Monsieur le Ministre, Mesdames et Messieurs les représentants de l’administration, Mesdames et Messieurs les membres élus du comité,
Un de vos prédécesseurs avait comparé l’Éducation nationale à un mammouth qu’on devait dégraisser. Aujourd’hui, le mammouth a surtout perdu ses muscles et ses tendons, mais la graisse est encore là, occupée à envoyer des courriers d’insulte dans l’académie de Versailles, par exemple. C’est uniquement grâce au dévouement des personnels que nous représentons que la structure tient debout, mais elle est près de s’effondrer.
Vous pourriez répondre au SNALC que notre organisation dresse un tableau bien sombre, trop apocalyptique pour être vrai. Un autre de vos prédécesseurs l’affirmait, et allait même jusqu’à faire porter le chapeau aux syndicats, qui, par leur discours pessimiste, auraient découragé les futurs candidats. Toutefois, nous espérons que votre expérience politique et l’écoute dont vous avez jusqu’à présent fait montre vous permettront d’établir un diagnostic plus proche du réel. Car il y a urgence.
L’urgence, c’est une désaffection structurelle pour nos métiers. Ce sont plus de 7000 postes non pourvus ces deux dernières années aux concours d’enseignants, ou encore une médecine du travail qui aura disparu d’ici 15 ans. Ce sont des titulaires, des stagiaires, des contractuels enseignants, des AESH qui démissionnent de plus en plus souvent, écœurés. « Écœurés » : le mot qui revenait sous la plume de nos collègues de technologie quand ils ont découvert la suppression de leur discipline en classe de sixième.
Car l’institution et le politique ont une grande part de responsabilité dans cette faillite. Pour ouvrir des parapluies et fabriquer de la com’, il y a du monde ; pour reconnaître les erreurs, les rangs sont clairsemés. Notre pays est le dernier en mathématiques ? Sûrement la faute à pas de chance, rien à voir avec la dégradation financière et symbolique de nos professions, avec nos classes parmi les plus chargées d’Europe, avec notre gestion au rabais de l’inclusion. Laissez-moi vous proposer une formation après les cours avec un zeste de « pilotage » et un soupçon de « gouvernance », et tout ira sûrement mieux. Sauf que non, ça ne va pas mieux.
C’est pourquoi le SNALC vous demande de faire preuve de bon sens, en stoppant déjà tous les projets qui dégradent objectivement nos conditions de travail. Arrêtons cette frénésie autour du remplacement de courte durée et du positionnement hors temps devant élève de la formation continue. Le problème majeur est d’avoir un enseignant bien formé sur la longue durée, déjà. Cessons les suppressions de postes. Faisons qu’aucun personnel ne perde en pouvoir d’achat, ce que les mesures actuelles ne garantissent pas. Organisons un rattrapage salarial via une loi de programmation pluriannuelle pour donner des perspectives à nos futurs collègues, et pour faire que ceux actuellement en poste se voient mieux considérés. Faisons un bilan objectif avec toutes les parties prenantes sur le fonctionnement de l’école inclusive, avant de prendre des décisions lors d’un acte II que le SNALC juge complètement déconnecté du quotidien de nos collègues. Offrons une aide humaine aux directions d’école plutôt que des missions supplémentaires sans temps pour les réaliser. Garantissons une égalité de traitement, par exemple pour le recrutement des assistants d’éducation en CDI, où l’arbitraire ne peut tenir lieu de critère unique. Enfin, offrons une réelle stabilité à des personnels qui en ont besoin pour accomplir leurs missions au mieux, en créant un statut de la fonction publique pour les AESH et pour les AED. Tout cela aura un bien meilleur effet sur notre système qu’une énième réforme du collège ou des lycées professionnels.
Déclaration intersyndicale suite aux propos tenus contre les élus du personnel à l'Assemblée nationale
Monsieur le Ministre,
Nos organisations FSU, UNSA Education, Fnec-FP-FO, SGEN-CFDT, CGT Educ’action, SNALC et Sud Éducation ont participé mercredi 20 septembre à une table ronde sur la rentrée 2023 dans le 1er et le 2d degré organisée par la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale. Toutes nos organisations ont pointé les problèmes rencontrés à cette rentrée : crise du recrutement, salaires, conditions de travail, inclusion et situation des AESH…
En guise de réponse, nous avons reçu de la part de députés Renaissance et Rassemblement national des propos dénigrants, voire insultants. Ainsi Mme Riotton (députée Renaissance) a pointé notre « ton caricatural » et a remis en cause notre représentativité. Puis M.Odoul (député RN) a comparé la séquence pendant laquelle nous nous sommes tous exprimés à « un sketch des Inconnus ». Enfin, M.Chudeau (député RN) a jugé les propos de certains d’entre nous « ridicules et totalement déplacés », nous enjoignant à « nous mettre au niveau » et « à baisser d’un ton » et menaçant de ne pas nous inviter l’an prochain. Tout cela s’est déroulé sans intervention de la présidente de la commission, Mme Rauch (Horizons).
Nous avons fait le choix de quitter ensemble la séance. Les propos qui ont été tenus à notre égard sont graves. Ils sont une remise en cause directe et brutale de notre représentativité pourtant directement issue des élections professionnelles. Ces propos sont donc un déni de démocratie que nous ne pouvons tolérer.
De plus, moquer les propos que nous tenons, c’est balayer d’un revers de la main ces réalités que vivent nos collègues au quotidien, c’est donc mépriser les personnels que nous représentons. Ne pas vouloir entendre les réalités du terrain, les caricaturer, c’est aggraver le fossé entre les personnels et celles et ceux qui exercent des responsabilités politiques, aggravant le sentiment d’abandon des personnels et de l’École publique.
Après cette séquence déplorable pour la démocratie et pour l’Ecole, et alors que les organisations syndicales de votre ministère ont été directement la cible de propos méprisants et insultants, nous attendons de vous une réponse forte qui conforte les principes élémentaires de la démocratie sociale.
A Paris, le 26/09/2023