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Figaro TV – violences scolaires : enseignants en danger, santé mentale en crise

« Non, l’école n’est pas un sanctuaire.” »
Jean-Rémi Girard
Président du SNALC
Au lendemain d’une agression au couteau contre une professeure à Benfeld, Jean-Rémi Girard, président du SNALC, réfute le mythe de l’“école sanctuaire” et pointe l’impuissance des dispositifs symboliques face à la montée des violences. Il alerte sur l’effondrement de la santé scolaire, plaide pour un plan d’urgence en pédopsychiatrie et un renforcement massif des personnels au contact des élèves, tout en appelant à mieux encadrer l’exposition des jeunes aux réseaux sociaux.
 
Jean-Rémi Girard, président du SNALC, est l’invité de Figaro TV le 25 septembre 2025.

Figaro TV – Timothée Dhellemmes


Bonjour, Jean-Rémi Girard.


SNALC – Jean-Rémi Girard


Bonjour.


Figaro TV – Timothée Dhellemmes


Merci d’être avec nous. Vous êtes président du SNALC, le Syndicat national des lycées et collèges.


SNALC – Jean-Rémi Girard


Et des écoles.


Figaro TV – Timothée Dhellemmes


Et des écoles. Vous vous exprimez dans les pages du Figaro ce matin. Vous êtes en colère après ce qui s’est passé hier, au lendemain de cette nouvelle attaque au couteau dans un établissement scolaire. Cela s’est passé au collège Robert Schuman de Benfeld, dans le Bas-Rhin. Précisons que le pronostic vital de la professeure visée, âgée de 66 ans, n’est pas engagé. Mais cette agression lève une nouvelle fois le voile sur les menaces qui pèsent sur nos professeurs. Avant de parler du profil de l’agresseur, comment le professeur que vous êtes réagit-il à cette agression dont a été victime l’une de vos consœurs hier matin ?


SNALC – Jean-Rémi Girard


Alors, c’est toujours effectivement beaucoup de stupeur et énormément de colère, parce que ce n’est pas quelque chose qui devrait se passer dans nos métiers. On est là pour enseigner, on est là pour transmettre des savoirs, on est là pour faire progresser nos élèves qui deviennent des citoyens. Et malheureusement, ce sont des choses qui se multiplient. J’en suis au point d’exprimer du soulagement parce que la professeure n’est pas morte. C’est-à-dire que c’est quelque chose qu’il y a dix ans, on n’aurait jamais envisagé. Mais il y a eu les drames très spécifiques de Samuel Paty et de Dominique Bernard. Et puis, il y a eu des attaques dans ou devant les établissements de la part d’élèves. Agnès Lassalle, Mélanie Grapinet, deux collègues qui sont mortes. Et là, j’ai envie de dire : c’est encore une nouvelle fois. Quand est-ce que ça va s’arrêter ?

Figaro TV – Timothée Dhellemmes


Très franchement, vous qui êtes professeur, qui enseignez, qui êtes, j’allais dire, sur le terrain tous les jours : vous dites-vous, c’est tombé sur ma consœur, ça aurait pu être moi ?


SNALC – Jean-Rémi Girard


On ne se dit pas ça, parce que si on commençait à se le dire, on ne se lèverait plus le matin et on n’irait plus faire cours. Ce n’est pas possible psychiquement d’être toujours dans cet état, à se dire : ça peut m’arriver, ça peut m’arriver, ça peut m’arriver. À un moment, on a besoin de lâcher prise, d’être avec les élèves, de transmettre et d’échanger. Maintenant, quand on repère un élève au profil difficile, dont on ne sait pas très bien comment le prendre ni comment il réagit, qui est un peu imprévisible, j’ai envie de dire que, désormais, les collègues s’interrogent beaucoup plus sur jusqu’où ça peut aller.


Figaro TV – Timothée Dhellemmes


Comme à chaque fois dans ce type d’attaque, les réactions ont été nombreuses, notamment sur le terrain politique. La ministre de l’Éducation, qui était sur place hier, dit : “La violence n’a pas sa place à l’école, qui doit rester un sanctuaire.” Avez-vous le sentiment, comme certains l’expriment dans les médias et sur les réseaux sociaux, d’un discours sinon décalé, en tout cas inefficace, ou pas en phase avec la gravité de ce qui se passe aujourd’hui dans nos établissements scolaires ?


