Paru en septembre, cet essai concis part d’un constat d’une triste banalité : l’école républicaine est en crise. Pour la refonder, il faut commencer par le commencement : consolider l’enseignement du français. Quel rapport avec le latin ? Pour les auteurs, l’apprentissage sérieux du français ne saurait se passer d’un détour par la langue qui lui est « intérieure ». Et de citer Saussure : « Le français ne vient pas du latin, il est le latin. » Donner à cet enseignement un caractère optionnel était donc une absurdité épistémologique aussi scandaleuse que d’enseigner la physique sans les mathématiques. De ce postulat, découlent deux propositions qui se veulent porteuses d’un électrochoc :
- création d’un enseignement obligatoire de latin de la 6è à la 3è ;
- fusion des cursus lettres classiques/ lettres modernes au profit d’un concours unique comportant une épreuve de latin.
À l’heure des économies tous azimuts et compte tenu de l’état pitoyable des langues anciennes dans notre pays, ces propositions peuvent paraître utopiques. Qu’à cela ne tienne, les auteurs n’entendent pas « mesurer le possible sur l’existant ». Ils ont bien raison : la situation est suffisamment désespérée pour qu’on ne se contente pas de demi-mesures.
Le professeur de lettres classiques puisera peut-être aussi dans cette lecture quelque réconfort.
Au-delà des mises au point salutaires balayant les mauvais procès traditionnellement faits au latin (élitisme, repli identitaire, j’en passe et des meilleurs…), les auteurs dénoncent la dérive actuelle consistant à privilégier une approche civilisationnelle au détriment de l’accès direct aux textes. À rebours des formules génériques telles que LCA-Langues et Cultures de l’Antiquité- ou ECLA- Enseignement Conjoint des Langues Anciennes, ils proposent de « revenir au triangle sacré français/latin/grec auquel Jacqueline de Romilly tenait si fort ». Ils ne sont pas dupes non plus de la multiplication des manifestations médiatiques et « des déplorations rituelles dont on sait qu’elles ne mangent pas de pain ».
On goûtera moins l’appel limité certes, mais un peu convenu à un renouvellement des méthodes d’enseignement. Valéry, Claudel, Bonnefoy se sont parfois ennuyés en latin… Cela invalide-t-il forcément les méthodes en vigueur à l’époque et qui n’ont pas rebuté Poincaré cité abondamment dans l’ouvrage ? Et y a-t-il une autre discipline pour se flageller ainsi rituellement pour asseoir sa légitimité ?
Les auteurs concluent : « De nos propositions raisonnables légitimes urgentes, les responsables politiques seraient avisés de s’emparer. » Le SNALC partage cet appel au débat dans le contexte actuel où tout ce qui concerne les humanités classiques est à reconstruire. Mais nos responsables politiques sont-ils vraiment avisés ?
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