Jean-Rémi Girard, professeur de Français et président du SNALC, répond aux questions d’Ombline Roche à l’occasion des épreuves de spécialité du baccalauréat.
Jean-Rémi Girard, président du SNALC, syndicat de l’école au supérieur, répond aux questions sur Europe 1 le 11 mai 2022
Ombline ROCHE. Bonjour Jean-Rémi Girard.
Jean-Rémi GIRARD. Bonjour.
Ombline ROCHE. Merci d’avoir accepté l’invitation de Europe un. Vous êtes également professeur de lettres au lycée. Les lycéens vont donc plancher dès aujourd’hui jusqu’à vendredi sur les 2 enseignements de spécialité qu’ils ont conservés en terminale, en complément du tronc commun. Chacun est affecté d’un coefficient 16, ces 2 notes de spécialités représentent 1/3 des résultats du bac. Ça, c’est pour le rappel. D’une manière générale, Jean-Rémi Girard, après 2 ans de pandémie, dans quel état d’esprit sont les élèves ?
Jean-Rémi GIRARD. Alors, les élèves sont évidemment assez stressés, mais ils l’étaient déjà du fait du contrôle continu, puisque maintenant 40% du bac est sur contrôle continu, donc chaque contrôle qu’on passe en classe finalement, c’est une épreuve de bac mais effectivement ils sont parfaitement conscients que ces épreuves représentent 1/3 du bac et que donc ce sont des épreuves dans lesquelles il faut réussir le mieux possible. Mais globalement, malgré la pandémie, voilà, nous avons fait, nous, professeurs, tout notre possible pour que les élèves soient dans les meilleures conditions possibles de réussite.
Ombline ROCHE. Oui, parce qu’avec la crise sanitaire, le contrôle continu était la règle, on va le dire comme ça. Les lycéens savent à quoi s’attendre ! Ce sont des épreuves écrites, solennelles.
Jean-Rémi GIRARD. Oui, les lycéens savent à quoi s’attendre. D’une part ils ont passé le bac français l’an dernier, donc ils ont quand même passé des épreuves de bac, les écrits de français et les oraux de français, et d’autre part parce que évidemment, dans les enseignements de spécialité, on fait quand même beaucoup de contrôles qui fonctionnent comme les épreuves qu’ils vont trouver le jour J.
Ombline ROCHE. Et les correcteurs alors ? Ce sont les premières épreuves écrites de spécialité depuis le début de la réforme, on l’a dit plusieurs fois ; ils vont se montrer plus cléments, pas nécessairement ?
Jean-Rémi GIRARD. Les correcteurs ne seront ni plus cléments ni moins cléments. De toute façon, il y a tout un tas de systèmes d’harmonisation en terme de notes de bac, donc on sait très bien qu’entre la note qu’on met et la note à l’arrivée, il y a parfois eu quelques tours de moulinette. Mais de manière générale, la plupart des correcteurs étaient déjà correcteurs, lors de l’ancien bac donc ils ont quand même des habitudes de travail sur ces épreuves de spécialité dont le format ressemble quand même fortement aux anciennes épreuves de bac.
La seule grosse différence du point de vue des correcteurs, c’est que là, on est sur une correction dématérialisée, c’est à dire des copies numériques, ce qui pose un certain nombre de difficultés, notamment chez des correcteurs qui ne maîtrisent pas forcément incroyablement les outils numériques.
Ombline ROCHE. Il faut encore à nouveau changer ses habitudes et se moderniser. Cette édition 2022 du bac se veut la plus normale possible, alors même si maintenant, comme vous le dites, les copies sont numérisées, la crainte du COVID plane-t-elle encore sur ces épreuves, notamment de spécialités écrites ?
Jean-Rémi GIRARD. Alors non ! La crainte du COVID ne plane pas trop, d’une part parce que les chiffres sont quand même à la baisse et que d’autre part, (à part s’ils sont incroyablement malades), les élèves même avec un test positif vont quand même venir passer leur épreuve.
Par ailleurs, il y a une session de rattrapage. Il faut quand même aussi le rappeler. Ce n’est pas parce qu’on est malade le jour de l’épreuve du bac que l’on n’aura pas son bac cette année-là, il y a une session de rattrapage comme il y en a toujours eu quand on a passé des épreuves au bac.