SNALC – Jean-Rémi Girard


La ministre démissionnaire dit ce qu’elle peut dire sur le moment, mais ce sont des paroles extrêmement creuses. Je l’ai entendue, elle était là. Le sanctuaire, moi, j’en peux plus du sanctuaire : il faut qu’on arrête avec le sanctuaire. L’école est aussi le reflet de ce qui se passe dans la société. On est plus en sécurité à l’école qu’à l’extérieur, mais l’école se prend tout dans la figure. Donc non, l’école n’est pas un sanctuaire. Je crois que, malheureusement, y compris sous la mandature d’Élisabeth Borne, nous en avons suffisamment d’exemples.


Figaro TV – Timothée Dhellemmes


Je vous sens particulièrement en colère ce matin. Que dites-vous à Élisabeth Borne ?


SNALC – Jean-Rémi Girard


Je n’ai pas grand-chose à dire à Élisabeth Borne, qui ne sera peut-être plus ma ministre d’ici quelques jours. À un moment, on est dans de la politique de communication. On fait des contrôles, de temps en temps, devant les établissements scolaires, pour vérifier si les élèves n’ont pas de couteau. D’ailleurs, parfois, ils en ont. On a relevé 180 couteaux entre mars et juin derniers. Mais on voit bien qu’on est dans une action politique incapable, en réalité, de faire changer quoi que ce soit. Nous avons des problèmes qui dépassent de très loin l’Éducation nationale, notamment sur les questions de santé mentale des jeunes. Et, une fois encore, nous, on se retrouve seuls dans nos classes, face à des groupes d’élèves très nombreux — 25, 30, 35 dans mon lycée. On est extrêmement démunis et on n’arrête pas de nous dire : il faut vous faire suivre une formation pour détecter les signaux faibles. Moi, j’ai fait des études de lettres. Je suis professeur de lettres.


Figaro TV – Timothée Dhellemmes


Et vous n’êtes pas là pour faire la police.

 

« Je ne suis pas la police. Je ne suis pas non plus psychiatre ni psychologue, et je ne suis pas un détecteur de signaux faibles.”»
Jean-Rémi Girard
Président du SNALC


SNALC – Jean-Rémi Girard


Je ne suis pas la police. Je ne suis pas non plus psychiatre ni psychologue, et je ne suis pas un détecteur de signaux faibles.


Figaro TV – Timothée Dhellemmes


Venons-en au profil de l’agresseur dans cette affaire qui nous occupe, dans le Bas-Rhin, dans ce collège. Un adolescent de 14 ans faisait l’objet d’une mesure de placement en foyer par l’aide sociale à l’enfance. Il a été placé dans une famille d’accueil où il a subi des violences de la part de cette famille, c’est ce que précise le procureur. Il avait été repéré, en mars dernier, pour une certaine fascination pour Hitler ; il avait dessiné des croix gammées sur un mur de son collège. Je précise également qu’il s’est lui-même porté des coups de couteau au moment de son interpellation. Il se trouve en état d’urgence absolue. Il était suivi de près par l’équipe éducative du collège. Y a-t-il eu, selon vous, une faille dans le suivi de ce jeune homme ?


SNALC – Jean-Rémi Girard


Pas au niveau du collège. Nous avons des retours du collège lui-même. Nous sommes un syndicat représentatif ; nous avons beaucoup d’informations sur ce collège.


Figaro TV – Timothée Dhellemmes


Et vous avez eu accès au dossier ?

 

« On voit bien qu’on est face à un profil d’élève qui dépasse de très, très loin ce que l’on peut faire dans un collège.»
Jean-Rémi Girard
Président du SNALC


SNALC – Jean-Rémi Girard


Voilà. Et, de ce que l’on sait, c’est un collège où les choses sont plutôt bien faites, avec sérieux, où les remontées sont faites. L’élève avait été signalé suite à ce qui s’était passé avec les dessins nazis. Ce n’était pas un collège qui mettait la poussière sous le tapis. Mais on voit bien qu’on est face à un profil d’élève qui dépasse de très, très loin ce que l’on peut faire dans un collège. On est probablement sur des questions de psychiatrie, sur des questions de violence à son égard. La seule question qui se pose, c’est de savoir s’il était réellement en capacité d’être scolarisé ; est-ce que la scolarité lui apportait quelque chose ?


