10 % des jeunes français en difficulté pour lire, Jean-Rémi Girard explique les raisons.
Jean-Rémi Girard, président du SNALC, répond aux questions sur le JT de la matinale de franceinfo du mercredi 7 juin 2023
Samuel Étienne
Allons plus loin avec Jean-Rémi Girard, notre invité, président du SNALC, le Syndicat National des Lycées et des Collèges, Écoles et Supérieur. Votre regard sur ces chiffres, cette situation, êtes-vous surpris ou pas ?
Jean-Rémi Girard
On n’est absolument pas surpris, je ne suis absolument pas surpris. Ce sont d’ailleurs des chiffres très intéressants obtenus lors de cette journée de défense et de citoyenneté, chaque année en fait. Elle permet de voir l’évolution. On est sur des chiffres qui sont stables depuis la décennie 2010, c’est toujours environ 10 % qui ont des difficultés de lecture et la moitié d’entre eux qui sont proches de l’illettrisme. C’est un chiffre qui est malheureusement d’une remarquable stabilité.
Samuel Étienne
On en parle depuis 10 ans, environ 15 ans. Est-ce qu’on a les chiffres d’avant ? La grande question est : est-ce que le niveau baisse ? Globalement ou pas ?
Jean-Rémi Girard
On a des enquêtes du ministère de l’Éducation nationale sur certains points, pas forcément toujours sur la lecture, mais sur la maîtrise de la langue, car en fait on évalue la compréhension écrite. En ce qui concerne la maîtrise de la langue, on sait que le niveau est en baisse depuis, par exemple, les années 80. On réalise une dictée de fin de CM2 avec une étude menée depuis 1987 à intervalles plus ou moins réguliers. Le niveau de maîtrise orthographique, des accords par exemple, ou des conjugaisons, est en très forte baisse. Ce n’est pas uniquement lié à la lecture, mais à un moment donné, la maîtrise de la langue et la lecture sont des éléments très liés.
Samuel Étienne
Sait-on expliquer d’où vient le problème ? Est-ce lié aux méthodes d’enseignement utilisées ? Qu’est-ce qui explique cela ?
Jean-Rémi Girard
On a plusieurs facteurs d’explication. Il s’est passé des choses assez bizarres dans l’enseignement dans les années 80 et 90. Par exemple, on a un peu mis de côté la grammaire, et cela n’a pas aidé. Les pratiques de lecture sont également moins importantes aujourd’hui et varient considérablement selon les milieux sociaux. On sait d’ailleurs qu’il existe un lien entre le niveau social de la famille, la profession des parents et les habitudes de lecture, ce qui explique en partie les différences régionales. Donc la lecture est évidemment étroitement liée à l’école, en particulier à l’école primaire où les bases sont acquises, mais elle est également liée aux pratiques familiales. Un enfant qui voit ses parents lire, qui a accès à une bibliothèque et à des livres, et dont les parents encouragent la lecture, partira effectivement avec un avantage par rapport à ses camarades.
Samuel Étienne
Maintenant que nous avons fait ce constat, y a-t-il des solutions proposées ou mises en avant ?
Jean-Rémi Girard
Il y a un certain nombre de choses qu’il faudrait et qu’on pourrait faire. Il faudrait déjà régler la crise de l’Éducation nationale qui est quand même un point absolument catastrophique. On n’arrive plus à recruter d’enseignants, donc forcément ce n’est pas évident. Nous avons parmi les classes les plus chargées d’Europe. Le climat scolaire, c’est-à-dire le climat de discipline, n’est pas très bon. Mais c’est PISA. Nous sommes l’un des plus mauvais, c’est-à-dire que dans notre pays, nous avons le plus de difficultés à faire cours, par exemple. Nous avons déjà des conditions d’enseignement défavorables, avant même de parler des méthodes utilisées. Il faut d’abord pouvoir donner les cours et essayer de les raccourcir dans des classes qui ne dépassent pas 28 ou 30 élèves. Parce qu’à un moment donné, cela devient très compliqué. Donc, réduire le nombre d’élèves par classe, mettre l’accent sur les élèves en difficulté, ceux ayant des besoins éducatifs spécifiques où il faudrait probablement des enseignants supplémentaires. Aujourd’hui, nous n’arrivons pas à remplacer les enseignants absents habituels. Il faudrait donc avoir davantage d’enseignants, par exemple, cela pourrait beaucoup aider.
Samuel Étienne
Un grand merci, Jean-Rémi Girard, d’avoir été avec nous ce matin.