Pascal Praud revient pendant deux heures, sans concession, sur tous les sujets qui font l’actualité. Aujourd’hui, le ministère de l’éducation nationale est au cœur du débat.
Jean-Rémi Girard, président du SNALC, est l’invité, de Pascal Praud le vendredi 12 janvier 2024 sur Europe 1.
Europe 1 – Pascal Praud
Bonjour Monsieur Girard, vous êtes le président du SNALC. J’imagine que d’avoir comme cela un quatrième ministre, on doit se dire qu’on est un peu la quantité négligeable lorsqu’on est prof, parce qu’on est la variable d’ajustement : monsieur Attal, il faut le mettre à Matignon et nous, l’éducation nationale, on passe derrière…?
SNALC – Jean-Rémi Girard
On peut se dire ça. Ensuite nous, au SNALC, on connaît bien le fonctionnement du ministère. La personne du ministre, c’est une chose, mais la politique menée, c’est quand même plus important. Et puis, on peut aussi faire preuve de malveillance en laissant un ministre très longtemps : on a eu Jean-Michel Blanquer pendant 5 ans ; je pense qu’on aurait préféré ne l’avoir que pendant 5 mois.
Europe 1 – Pascal Praud
Oui ! [rires]. C’est intéressant ce que vous dites, au-delà du ministre, la politique que l’on met en place est décisive. Qu’est-ce que vous réclamez aujourd’hui, Monsieur Girard ?
SNALC – Jean-Rémi Girard
Une chose absolument centrale, qui n’est pas nouvelle, c’est qu’on vit aujourd’hui et depuis plusieurs années la plus grave crise de recrutement que l’on ait connue à l’éducation nationale. On n’arrive plus à trouver de professeurs, on a du mal à trouver des AESH également : on a un vrai problème de rémunération et de conditions de travail. Le métier n’attire plus ; donc il faut absolument prendre cette question à bras le corps. Cette question a été construite par les politiques sur plusieurs dizaines d’années, c’est le résultat de politiques qui ont délaissé tout l’aspect “salaire et conditions de travail des enseignants” jusqu’à faire de ce métier qui, a priori, devrait être un métier pour lequel on se bat pour pouvoir l’exercer, un métier repoussoir.
Donc pour la nouvelle ministre comme pour toutes les personnes qui l’ont précédée, le dossier numéro 1 sur sa table de travail, c’est celui-là. Il va falloir très très vite faire des choses plus importantes que ce qu’on a mis en place jusqu’à présent si on veut avoir des professeurs formés devant les élèves.
Europe 1 – Pascal Praud
Il y a deux façons d’enseigner. Il y a celle qui est la norme dans la fonction publique : c’est le concours. Actuellement, le concours étant un niveau master, il faut bac + 5 pour passer le concours. Et il y a une autre façon qui existe parce qu’on n’a pas assez de personnes qui passent le concours, qui s’appelle “les contractuels” : eux sont embauchés avec un bac + 3 – dans de rares cas, avec un bac + 2 – et un entretien d’une demi-heure dans beaucoup de situations.
Europe 1 – Pascal Praud
Donc, à ce moment-là, on peut être sorti du bac à 18 ans, ça fait + 3 ans, et on peut commencer à enseigner à 21 à 22 ans. Quel est le premier salaire d’un professeur dans un collège par exemple en 6e, combien va-t-il gagner chaque mois ?
SNALC – Jean-Rémi Girard
Le titulaire va passer par une année de stage et la majorité d’entre eux auront ce stage à temps plein devant les élèves. C’est-à-dire que même s’ils sont appelés “stagiaires”, ils ont un temps complet devant élèves. Eux sont payés aux alentours de 1700-1800 € par mois . Ensuite, quand on est titularisé, comme il y a eu pour le coup des mesures sur les débuts de carrière, on arrive à 2000 € net par mois. Mais ce qu’il faut dire, c’est qu’on va stagner très longtemps avec ce salaire.
Europe 1 – Pascal Praud
Oui, parce qu’en fait en soi le début n’est pas mal… Il y a beaucoup de gens qui ne gagnent pas 2000 € net à 21-22 ans, même dans le privé.
SNALC – Jean-Rémi Girard
Pour atteindre 2000 €, ce n’est pas 21-22 ans mais plutôt 24-25 ans, parce que vous avez un bac + 5 ! Et là, c’est pour ceux qui ont le concours. Les contractuels sont beaucoup moins payés.
Europe 1 – Pascal Praud
C’est vrai que c’est un problème numéro 1. En plus aujourd’hui, c’est dur dans les classes parce que l’autorité avec les élèves, c’est compliqué… Si vous êtes dans un lycée sensible, on entend parfois des profs qui s’autocensurent, parce que c’est compliqué… Vous avez des parents qui aujourd’hui viennent s’en mêler. C’est un métier qui est devenu infiniment plus dur parce que l’autorité du maître, à tous les niveaux, n’est plus respectée, monsieur Girard.
SNALC – Jean-Rémi Girard
Oui, d’ailleurs le SNALC a fait une enquête auprès des professeurs au mois de novembre dernier. Nous avons envoyé un questionnaire électronique à l’ensemble des professeurs du primaire, collège, lycée, et l’on a posé une question sur l’autorité. Même nous, nous avons été surpris par la proportion énorme : on est aux alentours de 90 % de collègues qui trouvent qu’il y a effectivement un problème d’autorité, que leur autorité n’est pas respectée. On le sait mais on ne se rend peut-être pas compte à quel point…
Europe 1 – Pascal Praud
…parce qu’en fait il n’y a pas de caméra dans les classes ! Moi, je rêverais qu’il y ait des caméras dans toutes les écoles et que l’on voit ce qui s’y passe. Jadis, j’étais dans un établissement ou quand le prof disait « taisez-vous », il n’y avait pas un écolier qui mouftait. Aujourd’hui j’imagine que c’est plus compliqué.
SNALC – Jean-Rémi Girard