Figaro TV – Timothée Dhellemmes


Justement, Jean-Rémi Girard, cet élève — on l’a dit — était sous l’influence d’un groupe néonazi, et n’était clairement pas en voie de rémission. Que peut-on faire avec un élève comme ça ?


SNALC – Jean-Rémi Girard


Nous, on ne peut pas faire grand-chose, parce qu’une fois encore, l’Éducation nationale a des programmes, on essaye de transmettre, et on a de plus en plus de mal à y arriver. La France est connue pour être un des pays où le climat au sein de la classe est le plus compliqué. Mais nous ne sommes pas le médico-social, nous ne sommes pas pédopsychiatres. À un moment, on gère les élèves qu’on a, on essaye de faire au mieux — j’allais presque dire avec les moyens du bord — c’est-à-dire, généralement, avec le personnel infirmier, qui est souvent la principale ressource dans les collèges et les lycées, pas dans les écoles, puisque dans les écoles primaires il n’y a pas de personnel infirmier. Parfois, j’ai envie de dire, on croise les doigts en attendant que ça passe. Mais là, on est sur des situations personnelles et sociales qui dépassent de très, très loin nos capacités d’action.


Figaro TV – Timothée Dhellemmes


Vous dites, dans le Figaro ce matin, qu’il est souvent compliqué pour un établissement de prendre des mesures, des décisions — par exemple l’exclusion, un conseil de discipline — pour un élève qui fait l’objet d’un placement de l’aide sociale à l’enfance. Pourquoi ?


SNALC – Jean-Rémi Girard


La difficulté, c’est qu’on sait qu’on est face à des élèves aux profils très, très particuliers, qui ont parfois des vécus dont, d’ailleurs, nous sommes informés, dans un certain nombre de cas. Et parfois, quand on n’est pas informés de manière officielle, la manière officieuse fonctionne. On est toujours dans cette tension : si l’école, qui est peut-être le seul point d’ancrage, le seul endroit un peu stable, trimballe cet élève d’établissement en établissement, est-ce que ça ne va pas encore empirer la situation ? On est toujours dans cette problématique de l’individuel versus le collectif. On a un élève dont on sait qu’il est en difficulté, qu’il est en souffrance ; mais, en même temps, cette souffrance rejaillit sur l’ensemble, sur le climat de l’établissement, sur les collègues, sur les élèves. À un moment, on ne sait pas très bien quelle est la bonne décision à prendre.


Figaro TV – Timothée Dhellemmes


Ce que vous dites là, c’est un problème identifié depuis un certain temps. D’ailleurs, la santé mentale était au cœur des assises de la santé scolaire, organisées par le ministère de l’Éducation nationale il y a quelques mois. La santé mentale, c’était même la grande cause nationale de 2025, souvenez-vous. Or 2025 se termine dans deux ou trois mois : soit on n’a rien fait, soit on est complètement passés à côté des enjeux.


SNALC – Jean-Rémi Girard


Non, mais on n’a rien fait. Les assises de la santé scolaire, ça a été une sorte de grand barnum qui a abouti à quoi ? À créer des pôles dans lesquels on regroupe psychologues, médecins, infirmiers, assistantes sociales.


Figaro TV – Timothée Dhellemmes


Donc ça n’a servi à rien, finalement.


SNALC – Jean-Rémi Girard


Ça n’a servi à rien. Aujourd’hui, je tiens à signaler l’état de la santé scolaire : nous sommes en déshérence complète. Nous n’avons plus de médecins dans l’Éducation nationale, que ce soit pour les élèves ou pour les personnels — médecins scolaires ou médecine du travail — nous n’en avons plus. Il y a des académies qui n’en ont quasiment plus. Donc, on n’a même plus les personnes ressources au sein du ministère de l’Éducation nationale, premier employeur de France. On n’a même pas ces personnes ressources. On a un nombre de psychologues absolument dérisoire et, en plus, au collège et au lycée, ils s’occupent des questions d’orientation. Ils ne font pas de psychologie, ils ne s’occupent pas de santé mentale.


