Le principe de base selon lequel l’agent public, fonctionnaire ou contractuel, doit consacrer « l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées », comporte des exceptions mentionnées aux articles L123-2 à L123-8 du Code général de la fonction publique (anciennement article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983). Cumuler son activité principale avec une activité secondaire comporte des avantages : compléter une rémunération en berne, exercer des tâches plus stimulantes ou amorcer en douceur une reconversion. Rappelons néanmoins que la priorité de l’administration est de s’assurer du bon fonctionnement du service public et pas d’assurer un complément de revenu à ses agents. Dans un contexte de pénurie d’enseignants pallié par la multiplication d’HSA, son intérêt n’est donc pas forcément compatible avec celui de l’agent qui souhaite se mettre à temps partiel pour monter sa microentreprise de vente de bijoux faits main. Comment, dès lors, éviter de voir sa demande de cumul d’activités retoquée dans « l’intérêt du service » ?
Première étape : identifier dans les grandes lignes de quel régime de dérogation relève la demande
1. Certaines activités peuvent s’exercer librement sans demande d’autorisation :
- la gestion du patrimoine personnel ou familial ;
- la production autonome des œuvres de l’esprit (créations littéraires, photographiques…) sous condition du respect des droits d’auteur, de la discrétion et du secret professionnel. Ces œuvres doivent manifester la personnalité de leur auteur.
2. D’autres doivent faire l’objet d’une simple déclaration :
- la poursuite d’une activité privée au sein d’une société ou d’une association à but non lucratif pour les agents nouvellement recrutés, dans la limite d’un an renouvelable une fois, soit deux ans maximum ;
- l’exercice d’une activité lucrative pour les agents exerçant à temps incomplet (quotité non choisie par des contractuels, AED, AESH par exemple).
3. Enfin, deux types de dérogation nécessitent une autorisation préalable :
- l’exercice d’une activité dite « accessoire » pour tout agent à temps complet ou à temps partiel ;
- la création ou reprise d’une entreprise pour tout agent obligatoirement à temps partiel. L’autorisation est valable trois ans maximum, renouvelable une année, soit quatre ans maximum.
Deuxième étape : en cas de doute, s’informer et se poser les bonnes questions
Les cumuls « classiques »
Beaucoup de dérogations sont facilement acceptées : vacations et colles dans le supérieur, corrections de copies du CNED, heures de formation dispensées dans un organisme public ou privé par exemple. Ces demandes, dans leur grande majorité, ne nécessitent pas que l’agent crée son autoentreprise.
D’autres demandes, plus atypiques, méritent davantage de réflexion pour déterminer précisément le régime d’autorisation concerné.
En cas d’hésitation entre les deux types de demandes d’autorisation néanmoins, il ne faut pas hésiter à faire preuve de bon sens ; signaler comme accessoire tout projet qui conduirait à doubler le salaire ou le temps de travail exposerait immanquablement à un avis défavorable du supérieur hiérarchique.
Les subtilités…
Qu’est-ce qu’une activité « accessoire » ? Qu’est- ce que la « production des œuvres de l’esprit »?
Exercer une activité à titre accessoire est la modalité de cumul la plus souple : en effet, elle peut s’exercer aussi bien à temps plein qu’à temps partiel et ce, sans limite de temps. Il est même possible d’en exercer plusieurs ! Il peut donc s’avérer particulièrement intéressant de choisir ce régime de dérogation.
La liste détaillée de ces activités figure à l’article 11 du décret 2020-69 du 30 janvier 2020. Expertise et consultation, enseignement et formation, activité à caractère sportif ou culturel, aide à domicile, vente de biens produits par l’agent …, la liste couvre un grand nombre de domaines susceptibles de concerner des professeurs, mais est néanmoins limitative. Il convient donc de s’assurer que l’activité envisagée en relève bien, tout en sachant que la législation sur le sujet est récente et soumise à de nombreuses interprétations. En cas de doute, il est possible de saisir le référent déontologue de son académie et/ou le collège de déontologie de l’Éducation nationale. Instance créée par un arrêté du 5 avril 2018 en application de la loi de déontologie de 2016, ce collège d’experts est habilité à donner un avis sur la compatibilité de tout projet de cumul d’activités avec les droits et obligations du fonctionnaire. Sachant que tout manquement aux interdictions d’exercer une activité privée lucrative peut entraîner des sanctions administratives et le reversement des sommes indûment perçues, il ne faut pas hésiter à le solliciter.
