux candidats alors qu’on vit en quelque sorte une crise des vocations en ce moment ?
SNALC – Maxime Reppert
Le concours à Bac+3 existait déjà avant. Il était passé par la suite à Bac+5. Là, le remettre à Bac+3 tout en maintenant un niveau de formation au master, ce sont des éléments que le SNALC trouve intéressants. Maintenant, est-ce que cela signifie qu’il y aura plus de personnes qui vont s’inscrire au concours ? Ça, c’est une autre paire de manches. Je rappelle quand même que l’Éducation nationale connaît probablement sa crise la plus aiguë de toute la Ve République en termes de recrutement des personnels. Il faut davantage d’attractivité au niveau du métier, que ce soit en termes de salaire ou de conditions de travail.
Franceinfo – J.Benedetto
Vous dites que c’est la plus grave crise de l’Éducation nationale. Comment cela se matérialise-t-il concrètement dans les établissements ?
SNALC – Maxime Reppert
De façon très simple. Dans le premier degré, vous avez des collègues qui sont très peu souvent remplacés lorsqu’ils assistent, par exemple, à des formations ou qu’ils sont absents pour des raisons qui peuvent être diverses. Dans le second degré, on essaie de recruter des contractuels, mais on n’en trouve pas toujours. Donc, vous avez des élèves qui sont plusieurs semaines ou plusieurs mois sans enseignant. Le problème, ce n’est pas que les profs soient actuellement plus absents que les autres fonctionnaires. Il y a des chiffres d’ailleurs qui prouvent le contraire. Mais tout simplement, on a du mal à trouver, y compris des contractuels qu’on ne forme pas assez, d’ailleurs. On a eu, il y a quelques années, des job dating. Voyez le résultat des personnes qu’on a recrutées, qui pour certaines ont démissionné au bout de quelques semaines.
Franceinfo – J.Benedetto
Un mot également sur les annonces attendues concernant les méthodes des enseignants. On parle beaucoup de la méthode Singapour, qui serait instaurée dès la rentrée pour les élèves de CP et CE1. Cela fait partie du choc des savoirs qui avait été dévoilé, annoncé par Gabriel Attal lorsqu’il était ministre de l’Éducation. On le précise, c’est une approche plus concrète des mathématiques qui a donné des résultats positifs dans de nombreux pays. Quelle est votre position sur la méthode Singapour ?
SNALC – Maxime Reppert
Pour la méthode Singapour, il faut un dialogue avec les enseignants. Nous sommes très attachés à cela au niveau du SNALC, à la question de la liberté pédagogique. Il faut qu’il y ait une véritable concertation et pas simplement faire un copier-coller de ce qui se fait à l’étranger. Il faut voir comment cela va être mis en place, quelles seront les modalités. J’ai appris à être très méfiant par rapport aux annonces qui sont faites, qu’elles viennent du chef de l’État, du Premier ministre ou même de notre ministre. On se rend compte qu’il y a souvent un très gros décalage entre les annonces et la réalité des faits.