Le niveau en orthographe baisse-t-il réellement ?
Jean-Rémi Girard, président du SNALC, répond aux questions sur Europe 1, le 7 décembre 2022
Europe 1
Terminons avec cette marque d’une époque. Nous parlions il y a quelques semaines du désamour des jeunes Français pour les mathématiques, il y en a aussi un pour l’orthographe. Depuis 1987, une enquête est menée sur une dictée soumise à des élèves de CM2. Elle a été menée à 4 reprises. En 1987, on relevait en moyenne 10 erreurs par copie. En 2021, il y en a plus de 19. Il se passe quelque chose, les enfants ont du mal avec l’orthographe de nos jours et l’orthographe grammaticale en particulier ; on l’a entendu avec Louise Salle dans le journal de 19h tout à l’heure.
Nous en parlons maintenant avec Jean-Rémi Girard, professeur de français et président du SNALC, syndicat des collèges et lycées.
Bonsoir.
Jean-Rémi Girard
Bonsoir.
Journaliste
Alors, que se passe-t-il ?
Jean-Rémi Girard
Il se passe quelque chose qu’on sait car cette enquête est menée depuis longtemps, avant ces résultats de 2021, il y avait les résultats de 2015 qui étaient légèrement au-dessus, on va dire de ceux qui viennent de tomber. Effectivement il y a une chute très importante du niveau de maîtrise de la grammaire et de l’orthographe, c’est encore plus inquiétant parce que c’est surtout la grammaire, les accords au pluriel, au féminin, les terminaisons, les verbes. À chaque fois que cette enquête, qui est une enquête du ministère de l’Éducation nationale lui-même, est menée, on voit que les résultats sont de plus en plus mauvais pour toutes les catégories sociales, les plus favorisés réussissant mieux que les plus défavorisés. Néanmoins chaque catégorie sociale descend.
Europe 1
Les filles sont un peu plus performantes que les garçons avec 17 fautes en moyenne contre 21 pour les garçons. En fait, nos enfants sont beaucoup moins exposés qu’autrefois aux livres et à la lecture, qui est le meilleur moyen, c’est vous qui allez le dire en tant que professeur de français, cher Jean-Rémi Girard, d’assimiler les complexités mais aussi les subtilités de la langue française.
Jean-Rémi Girard
On ne croit pas SNALC, dans notre syndicat, que ce soit uniquement une question de lecture de livres, même si ça a évidemment un rôle à jouer. On pense que c’est très clairement une question de l’enseignement de la grammaire.
Europe 1
Alors, la fameuse dictée est-elle aussi répandue qu’autrefois ?
Jean-Rémi Girard
La dictée est moins répandue qu’autrefois, elle existe toujours cependant, mais elle n’est pas la seule modalité d’apprentissage de la grammaire. La dictée est plutôt une sorte d’exercice pour vérifier qu’on a compris comment la langue fonctionne. L’apprentissage de la grammaire se fait par des leçons, par des exercices qui sont parfois assez répétitifs, et c’est quelque chose qui a été très clairement montré du doigt, je dirais même ostracisé dans le système éducatif. Quand j’ai commencé en collège, j’ai enseigné 9 ans en collège, je n’étais pas supposé faire des heures de grammaire dans la semaine, mais j’étais supposé faire des séquences pédagogiques qui au détour d’un texte permettaient l’étude d’un point de grammaire, ensuite on passait à autre chose. Les fautifs ne sont pas les enseignants mais très clairement le système éducatif, la formation qui pousse à dire que la grammaire était quelque chose de bête, de répétitif et d’inintéressant, que ça ne faisait pas sens ; on formait donc très clairement les professeurs à ne pas faire de leçons de grammaire et à ne pas construire le système grammatical de manière progressive.
Europe 1
Jean-Rémi Girard, professeur de français et président du SNALC, syndicat des collèges et lycées, plaide pour rétablir les cours de grammaire ce soir sur Europe 1. Alors les élèves de primaire, du collège et du lycée sont moins exposés à la lecture qu’autrefois, on lit moins de livres c’est un fait, mais on lit beaucoup sur les réseaux sociaux, il y a de la lecture dessus, souvent bourrée de fautes d’orthographe. On s’envoie aussi beaucoup de textos, de messages sur les services de messagerie en ligne. Là encore, ça n’aide pas à assimiler l’orthographe.
Jean-Rémi Girard
Non, ça n’aide pas, mais c’est plus une conséquence qu’une cause, c’est à dire qu’effectivement, on écrit en faisant parfois des fautes ou en raccourcissant, et cetera.
Mais ça, c’est plus une conséquence du fait de la non maîtrise. On peut utiliser les abrévations, c’est quelque chose qui est employé par tout le monde. Mais l’important, c’est de savoir comment le mot s’écrit et une fois encore, plus que l’orthographe, c’est surtout comment il s’accorde ou se conjugue avec le reste de la phrase. L’un des problèmes que nous avons aujourd’hui, nous les professeurs de français et nos collègues professeurs des école ( au SNALC on syndique tout le monde ) c’est effectivement cette maîtrise globale de la langue et la compréhension du fonctionnement de la langue qui n’est pas bien maîtrisé, ça veut dire qu’on ne sait pas trop si ça c’est un nom, un adjectif…Ça a aussi des conséquences sur la lecture des livres, c’est-à-dire que ne pas bien maîtriser la langue française, cela ne facilite pas la lecture d’ouvrages, tout simplement.
Journaliste
Merci beaucoup, Jean Rémi Girard, professeur de français, président SNALC, syndicat des collèges des lycées.