Figaro TV – Timothée Dhellemmes


Pourtant, Élisabeth Borne et d’autres avant elle ont bien tenté de mettre en œuvre des réformes. À la rentrée scolaire, il y a quelques semaines, Élisabeth Borne vantait des mesures ambitieuses. En voici quelques-unes : un conseiller santé mentale dans chaque département, un protocole dans chaque établissement, des référents, des dispositifs coupe-file pour prendre en charge rapidement les plus fragiles. Vous dites quoi ? C’est inefficace ? Ce n’est pas possible à mettre en œuvre ? Ce n’est pas ce dont les professeurs ont besoin ?


SNALC – Jean-Rémi Girard


Je le connais, ce système. Vous pouvez remplacer “santé mentale” par “laïcité”, par “harcèlement”, par ce que vous voulez : c’est toujours la même chose. On va créer des référents. Mais, en fait, les référents, ce sont les personnels déjà dans l’établissement. On n’ajoute pas des spécialistes en santé mentale ; on va juste dire que l’infirmière est référente de santé mentale. Voilà ce qui se passe. Donc non, il ne se passe rien, parce qu’on n’a pas les personnels, on n’a pas les équipes, on n’a pas les capacités, parce qu’on est dépassés. Et le secteur de la pédopsychiatrie est lui-même en crise. On a du mal à obtenir des rendez-vous. Pour les parents eux-mêmes, c’est un parcours du combattant.


Figaro TV – Timothée Dhellemmes


Quelle est l’urgence aujourd’hui, Jean-Rémi Girard ? S’il devait y avoir trois mesures à prendre tout de suite, quelles seraient-elles ?


SNALC – Jean-Rémi Girard


Il y a une urgence sur la pédopsychiatrie. Il y a vraiment une urgence à réussir à attirer de nouveau des personnes dans les métiers de la santé à destination des enfants, y compris à l’Éducation nationale. C’est une urgence absolument vitale, j’ai envie de dire. On a besoin d’accompagnement pour les élèves, on a besoin d’assistants d’éducation, on a besoin d’être au contact des élèves pour savoir ce qui se passe. C’est extrêmement important. À un moment, on a aussi besoin d’avoir peut-être davantage d’actions au niveau des familles, parce qu’il y a beaucoup de problématiques intrafamiliales qui rejaillissent sur l’école. Pardon, j’en fais une quatrième, je suis désolé. Je suis prof de lettres, pas de maths. Mais les réseaux sociaux : il y a tellement de choses dont on ne sait pas ce qui se passe devant les écrans de nos élèves. On ne sait pas ce à quoi nos élèves sont confrontés, ce qu’ils regardent.


Figaro TV – Timothée Dhellemmes


Il y a la question des réseaux sociaux — ça se passe souvent à la maison — et vous avez raison d’en faire une quatrième, parce que cela devance ma prochaine question. Je me souviens de Gabriel Attal, qui disait, à l’époque où il était Premier ministre : il faut responsabiliser les parents démissionnaires ; il faut qu’ils puissent répondre des actes de leurs enfants. Ce n’est pas suffisamment le cas aujourd’hui.


SNALC – Jean-Rémi Girard


C’est très compliqué. On a des familles — là, en plus, on était dans une situation où l’élève n’en avait pas, n’avait plus de famille. On a des élèves en extrême précarité familiale, des parents isolés, des parents seuls qui font ce qu’ils peuvent, qui doivent travailler, qui ont du mal à gérer leurs enfants. Mais oui, la question de l’encadrement des écrans et des réseaux à la maison est absolument essentielle. Sinon, les jeunes sont confrontés à des contenus complotistes, à des choses qui peuvent être complètement néonazies. Certains groupes utilisent ces réseaux. Et nous-mêmes — aussi bien les parents que nous, personnels de l’Éducation nationale — n’avons absolument aucune idée de ce qui s’y passe.


Figaro TV – Timothée Dhellemmes


A-t-on une idée, un chiffre, du nombre d’agressions dont sont victimes les enseignants par an ?


SNALC – Jean-Rémi Girard


Je n’ai pas de chiffre exact. On sait que c’est en augmentation, puisqu’on a des comparatifs au niveau du ministère de l’Éducation nationale. Ce qui est notable, c’est qu’il y a beaucoup plus d’agressions. Au collège et au lycée, ce sont essentiellement les élèves qui agressent les enseignants, beaucoup plus les garçons que les filles. À l’école primaire, il y a une spécificité : les agressions sont quasiment à parts égales entre élèves et adultes — la famille ou l’entourage familial. Un professeur des écoles a autant de chances de se faire agresser par un élève que par un parent.