La lecture de ses avis peut aussi s’avérer instructive. On y apprendra par exemple que guide de randonnée ou animateur de colonies de vacances sont des activités considérées comme accessoires « à caractère sportif et culturel » mais qu’il faut créer une microentreprise si on souhaite exercer ses talents de projectionniste de cinéma ou d’animateurs de soirée, ces activités relevant de la filière « technique ou de l’événementiel ».
Le photographe qui expose ses photos de montagne dans des galeries d’art peut le faire librement sous le régime de libre exercice des œuvres de l’esprit au sens des articles L112-1, L112-2 et L112-3 du code de la propriété intellectuelle. En revanche, il doit solliciter un temps partiel pour création d’entreprise s’il monnaye régulièrement des prestations comme photographe de mariage. Enfin, le professeur de français écrivain public à ses heures perdues, est aussi tenu de créer sa microentreprise : cette activité ne relève pas des activités accessoires et n’est pas considérée non plus comme une œuvre de l’esprit au sens de l’article L112-3.
La jurisprudence est encore embryonnaire et devrait évoluer au gré de demandes croissantes. Des questions nouvelles pourront alors émerger. Donner des cours de yoga devrait relever de la rubrique des activités accessoires à caractère sportif. Qu’en est-il des cours de sophrologie ou de la pratique de l’hypnothérapie ? Être illustrateur occasionnel de livres pour enfants peut sans doute être considéré comme une œuvre de l’esprit. Qu’en est-il de l’illustrateur qui exerce aussi en tant que tatoueur ? Un abîme de réflexions s’ouvre au législateur !
Troisième étape : passer à l’action et faire une demande de cumul d’activités
Une fois le régime de dérogation identifié, les étapes suivantes seront simplifiées : consulter la circulaire académique, remplir les formulaires requis, informer (voire dialoguer avec !) son chef d’établissement ou son IEN. Ces derniers sont invités à donner un « avis éclairé » à l’autorité chargée d’arrêter la décision –Recteur, DASEN- : il ne faut pas hésiter à les guider dans cette démarche sachant que l’administration peut à tout moment s’opposer au cumul d’activités si l’intérêt du service le justifie.
L’argumentation pourra donc avec profit être subtilement adaptée à son destinataire sachant que les objections apportées à un projet de cumul d’activités sont parfois contradictoires. Un chef d’établissement pourra considérer qu’un professeur déjà très occupé par son temps plein et ses HSA risquerait de négliger ses missions en menant de front un autre projet, quand un autre insinuera qu’il n’est pas juste d’accorder l’autorisation de cumul à un agent qui aurait refusé de participer à l’effort d’absorption des HSA ou qui n’assurerait pas des remplacements de courte durée au sein de l’établissement… Au postulant de montrer que l’administration a tout à gagner à accorder l’autorisation. Vaut-il mieux en effet un professeur très occupé mais épanoui ou un agent aigri d’avoir été bridé dans ses projets ? N’est-il pas contreproductif d’imposer des heures supplémentaires à un fonctionnaire qui songe sérieusement à se reconvertir le plus vite possible ?
L’octroi d’une autorisation de cumul d’activités n’est pas un droit et il n’est pas toujours simple d’obtenir le précieux sésame. Comment faire pour optimiser ses chances de voir son projet aboutir dans les meilleures conditions ? Notre conseil pour envisager sereinement cette démarche potentiellement semée d’embûches : contacter le SNALC et bénéficier de son expertise et de son accompagnement à toutes les étapes du processus !