Ombline ROCHE. Rappelons que ces épreuves de spécialité auraient dû se tenir en mars avec le SNES FSU, le premier syndicat du 2nd degré, vous aviez demandé à ce qu’elle soit repoussées à cause d’une situation sanitaire encore tendue au début du printemps ? A posteriori, avez-vous toujours le sentiment que c’était nécessaire ? Les lycéens aujourd’hui sont-ils plus à même de les passer, ces épreuves ?
Jean-Rémi GIRARD. C’était absolument nécessaire de repousser ces épreuves. Elles ne pouvaient pas se tenir à la mi-mars. D’ailleurs, il y a quelque chose qui le montre très clairement, c’est que les élèves vont passer ces épreuves à la mi-mai avec le programme qui était prévu pour la mi-mars, c’est-à-dire qu’on a gardé le même programme que pour la mi-mars. Or ils ont eu quand même 2 mois de plus, donc on voit bien que la mi-mars, c’était intenable. Nous avions été alertés assez tôt, tout particulièrement par les professeurs de spécialités scientifiques ou de sciences économiques et sociales qui nous disaient qu’ils ne pouvaient pas tenir le programme prévu.
Ombline ROCHE. Le fait de décaler ses épreuves de mars à mai, cela entraîne le fait que les notes ne seront pas prises en compte dans parcours sup, la plateforme d’admission dans les études supérieures, à quoi vont-elles servir alors ces notes de spécialité ?
Jean-Rémi GIRARD. Ces notes vont servir à avoir le bac, ce qui est quand même un diplôme important, ce qui est le premier grade du supérieur. Une fois encore, on ne se posait pas forcément la question avec l’ancien système du bac où les épreuves avaient lieu à la fin de l’année, donc ça paraissait absolument normal à tout le monde. Que les épreuves puissent être mises dans parcours sup pour aider à l’orientation, en soi c’est une idée intéressante. Le problème, c’est que parcours sup a un calendrier qui s’étend sur une très, très longue durée et on le voit bien l’idée d’avoir des épreuves à la mi-mars l’année prochaine, c’est une idée qui est très problématique. En effet après la mi-mars on va avoir du mal à continuer le programme avec les élèves notamment, et l’idée qu’il faut j’allais presque dire turbiner, turbiner, turbiner sur la première moitié de l’année, parce que c’est pas qu’une question de faire des chapitres, c’est aussi une question de faire acquérir les méthodes aux élèves. Et ces méthodes, c’est mieux d’avoir une année scolaire entière pour les acquérir que d’avoir un semestre.
Ombline ROCHE.
Vous pensez avoir de nouvelles discussions avec le prochain ministre de l’Éducation nationale afin de faire encore évoluer ce baccalauréat ?
Jean-Rémi GIRARD. Oui, alors le SNALC va de toute façon porter cette question du fonctionnement du baccalauréat et du lycée parmi ses revendications auprès du prochain ou de la prochaine ministre, c’est très clair de notre côté. Nous, on a interrogé nos adhérents, on sait que cette situation actuelle ne convient pas à la fois sur l’organisation du lycée où il y a un nombre de combinaisons de spécialités tellement délirant que l’on n’arrive même plus à organiser les emplois du temps et qu’on n’arrive même plus à savoir quelle combinaison il faut pour aller dans quelle orientation du supérieur. Et puis les 40% de contrôle continu montrent déjà cette année tout un tas d’effets pervers, à la fois sur le stress et le mal-être des élèves qui vivent chaque contrôle comme une épreuve de bac. De ce fait les stratégies d’évitement (on a une bonne note une fois donc on est absent au contrôle d’après) se multiplient. Et puis les revendications sont de plus en plus présentes chez certains parents d’élèves : dès que l’élève a une mauvaise note, tout de suite, ça devient une sorte d’affaire nationale parce que effectivement, on est en train d’hypothéquer ses chances d’avoir le bac.
Ombline ROCHE. Merci beaucoup. Jean Rémy Girard d’avoir accepté de répondre à nos questions sur Europe un. Vous êtes professeur de lettres au lycée et président du SNALC, le syndicat national des lycées, collèges, écoles et supérieur. Les épreuves écrites de spécialité du bac se tiennent donc dès aujourd’hui jusqu’à vendredi, avant celles de philo et du grand oral programmées entre le 15 juin et le premier juillet. Merci encore, bonne journée.
Jean-Rémi GIRARD. Merci.