Pour notre ministère, le statut d’agrégé est enviable. Il n’a donc de cesse depuis des décennies de le dévaluer, entre baisse du pouvoir d’achat et dégradation du mode de gestion du corps. Il peut compter sur l’assentiment de nombre d’organisations syndicales, dont la passion pour le corps unique, nourrie d’un sentiment de culpabilité que des enseignants puissent s’en sortir mieux que les autres, conduit au nivellement et à l’absence de perspectives pour tous.
Le 7 mai dernier, un projet de décret modifiant le statut des agrégés a été présenté au CSA ministériel. Le SNALC s’y est opposé. Il avait préalablement été présenté en groupe de travail, où le SNALC l’avait combattu sans qu’il y ait unanimité sur la défense du statut des agrégés. Le SNALC a publié un communiqué de son président, Jean-Rémi GIRARD, annonçant qu’il voterait contre ce texte, « qui constitue un énième affaiblissement d’un concours qu’il conviendrait plutôt de valoriser ». Deux mois plus tard, le décret « n° 2024-727 du 6 juillet 2024 modifiant le statut particulier des professeurs agrégés de l’enseignement du second degré » a été publié au Journal officiel.
Que dit ce décret ? En substance, comme l’indique la notice introductive, « le décret confie aux recteurs d’académie certains actes de gestion du corps des professeurs agrégés notamment, (sic) le classement des lauréats du concours de l’agrégation, l’évaluation, l’avancement d’échelon et de grade des membres de ce corps. »
Cela signifie que l’ « autorité compétente » de gestion des professeurs agrégés n’est plus le ministre, mais le recteur d’académie quand ils sont affectés dans un établissement dépendant de son autorité. Ce nouveau décret modifie donc en conséquence le décret du 4 juillet 1972, et du recteur dépendra désormais :
- Le classement des professeurs agrégés stagiaires – mesure qui prendra effet à compter du 1/09/2025, les autres étant déjà entrées en vigueur,
- L’évaluation,
- L’examen des demandes de révision de l’appréciation finale de la valeur professionnelle (issue des rendez-vous de carrière),
- Les promotions,
- L’attribution des bonifications d’ancienneté au 6e et au 8e échelon pour un avancement accéléré à l’échelon supérieur,
- L’établissement des tableaux d’avancement et le reclassement.
Quelles conséquences concrètes aura la déconcentration de la gestion des professeurs agrégés ?
La fusion dans une seule CAPA (commission administrative paritaire académique) de tous les corps enseignants du second degré, dont les agrégés, et la suppression de la CAPN (commission administrative paritaire nationale) des professeurs agrégés à l’occasion des élections professionnelles de 2022 ont déjà, depuis deux ans, introduit une inégalité de traitement entre les professeurs agrégés. En effet le ministère a ainsi confié à l’administration locale le soin de traiter la deuxième phase des recours contre l’appréciation de l’évaluation professionnelle, auparavant gérée en CAPN, sans fixer de critères communs. C’est désormais à chaque académie de fixer ses propres critères pour procéder au réexamen et à une éventuelle réévaluation de l’appréciation finale, critères qui diffèrent d’une académie à l’autre, mais aussi d’une année à l’autre.
C’est à présent dans la gestion de l’avancement et des promotions de grade des professeurs agrégés, qui résultent de cette évaluation, que ces inégalités vont être introduites via ce nouveau décret – on ne pourra au moins pas reprocher au ministère d’être incohérent. Jusqu’à présent, cette gestion était en effet mise en oeuvre discipline par discipline par le ministère, et en séparant second degré et supérieur, pour l’ensemble des académies. Les rectorats traiteront de leur côté sans distinction l’ensemble des dossiers, et les disparités importantes des critères d’évaluation entre les corps d’inspection et les niveaux d’enseignement se répercuteront sur les promotions des professeurs agrégés concernés, si les rectorats ne veillent pas scrupuleusement à l’équilibre et à l’équité.
En somme, les professeurs agrégés vont à leur tour subir les iniquités que connaissent déjà les autres corps du second degré. Une mesure inutile qui ne pourra satisfaire que les partisans de la politique du pire pour tous.