Figaro TV – Timothée Dhellemmes


Quand on parle d’agression, soyons précis : aujourd’hui, il y a un mode opératoire qui a évolué. Quand on est fâché avec son enseignant, on vient le lendemain avec un couteau.

SNALC – Jean-Rémi Girard


Eh bien, ça arrive. Souvent, ce sont des élèves qui, psychiquement, ne vont pas très bien. Mais, au SNALC, on pense que cela relève aussi d’une vision globale du métier d’enseignant, un métier complètement dévalorisé actuellement dans la société. Les professeurs eux-mêmes le disent dans l’enquête “bien-être” du ministère : on donne la note de 2,4 sur 10 à la question “notre métier est-il valorisé dans la société ?”. C’est le niveau le plus bas qu’on ait jamais vu. Il nous semble aussi que le fait que l’enseignant ne soit plus du tout identifié comme une autorité, comme quelqu’un qu’on doit respecter, en qui on a confiance — parce qu’on sait qu’il veut notre bien — fait que l’on se permet beaucoup plus de choses. Beaucoup de barrières sont levées vis-à-vis de ce que représente l’école dans la société.


Figaro TV – Timothée Dhellemmes


Êtes-vous formés, préparés à faire face à ce type de crises, à ces agressions potentielles ?


SNALC – Jean-Rémi Girard


Non. Je n’ai pas de formation pour esquiver les coups de couteau, et j’aimerais bien que ce ne soit pas une formation de l’Éducation nationale.


Figaro TV – Timothée Dhellemmes


Mais vous vous préparez à faire face à des violences, à des agressions potentielles de la part des élèves ?


SNALC – Jean-Rémi Girard


On s’y prépare, dans le sens où on sait que ça peut arriver. Au SNALC, nous avons travaillé, dans nos congrès, sur ce qu’on va appeler de la négociation, au sens d’essayer de trouver des moyens de faire redescendre la tension, de savoir quelle posture adopter — y compris physique — pour ne pas se mettre en danger, ne pas bloquer une issue avec un élève qui voudrait sortir, des choses comme ça. Mais c’est terrible qu’on en vienne à se dire ça.


Figaro TV – Timothée Dhellemmes


Vous êtes quand même formés, vous vous y préparez.


SNALC – Jean-Rémi Girard


On n’est pas formés par notre employeur. En interne, ce n’est pas mon employeur qui me forme à quoi que ce soit là-dessus. La formation obligatoire à la laïcité, je l’attends toujours. En revanche, nous-mêmes, en tant qu’organisation syndicale, nous répondons parfois à des besoins. J’ai presque envie de dire qu’on prend la place de l’employeur quand on identifie des besoins auxquels le ministère ne répond pas.


Figaro TV – Timothée Dhellemmes


Craignez-vous, très rapidement, une crise des vocations chez le personnel enseignant — ou n’est-ce pas déjà le cas ?


SNALC – Jean-Rémi Girard


C’est déjà le cas ; je ne crains pas qu’elle ait lieu plus tard, parce qu’elle a lieu maintenant. Cela fait plusieurs années que les postes aux concours ne sont pas pourvus, y compris maintenant à l’école primaire, ce qui est une grande nouveauté. Au-delà des questions de pouvoir d’achat des enseignants et de taille des classes — des questions absolument centrales, sur lesquelles nous sommes très mauvais en France — le climat scolaire est un facteur qui fait qu’il y a de moins en moins de gens qui auront envie. Quand vous allumez la télé et que vous voyez qu’un prof a failli mourir parce qu’un élève l’a planté au couteau, avez-vous vraiment envie de devenir professeur ?


Figaro TV – Timothée Dhellemmes


Merci, Jean-Rémi Girard. Merci beaucoup pour ce témoignage. Jean-Rémi Girard, président du SNALC, le Syndicat national des lycées, des collèges et des écoles. On l’a bien compris. Merci beaucoup. On vous retrouve dans les pages du Figaro ce matin, et on suit l’évolution de l’enquête autour de cette agression dans ce collège du Bas-Rhin.

« Nous sommes en déshérence complète. Nous n’avons plus de médecins dans l’Éducation nationale. »
Jean-Rémi Girard
Président du SNALC